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Les surprenants prix littéraires d’automne : le triomphe de l'audace

Retour sur une saison inédite et pleine d'enseignements

Les surprenants prix littéraires d’automne : le triomphe de l'audace

Cette année, c’est comme si les jurys de prix littéraires avaient – enfin – compris qu’on attendait d’eux un engagement solide, mais aussi de l’audace dans leurs choix, comme le réclamaient les libraires depuis des années.

Au point qu’ils ont même fermement écarté les favoris pour s’intéresser aux inconnus de la rentrée.

 

Le Goncourt a commencé en nommant dès sa première liste rien moins que 4 premiers romans : La vérité sort de la bouche du cheval de Meryem Alaoui (Gallimard), Le Malheur du bas d’Ines Bayard (Albin Michel), Ça raconte Sarah de Pauline Delabroy-Allard (Minuit), La vraie vie d'Adeline Dieudonné (l'Iconoclaste). A toutes fins utiles, on rappellera qu’il existe le Goncourt du Premier roman décerné en mai ; un esprit naïf pourrait se demander pourquoi ces primo-romanciers n’ont pas été précieusement mis de côté pour la prochaine échéance d’un prix qui leur est consacré. On n’a pas la réponse. 

 

Finalement c’est à Nicolas Mathieu et à son deuxième roman, Leurs enfants après eux (Actes Sud) que le prix est revenu, un roman générationnel de belle facture qui a conquis les explorateurs de lecteurs.com et arrivait en deuxième position du palmarès de la rentrée sur le site, quelques jours avant la remise du Goncourt.

 

C’est l’Académie française qui a dégoupillé la saison en nommant L'été des quatre rois de Camille Pascal (Plon) pour son Grand prix du roman, un texte dense qui parle de l’été 1830, au cours duquel 4 rois se sont succédé à la tête de la France. Une nomination qui a laissé le monde littéraire un peu coi : récompenser un roman historique ressemblait presque à une sortie de route pour ce prix traditionnellement tourné vers la littérature dite blanche.

 

Les « DamesduFemina » n’ont pas laissé passer le livre dont d’aucuns disent qu’il est le plus beau et le plus poignant de 2018Le Lambeau de Philippe Lançon (Gallimard), qui présentait l’inconvénient d’avoir été publié au printemps. Parfois les jurys sortent des clous des livres de la rentrée : les jurés Goncourt avaient ainsi consacré L’Ordre du jour d’Eric Vuillard (Actes Sud) paru en mai 2017. Alice McDermott pour La Neuvième heure (La Table ronde) et Elisabeth de Fontenay ont été récompensées pour le Femina Etranger et le Femina essai.

Néanmoins, Gaspard de la nuit (Stock) d’Elisabeth de Fontenay n’est pas un essai mais une belle autobiographie romancée du frère handicapé de l’écrivain. A ce compte, le texte de Philippe Lançon aurait également fait un épatant Femina Essai, puisqu’il s’agit non pas d’un roman mais d’un récit de son hospitalisation après le massacre de Charlie Hebdo en janvier 2015.

On fait un peu ce qu’on veut avec des catégories de plus en plus souples. C’est ainsi que le Femina a également récompensé d’un prix spécial Pierre Guyotat pour l’ensemble de son œuvre, doublé par Le Prix de la langue française qui a été remis à l’éditeur de l’auteur absent, à Brive, début novembre.

 

Le Prix Femina ayant été rendu avant le Renaudot, le jury de ce dernier pouvait biffer Le Lambeau de sa liste, et sortir les livres des copains qu’on avait posés là pour leur faire plaisir sans vraiment penser sérieusement à les récompenser.

Le Renaudot, qui avait fait frémir le landerneau et carrément hurler les libraires, en intégrant dans sa première liste un roman uniquement disponible sur Amazon, est revenu à la raison dès la deuxième liste. Son jury a récompensé ce qu’on appelle une « petite » maison de qualité, Le Tripode, à travers Le Sillon de Valérie Manteau. Ce deuxième roman raconte l’histoire d’une femme partie en Turquie rejoindre son amant. L’occasion d’aborder la question du génocide arménien, gros tabou en Turquie, à travers le souvenir de Hrant Dink, journaliste turco-arménien, assassiné en pleine journée devant le siège de son journal, à Istanbul en 2007. Le Renaudot des Lycéens, quant à lui, revient à La Vraie Vie d’Adeline Dieudonné (L’Iconoclaste), un livre déjà porté par le Prix du roman Fnac, remis à ce premier roman au tout début de septembre.

 

Il faudra attendre le Prix de Flore pour s’égayer un peu avec Anatomie de l’amant de ma femme, de Raphaël Rupert, un premier roman fin et drôle publié aux éditions de l’Arbre vengeur, où l’on s’interroge sur les relations entre sexualité et littérature sur fond d’une autofiction qu’on espère feinte. Le Prix Interallié récompense enfin Thomas B. Reverdy pour L’Hiver du mécontentement (Flammarion), le Wepler, un beau Prix fidèle à son ADN, récompense cette année La Robe blanche de Nathalie Léger (POL). Mention spéciale au Prix Médicis, d’une exigence sans faille, qui a consacré Pierre Guyotat pour Idiotie (Grasset) et Rachel Kushner pour Le Mars Club (Stock) dans le domaine étranger.

 

Enfin, le Prix Goncourt des lycéens a consacré à Rennes le deuxième roman de David Diop, Frère d’âme (Le Seuil). Il y a dans ce texte fort et grondant, un hommage à la Première Guerre mondiale et aux tirailleurs africains embourbés à Verdun, qui font la toile de fond de cette magnifique et fulgurante fresque sur la condition humaine.

 

De nouveaux jeunes romanciers, trentenaires ou fraichement quadragénaires, ont été primés pour leurs premiers ou deuxièmes romans. On leur souhaitera sincèrement que ces grands prix, parfois lourds à porter n’hypothèqueront pas leurs carrières débutantes, comme cela a souvent été le cas. Le palmarès des maisons d’édition voit ses lauréats renouvelés avec des maisons comme Le Tripode, L’arbre vengeur ou L’Iconoclaste. On peut le dire, une belle saison de prix s’achève.

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