Qui sont les auteurs et libraires membres du jury ?
Qui sont les auteurs et libraires membres du jury ?
au n°16 de la rue Grande-Pohulanka, à Wilno, habitait M. Piekielny…
Lancé en janvier 2015, le Club des Explorateurs permet chaque semaine à deux lecteurs de lire en avant-première un même titre que nous avons sélectionné pour eux et de confronter ainsi leur point de vue. Cette semaine, Colette a choisi Sandrine pour partager sa lecture et son avis sur le livre Evariste de François-Henri Désérable (Gallimard).
Un coup de coeur pour moi : Une jeune femme quasi-mariée qui tombe amoureuse d'un écrivain, et ils vivent ensemble une passion folle.
Au delà de leurs moments torrides dans les chambres d'hôtel, ça parle beaucoup de littérature, Rimbaud et Verlaine jalonnent l'histoire, on découvre beaucoup de poèmes, on visite la BNF...
EN PLUS, une des particularités de ce roman, c'est que toute l'histoire entre Tina et Vasco n'est racontée QUE par le meilleur ami, qui témoigne de toute la relation. Ca donne un rapport assez fou aux personnages, puisqu'on ne les rencontre jamais vraiment, finalement. Et pourtant on s'attache à eux, à leurs folies, à leur amour.
Voilà, j'ai trouvé ça assez incroyable, et j'ai adoré le lire.
Mais qu’allait-il donc faire dans cette galère ? Car, oui, il faut être un peu barré, fêlé, piqué, pour se rendre en Iran fin 2022, et ce malgré les mises en garde alarmistes du ministère des Affaires étrangères.
Rappelez-vous : la répression à cette époque était terrifiante car la population osait manifester dans la rue après la mort de Mahsa Amini. Mort absurde après son arrestation pour avoir mal mis son voile islamique.
Oui mais voilà, ce voyage prévu de longue date avait été reporté à cause du Covid et François-Henri Désérable avait des fourmis dans les jambes. Il part donc, à la rencontre des iraniens de la rue et de leur culture. Il marche aussi sur les traces de cet écrivain voyageur qui l’a tant fasciné : Nicolas bouvier. « L’usure d’un monde » vient en écho à « L’usage du monde » que Bouvier avait publié en 1963.
Que de changements depuis cette date, François-Henri Désérable ne cesse de nous les montrer. Si certains paysages restent immuables, la vie n’est plus la même dans ce pays de tous les dangers. Même parler avec ses habitants est risqué, on peut les mettre en danger tant la parole a été bâillonnée.
On ne peut qu’être fasciné par le courage de ce peuple qui, malgré la dureté de la répression, continue de manifester ou d’exprimer sa désapprobation. François-Henri Désérable a su croquer sur le vif ces rencontres, ces portraits de gens courageux qui veulent encore espérer en l’avenir. Quelle leçon de courage ! Car les enlèvements, les emprisonnements arbitraires et la torture, les viols, les condamnations à mort sont monnaie courante dans ce pays livré aux mollahs.
Certains comme Amir, n’hésitent pas à confier à ce français de passage qu’ils n’espèrent qu’une chose : la mort du guide Suprême Ali Khamenei.
Un autre aura sa propre explication : "Le problème, je vais vous dire, c’est que vous avez d’un côté un peuple déterminé à chasser du pouvoir un régime corrompu, et de l’autre un régime corrompu déterminé à s’y maintenir".
Il y a aussi cette culture raffinée, si différente de la nôtre, où la politesse est si importante. Il y a ces pratiques qui nous étonnent comme le sigheh qui est un mariage temporaire, ce que l’on peut trouver étrange dans un pays aussi rigoriste.
C’est un voyage plein d’aléas, car la surveillance est partout, et on peut être arrêté, expulsé à tout moment. Malgré ces risques François-Henri Désérable va sillonner le pays, du Kurdistan au Baloutchistan, pendant cinq semaines, multipliant les rencontres avec les habitants mais aussi les rares étrangers baroudeurs qui continuent de venir en Iran. En début d’ouvrage, une carte permet de se situer dans cet immense pays.
François-Henri Désérable n’hésite pas à se perdre, changer ses plans pour mieux se retrouver dans l’aventure., fidèle aux préceptes de Nicolas Bouvier qui disait :
« En route, le mieux c'est de se perdre. Lorsqu'on s'égare, les projets font place aux surprises et c'est alors, mais alors seulement que le voyage commence. »
Mon seul regret, c’est que l’évocation du grand voyageur Nicolas Bouvier reste assez sommaire. Il aurait pu prendre un peu plus de place dans ce récit qui est, somme toute, assez court.
Reste la tragique évocation d’un peuple opprimé mais qui continue d’espérer. Chapeau bas, l’ami, pour ta folie créatrice qui m’a ravie.
Sans doute fallait-il une bonne dose de déraison pour, en dépit des avertissements, s’aventurer en Iran fin 2022, alors que le pays, en pleine implosion après la mort en détention de Mahsa Amini, faisait face à la féroce répression du régime islamique. Mais François-Henri Désérable désirait depuis longtemps marcher sur les traces de son modèle Nicolas Bouvier, l’écrivain-voyageur dont le livre L’usage du monde, devenu la référence de la littérature de voyage, relate le périple en Fiat Topolino, dans les années cinquante, de Belgrade à Kaboul en passant par l’Iran. Alors, une pandémie de Covid et l’obtention d’un visa plus tard, rien ou presque n’aurait pu retenir notre homme de s‘élancer enfin, à son tour, dans sa traversée de l’Iran.
Pendant cinq semaines donc – une de moins que prévu puisque, arrêté après quarante jours par les Gardiens de la révolution et sommé de quitter illico le territoire, il doit obtempérer pour éviter le pire –, son road-trip en bus et en auto-stop lui fait parcourir la majeure partie du pays, du Kurdistan au Baloutchistan, à la frontière pakistanaise. Son but en voyage n’étant « pas tant [de] s’émerveiller d’autres lieux », mais d’« en revenir avec des yeux différents », c’est de rencontres qu’il emplit son carnet de route, formant peu à peu, au travers d’une ample galerie de personnages, le portrait d’un pays arrivé au point de non retour où la colère l’emporte sur la peur. Du nord au sud, d’est en ouest, alors que la répression contre les manifestations se déchaîne et que les milices du régime sont partout à exercer leur surveillance de tous les instants, l’auteur ne croise, à une exception près, que des habitants aspirant à la chute de l’ayatollah Ali Khamenei et de son gouvernement exécré. Aucune trace d’antiaméricanisme, pas de place démesurée accordée à la religion, mais un monde assoiffé de libertés, usé par une économie à bout de souffle, une inflation galopante et une monnaie en perdition. Et toujours et partout, le jour ou la nuit, d’une terrasse d’immeuble ou d’une voiture dans la rue, malgré la peur et le danger, le même cri repris en écho : « Marg bar dictator ! – « Mort au dictateur ! »
« Le problème, je vais vous dire, c’est que vous avez d’un côté un peuple déterminé à chasser du pouvoir un régime corrompu, et de l’autre un régime corrompu déterminé à s’y maintenir. Et les hommes qui composent ce régime ne reculeront devant rien, croyez-moi. Mais nous non plus. Et le bruit de leurs balles aura bien du mal à recouvrir celui de nos voix. » Et l’interlocuteur rencontré au hasard d’enchaîner sur le terrifiant décompte des morts, avant de conclure par ce slogan répété partout dans le pays : « derrière chaque personne qui meurt battent mille autres cœurs. » Témoin de tous ces petits actes de résistance anonyme qui, comme les ruisseaux font les grandes rivières, contribuent, chacun à leur façon, à ce qui apparaît désormais comme une inéluctable révolution, François-Henri Désérable s’interroge sur les notions, au plus près de l’ordinaire, de courage et de peur. Empli de mélancolie par la certitude de n’être pas près de retourner de sitôt en Iran, conscient qu’il ne saura jamais ce que deviendront tous ces gens croisés l’espace d’une conversation, il quitte ce pays en train de secouer quarante-trois ans de terreur avec le sentiment d’avoir traversé les dernières heures d’un monde usé de toute part. Un monde qui, en tous les cas, n’a plus grand-chose à voir avec celui qu’a pu connaître Nicolas Bouvier, il y a seulement soixante-dix ans. On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve… Puisse un prochain voyageur, dans un Iran qui aura réussi son renouveau, bientôt s’en réjouir !
Parfois, rien ne sert de relater, de disséquer ou d’analyser un livre qui n’a rien à prouver.
L’histoire est simple : le narrateur, un ami proche du couple, raconte leur amour passionnel. Les personnages ne sont pas embellis, ils sont remplis de vices et de travers, ils sont faibles face à la tentation et petits face aux émotions.
La plume est efficace, drôle et indulgente. Avec une certaine acuité, le sentiment amoureux est décrypté, allant de la vive jalousie jusqu’à la passion amoureuse qui consume. Ce livre est rempli de références poétiques, mais il est avant tout une poésie à lui seul, un ensemble de mots habilement imbriqués pour nous faire vibrer.
Pour une fois, je ne crois pas qu’il soit nécessaire d’en dire davantage, il faut simplement le lire.
@lecturesauhasard
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