« Je pourrais naturellement dire «je suis écrivaine», ou «canadienne», ou «française» ou «femme», ou «vieille femme», «du xxe siècle», «athée», je peux dégoter plein d'adjectifs ou de substantifs qui correspondent à ce que les gens considèrent comme une «identité», mais je suis quelqu'un de très circonspect à l'égard de l'Identité. Alors j'aime répondre : «je suis mon chemin», à la fois suivre et être, bien sûr. En fait nous sommes tous notre chemin, bien plus que nous ne le croyons ! Il se trouve que le mien a été multiple, avec des bifurcations, des tournants, des zigzags et des imprévus ; il m'a menée dans des endroits très différents. Par conséquent je suis plusieurs, et quand on est plusieurs ça ajoute un «mais» à toutes les identités. » Nancy Huston ne serait peut-être jamais devenue l'écrivaine prolifique que nous connaissons si elle n'avait pas vécu ce « cadeau en mal » de la vie, à 6 ans, lorsque sa mère a quitté le foyer en laissant derrière elle ses trois enfants. À dater de cette rupture, la petite Nancy s'est réfugiée dans la compagnie de voix que l'on retrouve dans les personnages de ses romans. Née au Canada, elle s'installe en France à l'âge de 20 ans, côtoie de grands intellectuels et publie ses premiers textes dans les revues féministes des années 1970, avant de s'ouvrir à toutes formes d'écriture : romans et essais, théâtre et livres jeunesse. Régulièrement primés, ses livres explorent avec finesse l'exil, la famille, le nihilisme, l'identité multiple et, surtout, les liens complexes qui unissent drames intimes et grande histoire.
Entretiens menés par Sophie Lhuillier.
Un chemin de vie passionnant ! « La vie nous fait des cadeaux en bien et en mal » nous dit Nancy Huston et c'est ce qu'elle s'attache à raconter ici. Elle y raconte ses rencontres décisives, ses joies et ses peines, les épreuves, à commencer par le départ de sa mère à 6 ans, et comment elle a surmonté ces dernières et en a fait une force. J'ai aussi été particulièrement intéressée par tout ce qui concerne le bilinguisme de l'autrice et sa façon d'utiliser la langue française (sa langue « étrangère ») et la langue anglaise, sa langue maternelle, celle de l'enfance, « celle des sentiments liés à sa propre enfance ». Elle a commencé à écrire en français mais il lui a fallu revenir à la langue anglaise pour pouvoir aborder certains sujets. « C'est en ce sens que la maladie a été un cadeau en mal. J'ai compris grâce à elle que si je voulais écrire des romans valables, je ne pouvais pas me permettre d'enterrer l'enfance. Or je n'avais aucun accès à m enfance à travers la langue française. »
Ce qu'elle dit de sa technique d'écriture est également passionnant, de la traduction de ses propres livres, même si elle démystifie beaucoup le travail de l'écrivain. Ce livre trouve pour moi pleinement sa place dans cette nouvelle collection car la vie de Nancy Huston est un vrai chemin de vie.
Cet entretien est aussi l'occasion pour elle de parler du féminisme, de l'écologie, et de littérature bien sûr.
Ce livre m'a permis de découvrir une autrice dont je n'ai encore lu aucun livre mais que je vais m'empresser de lire, sans parler des nombreuses références littéraires qu'elle donne et qui donnent envie.
Je viens de savourer ma chance d’avoir pu découvrir les entretiens menés par Sophie Lhuillier (Editions du Seuil) avec Nancy Huston, une femme que je qualifierai sans ambages de « femme forte ».
Je réalise que la lecture d’un seul de ses romans « lignes de faille » ne m’avait pas permis de rencontrer vraiment cette personne. Dans les méandres de nos deux histoires de vie, sauvées par la lecture, je me suis très vite identifiée à cette femme que les traumatismes de l’enfance ont sculptée. Là s’arrête la comparaison.
Nancy Huston a su déployer une grande force pour ne pas subir passivement les violences en s’en emparant et en les scrutant.
Femme de lettres, élève de Roland Barthe, engagée dans différents domaines, du mouvement féministe des années 70 à la cause écologiste, elle prend position sur de nombreux sujets, convoque dans ses romans des thèmes qu’elle a elle-même explorés, comme la famille et ce fameux « lien d’absence ».
Une riche composition entre un questionnement judicieux, une histoire de vie comme une biographie et une narration pleine de sincérité, je continuerai mon cheminement avec Nancy Huston en approfondissant son œuvre et en vous invitant à m’accompagner en suivant ce chemin.
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