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-Sortir le siècle des ténèbres-
Récit d’une vie hors normes, d’un destin hors du commun, du parcours bluffant d’un grand esprit qui aura à sa façon -flamboyante- participé à guider notre « humanité » vers plus de Lumière.
Je ne crois pas qu’il soit nécessaire, pour monter plus haut l’étoile de Diderot, de descendre celle de ses contemporains. Rabaissons les autres philosophes à de pales copies ou copistes et le siècle des Lumières s’éteint. L’air de ne pas y toucher Attali le suggère pourtant dans son introduction et s’il est tentant sans doute d’établir un palmarès ou une hiérarchie entre ces grands esprits qui animèrent le XVIIIème siècle, bon courage pour tenter de paraître crédible à qui voudrait tenter de départager Voltaire de Rousseau, de Montesquieu ou de … Diderot. Inutile d’enlever du mérite aux premiers nommés pour souligner à quel point Diderot aussi fut décisif dans ce siècle fou qui vit la France entraîner une partie de l’humanité dans ses foulées de Géante du Droit et de la Raison. Non que la France en eût jamais le monopole mais elle en fut bien une des plus belles voix, guidée en cela par ses plus belles plumes. Diderot fut plus qu’un murmure au cœur de ce grand concert d’esprits et le travail de Jacques Attali nous le raconte avec brio. Inutile cependant de hisser le philosophe au sommet d’un futile arbre des mérites pour que soit justifiée ou légitimée l’envie d’écrire comme celle de lire une biographie de cet incroyable amoureux de la vie, des femmes, des mots et de la raison. Peu importe dans quel ordre là aussi puisqu’il les aima tous, toutes avec une incroyable ardeur.
Et cette biographie réussit l’improbable pari de nous en apprendre encore sur cet intarissable penseur et acteur de la vie. Attali est aussi bon que d’habitude, et c’est un compliment. Le livre, pavé pourtant lourd et conséquent, se lit avec le même appétit que celui qui animait le goût de vivre et d’agir de Diderot. Un vrai régal.
A trop se glisser dans les souliers de ceux dont il nous décrit la vie, Attali certes parfois nous laisse songeur à nous interroger sur son objectivité… Eternel dilemme du lecteur de biographies… où se trouve la ligne entre réalité et passion aveugle ? Se laisser porter ou trop se méfier ? La réponse restera toujours : lire, comparer, et se faire sa propre idée. Celle de Jacques Attali est claire comme eau de roche. Diderot est LE grand esprit de son siècle… Et l’on est tenté d’y accorder en effet beaucoup de crédits quand on voit ce que ce jeune homme destiné à devenir chanoine a réussi à accomplir à force de conviction, d’obstination et de … raison. Diderot aura certes marqué de sa décisive empreinte la littérature d’idées bien sûr avec le périlleux combat et merveilleuse aventure de l’Encyclopédie (superbement raconté dans ces pages), mais sa plume se trempa également pour rédiger des centaines de lettres… enflammées vers toutes ces femmes aimées, ou plus « méchantes et ironiques » à destination des certains de ses contemporains… Même l’intouchable Voltaire en fera les frais et l’on sent bien qu’Attali nous livre cet épisode là avec un certain amusement. Diderot c’est également l’auteur de ce bijou novateur que fut à l’époque son Jacques le Fataliste avec lequel il donna un vrai coup de jeune au roman.
Cette biographie réussit également à nous planter un vrai décor autour de ce destin d’homme. Et l’on y voit l’histoire de France défiler sous nos yeux, on y lit l’Europe intrigante et les manigances des cours freiner ou accélérer les élans progressistes.
Et si comme je l’ai fait un temps, vous redoutez qu’Attali ne fasse de l’ombre au philosophe en étant lui-même trop présent dans son ouvrage, baissez votre garde. Certes, l’ami Jacques se répand en intro et conclusion de son ouvrage mais il fait la politesse de laisser toute sa place à Diderot dans le reste de ces pages où il nous propose l’excellent portrait et fabuleux parcours de cet homme aux multiples facettes : Diderot l’écrivain, Denis le libertin, aussi grand orateur que prolifique épistolier, dont le chemin croisera la route de figures aussi prestigieuses que Mozart, Voltaire, Rousseau l’ami d’un temps, Grimm celui de toujours, ou presque… Et si Attali s’efface, son énergique et enlevé coup de plume lui demeure rendant chaque nouveau chapitre aussi captivant à lire que les précédant. Les bonheurs sont donc conjugués, celui de lire comme celui de découvrir et de se laisser éclairer sur la vie que mena un grand penseur de son siècle, peu importe qu’il en fut ou pas le plus grand ou le plus libertin.
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