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Cet court ouvrage qui tient autant de l'essai cétologique que de la fantaisie littéraire, s'attaque à l'un des mystères les plus coriaces et les plus fascinants du règne animal : les bonds prodigieux qu'effectuent parfois les grands cétacés hors de l'eau. Beaucoup d'hypothèses ont été formulées à ce sujet par les biologistes du comportement, aucune n'a convaincu. L'auteur explore une piste personnelle et théorise ce que les baleines se tordant au-dessus de l'océan doivent à l'ennui et à l'absurde ; il invite à considérer leur saut comme une victoire sur l'insupportable et comme une manifestation exemplaire de la plus haute des libertés.
« Nous ignorons pourquoi les baleines et autres cétacés effectuent parfois ces sauts stupéfiants au-dessus des mers et des océans, mais les hypothèses ne manquent pas, elles se renforcent même du seul fait que la question n'a pas été tranchée. On dit qu'elles bondissent dans les airs pour déglutir, se débarrasser de leurs parasites, communiquer, séduire en vue d'un accouplement, pécher en gobant, chasser en catapultant, fuir des prédateurs sous-marins comme l'espadon ou le requin, s'étirer, s'amuser, en imposer, ou encore ponctuer un message, une attitude. Aucune de ces explications ne convainc : fâcheusement partielles ou intolérablement saugrenues, toutes ont été contestées. Comme c'est le cas face aux grandes interrogations métaphysiques, elles semblent toutes buter contre l'étroitesse du cerveau et de l'imagination qui les échafaudent. La question serait-elle insoluble ? [.] Ivresse, libération, secousse non moins absurdes, en dernier lieu, futiles, qui n'apaisent qu'un moment, qu'il faut toujours recommencer, et dont la baleine doit savoir en son for intérieur, dans ce magma d'instincts, de mémoire et d'analyse, la grande vanité. Mais en un monde qui n'est que poussière d'étoile remuée dans un trou noir, la créature, même bardée de ses instincts, gènes et neurones, même flattée par l'héritage multi-millénaire de la sélection naturelle, peut goûter un acte aussi gratuit que la totalité dans laquelle elle baigne. Ainsi la baleine sauterait-elle quia absurdum, parce que c'est absurde ? »
Petit livre instructif mais pas passionnant. Si je trouve majestueux le saut des baleines, je n’ai jamais éprouvé le besoin (sans doute à tort) de savoir pourquoi elles sautent.
Arctique, noire, grise, bleue, à bosse, rorqual... les cétacés se projettent soudain hors des flots et y retombent lourdement dans un immense jaillissement d'écume. Comme Icare attiré par la brillance du soleil, comme une tentative d'exil de leur élément vers un autre qui leur est aussi nécessaire que fatal, comme la réminiscence d'un passé d'oiseau, comme le besoin d'éprouver la masse de l'air et d'en comparer les effets avec celle de l'eau, comme une pulsion absurde qui contraint le corps à se confronter à l'inconnu...
Nicolas Cavaillès a beaucoup observé de nombreuses baleines ou s'est sérieusement documenté pour proposer cet essai aussi poétique que scientifique. Il décortique les sauts selon les espèces, en mesure la durée, la fréquence, les variations et explore ensuite de nombreuses hypothèses, toutes plus insatisfaisantes les unes que les autres.
Loin de tout anthropomorphisme, ce court ouvrage (64 pages) s'aventure dans les profondeurs abyssales des questions sans réponse (voire des réponses sans question) sur un ton subtilement parodique qui m'a parfois rappelé Monsieur Cyclopède et ses réjouissantes minutes nécessaires.
Sans m'enthousiasmer outre mesure, j'ai bien aimé ce petit bouquin qui surfe entre sciences, métaphysique et philosophie, à l'écriture espiègle et gorgée d'une poésie onirique. Il a eu sur moi un pouvoir un peu hypnotique, comme s'il me donnait à voir au ralenti des baleines bondissant indéfiniment hors de l'eau.
Pourquoi le saut des baleines ? Parce que.
La question est : pourquoi Pourquoi le saut des baleines? Non ce n’est pas une erreur de frappe!
Dans ce court essai aussi philosophique qu’écologique, le scientifique n’est pas oublié ; Il y a fort à parier que la lecture constituera pour nombre de lecteurs une découverte du monde des cétacés, grâce à l’érudition de son auteur. Mais derrière ces déclinaisons qui cataloguent toutes les espèces de baleines et des supputations concernant leur conduite spectaculaire qui nous permet de les apercevoir hors de l’eau, selon des figures caractéristiques de l’espèce, se cache un autre propos.
Le pourquoi semble bien reprendre ce tic enfantin qui représente une étape dans le développement. Question qui attend à peine une réponse. L’anthropomorphisme assumé de l’auteur lui permet de reprendre à son compte les questions fondamentales. Qu’est-ce que le bonheur? La vie vaut-elle la peine d’être vécue?
Alors le saut des baleines? Hasard ou nécessité.
Lu pour la sélection anniversaire 5 ans des #68premieresfois
"Les baleines sont les derniers poètes, elles sautent parce qu'elles sautent. Elles sautent. Elles sautent avec des raisons que nous ne saurons pas. Elles sautent sans raison. Mais nous autres, humains, sommes des comptables mesquins et nous voulons que tout effet possède une cause."
Sylvain Tesson, "Une très légère oscillation"
"Nous ignorons pourquoi les baleines et autres cétacés effectuent parfois ces sauts stupéfiants au-dessus des mers et des océans, mais les hypothèses ne manquent pas, elles se renforcent même du seul fait que la question n'a pas été tranchée."
Le sera-t-elle jamais ? Et d’ailleurs, faut-il qu’elle le soit ?
J’ai découvert ce petit livre grâce à une rencontre avec l’auteur organisée par ma librairie, Ombres Blanches à Toulouse, en 2015. Il venait de recevoir le Prix des Gens de Mer. Ma curiosité avait été piquée, je l’avais acheté. Bien m’en avait pris. "Pourquoi le saut des baleines" n’est pas un essai assommant sur les cétacés ; c’est, comme l’annonce la 4e de couverture, un "essai cétologique autant que [une] fantaisie littéraire."
Fantaisie littéraire, c’est bien cela que j’en avais retenu, avant cette relecture, 5 ans plus tard dans le cadre des #68premieresfois.
Cette fantaisie cétologique nous arrache l’espace de quelque 70 pages à la pesanteur d’un monde devenu bien sérieux, en nous invitant à prendre notre "envol" avec ces lourds mammifères marins.
Fantaisie fantaisiste ?
Non.
Nicolas Cavaillès n’est pas cétologue, il est écrivain. Et s’il reconnaît avoir lu quantité d’ouvrages pour nourrir son essai, il a le bon goût de n’en faire ni étalage ni tapage.
Fantaisie poétique ?
Oui.
"Pourquoi le saut des baleines", oublieux du point d’interrogation, propose une approche moins scientifique que poétique. Nous devinons à cette absence qu’il ne s’agira pas de répondre à la question pourquoi diantre les baleines sautent-elles… même si on ne sait toujours pas pourquoi elles le font !
"Ce maudit pourquoi se nourrit de tout, et ne recrache rien : dans le fond, on ne sait jamais pourquoi rien du tout."
Les premières pages passent en revue la classification des différents cétacés, le saut spécifique à chacun d’eux, tels le "saut carpé-flanché intégral vrillé" ou encore l’"érection céphalique flanchée", avant que l’auteur n’en vienne à envisager des hypothèses, toutes d’une extravagante vraisemblance et dont je dirai le moins possible pour ne pas gâcher le plaisir de votre lecture. Car plutôt que de s’abandonner à l’aridité des faits pour tenter d’en extirper quelques conclusions risquées qui échappent toujours,
"Comme il fallait s’y attendre face à un tel sujet, le miroitement de la baleine en son mystérieux saut soulève des vagues proliférantes de questions qui s’éternisent dans notre océan d’intranquillité, tandis que les rares réponses à y poindre s’évaporent vite ; nous ferons mieux de tout abandonner ici, sans espérer nulle synthèse ni aucune forme de couronnement des différentes hypothèses soutenues plus haut, et en acquiesçant à ceci, leur antithèse à toutes : nous ne saurons jamais pourquoi les baleines bondissent, ni même pourquoi nous nous le demandons."
il est bien plus intéressant d’approcher ce mystère avec imagination et de rêver, oui je crois, de rêver les raisons qui font que les baleines sautent. On ne trouvera donc rien de cartésien, rien qui tente d’apporter une réponse sûre, incontestable, scientifique, à telle enseigne que le chapitre qui revisite la poussée d’Archimède est désopilant. Nicolas Cavaillès nous invite à lâcher prise : pourquoi le plaisir à laisser les énigmes irrésolues, pourquoi la futilité de l’absurde, pourquoi l’épuisement de notre vocabulaire rationnel.
"Salio quia absurdum : tout le monde a droit au non-sens, le philosophe comme le poète, le cachalot comme le mystique ; ils font tous les mêmes bonds abscons."
Pourquoi faudrait-il avoir réponse à tout ? poser des équations sans aucune inconnue sur notre monde ?
"Plus on classe, plus on inventorie, plus on dépiaute, plus on contrôle les choses, plus elles deviennent fades, et plus on échoue à les approcher et à les entendre […] Tel Orphée se retournant vers Eurydice, l’humain perd ce dont il s’enquiert, il dénature ce qu’il veut connaître. Heureux celui qui contemple un ciel étoilé sans y distinguer de constellations prédéfinies, heureux celui qui traverse un paysage que ne défraîchissent aucune abstraction linguistique ni culturelle, aucun nom ni aucune anecdote historique, heureux et sage celui qui vogue sur une mer anonyme."
Ces mammifères marins sautent donc apparemment "sans loi ni finalité", ni pour franchir un quelconque obstacle, ni pour gagner en célérité, ni..., ni…, ni… Non, les baleines ne s’arrachent aux eaux sombres de l’océan que pour y replonger.
"Le bond : instant d'évasion, faux-fuyant, dérobade face au dégoût, aux flots glacés et aux sociétés de toutes les espèces - dans quoi l'on retombe hélas déjà, avec fracas, écume et amertume."
Nicolas Cavaillès, conviant au hasard des pages Glenn Gould, Nietzche ou Dostoïevski, esquivant opportunément le monstre marin et littéraire "Moby Dick", joue à égrener des "parce que" dont il sait pourtant par avance qu’ils ne trancheront rien et dont je retiens le dernier, parce que (!), plus que tout autre, il me semble s’adresser à ceux d'entre nous empêtrés dans un quotidien anonyme :
"Se venger de la fadeur de l’existence."
Pour découvrir les autres conjectures lancées par cet auteur facétieux, je vous laisse sauter dans ce petit bijou littéraire, superflu donc indispensable, dans ce condensé saugrenu de dérision qui a le bon goût de n’entrer dans aucune catégorie.
Quelle bonne idée, Gilles Marchand, de l’avoir choisi pour la sélection anniversaire 5 ans des #68premieresfois !
https://www.calliope-petrichor.fr/2020/03/15/pourquoi-le-saut-des-baleines-nicolas-cavaillès-éditions-du-sonneur/
Pourquoi les baleines propulsent-elles leurs tonnes de chair au-dessus de l’eau en retombant dans des gerbes d’écume ? C’est une des questions fascinantes qu’on se pose dès l’enfance, auxquelles les mères excédées répondent souvent : « parce que ». Il faut bien alors s’en contenter. Et puis les années passant, la question et le mystère ressurgissent, mais jamais la physique, l’océanographie, la zoologie, la protection de l’environnement n’apportent de réponses convaincantes ; sans compter les artistes, écrivain.e.s, poètes ou même les piliers du café du commerce : il semble que ni rien ni personne ne permette jamais de répondre à la question une bonne fois pour toutes.
Avec l’entêtement d’un enfant et la rigueur d’un scientifique, Nicolas Cavaillès prend la question à bras de corps, fait l’inventaire du savoir sur la question, émet des doutes et des suppositions, imagine et problématise, sans jamais être sûr de percer le mystère.
Difficile de ne pas se laisser prendre par cette langue ciselée qui entraine avec jubilation sur les vagues et au fond des mers, dans un maelström de pure poésie, de vérités scientifiques et d’absurde ouvrant sur des abîmes métaphysiques, une piste étant que si l’homme sort de sa condition humaine par l’acte créatif, la baleine fait peut-être de même, se jetant hors de l’eau pour sortir de sa condition de mammifère marin.
Un texte aussi court (64 pages) que passionnant, drôle et vertigineux.
Lu dans le cadre des 68 premières fois, ce livre voyage auprès des lecteurs/lectrices engagé.e.s dans l'aventure.
72 pages que je n'ai pas voulu lire d’une traite ou, plutôt, d’une nageoire. Pour essayer de percer le mystère du saut des baleines, Nicolas Cavaillès ne convoque pas moins que Nietzche, Glen Gould, Dostoïevski ! J’ai appris, de façon très ludique et drôle,beaucoup de choses sur les cétacés… mes connaissances en ce domaine sont voisines de zéro. Dans tous les cas, notons-le bien, "les bonds s’offrent comme l’image d’une quête angoissée de liberté" ; j’aime la théorie de la liberté. Quelques questions « métaphysiques » comme celle des limites des océans « Réclusion d’autant plus redoutable qu’elle est abstraite, ne se heurte-t-on pas constamment à l’impossibilité de se cogner contre quoi que ce soit ? » De temps à autre, j’ai côtoyé l’absurde comme l’explication de « la poussée d’Archimède exaspérée ». Un grand moment au pays de l’Absurdie.
Alors, pourquoi le saut des baleines ? Pour un grand moment de liberté, pour déglutir, pour séduire, chasser, s’amuser…. ? Toutes les théories se défendent. Mais chut, pourquoi tout analyser, rationaliser, expliquer. Laissons les baleines sauter pour leur plus grand plaisir et celui des privilégiés qui assistent à ces spectacles.
Nicolas Cavaillès qui dédie ce livre à Gennadi Gor, poète russe, utilise le nous et une écriture un brin surannée, quelque fois savante, toujours maîtrisée qui donne à cet essai un second degré très agréable, oui j'y ai vu de second degré.
Un livre surprenant, une lecture sautillante (c’est la moindre des choses puisqu’il y est question de sauts), brillante.
Déjà lu des éditions du Sonneur, dont j’aime la couverture sobre : « Comment lutter contre le terrorisme islamiste dans la position du missionnaire» et « Mousseline et ses doubles » de très bons moments de lecture.
Je ne m'étais jamais posé la question! Pourquoi les baleines sautent-elles (spectacle fascinant et angoissant) dans ce livre de nombreuses hypothèses sont avancées mais aucune n'est retenue définitivement...le mystère reste entier
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