Paru dans Libération, le 14 novembre 1986, La Pute de la côte normande est le complément nécessaire à la lecture des Yeux bleus cheveux noirs. En effet dans ce nouveau texte, Marguerite Duras raconte de quelle façon elle a écrit l'été dernier dans son appartement de l'hôtel des Roches noires à Trouville, l'histoire du jeune étranger aux yeux bleus cheveux noirs. Elle décrit ce que fut ce moment de l'écriture, sa violence, ses cris et elle explique aussi pourquoi elle a dédié son roman à Yann Andréa (l'auteur de M. D.).
« Au début, c'était difficile. Je pensais que c'était injuste qu'il crie contre moi. Que ce n'était pas bien. Et quand j'écrivais et que je le voyais arriver et que je savais qu'il allait crier, je ne pouvais plus écrire, ou plutôt l'écriture cessait partout. Il n'y avait plus rien à écrire du tout, et j'écrivais - des phrases, des mots, des dessins - pour faire croire que je n'entendais pas qu'on criait. »
Ce petit livre de 13 pages (p.7-20) semble être plus une lettre que Duras veut distanciée. La 4e de couverture donne bien le ton de cette "lettre" déroutante comme si elle nous positionnait en tant que voyeur de leur huis clos conjugal : Yann serait invivable, incontrôlable, violent verbalement et elle là, comme une victime. Et pourtant, à travers les lignes, elle avoue quand même que quand il n'est pas là, elle ne peut pas écrire, ou elle n'écrit pas si bien ; qu'elle attend ses retours même à cinq heures du matin ; qu'elle est mortifiée quand il l'envoie balader après ses déambulations diurnes et/ou nocturnes. Elle est même probablement jalouse de ces barmen avec qui il passe parfois ses nuits.
C'est un écrit que je perçois comme une lettre ouverte (mais à qui finalement ?) et ambigu comme l'était leur relation. Yann Andréa écrit "Cet amour-là" et "Je voudrais parler de Duras" (des entretiens) qui font écho avec le sujet de ce livre-ci.
Marguerite Duras écrivaine, face aux colères et aux cris de Yann Andreas. 19 pages répondant probablement à des insultes plus marquantes que d'autres : "Qu'est-ce que vous foutez à écrire tout le temps, toute la journée? Vous êtes abandonnée par tous. Vous êtes folle, vous êtes la pute de la côte normande, une connarde, vous embarrassez."
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