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Marguerite Duras

Marguerite Duras

Marguerite Donnadieu est née le 4 avril 1914 à Gia Dinh, dans la banlieue de Saïgon, en Indochine. Son père, Henri Donnadieu, enseigne les mathématiques et fait carrière au Tonkin, en Cochinchine et au Cambodge, et sa mère, Marie Legrand, née dans une ferme de Picardie est institutrice. « Fille d...

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Marguerite Donnadieu est née le 4 avril 1914 à Gia Dinh, dans la banlieue de Saïgon, en Indochine. Son père, Henri Donnadieu, enseigne les mathématiques et fait carrière au Tonkin, en Cochinchine et au Cambodge, et sa mère, Marie Legrand, née dans une ferme de Picardie est institutrice. « Fille de paysans, elle avait été si bonne écolière que ses parents l’avaient laissée aller jusqu’au brevet supérieur. Après quoi elle avait été institutrice dans un village du nord de la France. On était alors en 1899. Certains dimanches, à la mairie, elle rêvait devant les affiches de propagande coloniale : "Jeunes, allez aux colonies, la fortune vous y attend." À l’ombre d’un bananier croulant sous les fruits, le couple colonial, tout de blanc vêtu, se balançait dans des rocking-chairs tandis que les indigènes s’affairaient en souriant autour d’eux. Elle se maria avec un instituteur qui, comme elle, se mourait d’impatience dans un village du Nord, victime comme elle des ténébreuses lectures de Pierre Loti !. » Son père, rapatrié en France pour se faire soigner d’une dysenterie amibienne en 1918. Après son départ, la vie de sa femme et de leurs enfants, Pierre (qu’elle adore), Paul et Marguerite, alors âgée de quatre ans, change dramatiquement : ils ne peuvent plus demeurer dans une maison de fonction luxueuse, et s’installent à Sadec où leur vie, précaire et difficile, devint celle des « petits blancs », guère meilleure que celle des indigènes qui les entouraient, desquels ils se sentaient plus proches que des riches coloniaux. La mère accepte des postes dangereux dans la brousse. Une petite mendiante de dix-sept ans lui donne son bébé malade avant de disparaître, et Marguerite fut terrifiée par ce geste qui résonnera dan son oeuvre. Son père meurt en France le 4 décembre 1921, âgé de 49 ans. Après la mort d’Emile Donnadieu, Marguerite habite - avec sa mère et ses deux frères - en France à Pardaillan près de Duras, où son père possédait une vieille maison de famille. C’est de là que viendra son nom de plume. Marie essaie la viticulture, et le 5 juin 1924 s’embarque pour être affecté à une école de Phnom-Penh, avec Marguerite, ses deux fils, Pierre, l’aîné, et Paulo, le futur Joseph d’Un Barrage contre le Pacifique, pour poursuivre une carrière modeste dans les écoles indigènes. Le 24 décembre, sa mère quitte Phnom-Penh, avec ses trois enfants, pour Vinh Long, une ville située dans le delta du Mékong. Sa mère sollicite une concession au Cambodge, à Prey-Nop (aujourd’hui Sihanoukville), et en décembre 1928 débarque dans cette parcelle de terre si ardemment convoitée. Mais, trop naïve pour voir la corruption de l’administration et comprendre qu’il n’y a pas de concession cultivable sans dessous-de-table, elle perd toutes ses économies et se ruine en construisant des barrages pour protéger en vain ses rizières contre l’envahissement annuel de la mer. Son frère aîné, Pierre, opiomane, la frappe régulièrement, la traumatise sexuellement ; sa mère, dépressive, hystérique, en découd souvent physiquement avec Marguerite. Marguerite et le plus jeune frère vivent librement et jouent avec leurs copains Annamites dans le jungle et les marais du Mékong. A Sadec, elle est obligée de donner des leçons de français et jouer du piano dans un cinéma pour payer l’éducation de ses enfants. Entre-temps elle n’a que peu de temps à leur consacrer, excepté à l’aîné, son préféré. En 1930, à Saigon (aujourd’hui Ho Chi Minh-Ville), Marguerite loge à la pension Lyautey pour suivre des études secondaires au lycée Chasseloup-Laubat. Elle rencontre un jeune et riche chinois qui devient son amant. Elle évoquera cette première aventure amoureuse dans l’Amant. En 1932, c’est le retour définitif en France après le baccalauréat. Elle vit à Paris et poursuit des études de mathématiques, de droit, de sciences politiques. En 1937, elle est employée au Ministère des Colonies. Elle épouse Robert Antelme en 1939. Elle publie en collaboration avec Philippe Roques, une oeuvre de propagande, L’Empire français.Mais Gallimard refuse La Famille Taneran . Elle vit alors au 5, rue Saint-Benoït situé idéalement entre le Café de Flore et Les Deux Magots et dans le climat fiévreux du quartier latin, Sartre établit peu à peu son magistère et Duras, en marge, constitue « le groupe de la rue Saint Benoît ». Edgar Morin, Jean-Toussaint Desanti, Georges Semprun, Georges Bataille, Claude Roy, Maurice Blanchot, Maurice Merleau-Ponty, Clara Malraux, Francis Ponge, Gaston Gallimard... se réunissent effectivement presque tous les soirs au 5 de la rue Saint Benoît chez Duras et son mari Robert Antelme, pour y discuter littérature et politique. On est « ivres de joie » et on est bien souvent ivre tout court. Gin, whisky et rhum ne manquent jamais. A l’époque, Duras est une des seules femmes à boire beaucoup comme les hommes, sans pour autant faire scandale. Pendant l’Occupation, elle travaille dans le “Comité d’organisation du livre” qui, dirigé et surveillé par les Allemands, est chargé de l’attribution du papier aux éditeurs. Son enfant meurt à la naissance en 1942. Son frère Paul meurt à Saigon, ayant été laissé sans médicaments par son frère aîné. Elle rencontre Dyonis Mascolo, qui, comme Robert Antelme, travaille chez Gallimard En 1943, elle publie Les Impudents sous le pseudonyme de Marguerite Duras (du nom d’un village du Sud-Ouest de la France d’où sa famille paternelle est originaire) et rejoint la Résistance, aux côtés de François Mitterrand (dit Morland), avec son mari et adhèrent ensemble avec Mascolo au Mouvement national des prisonniers de guerre. Son mari est arrêté le 1 juin 1944 et déporté à Buchenwald, puis à Dachau. Il échappera de justesse à la mort grâce à François Mitterrand et publiera en 1947 un ouvrage de souvenirs et de réflexions : L’Espèce Humaine. Elle parlera de toute cette période dans La douleur, et donc d’une liaison qu’elle eue avec Charles Delval, agent de la Gestapo, qu’elle torturera à la Libération. Elle adhère au Parti Communiste à l’automne et devient la secrétaire de la cellule de la rue Visconti. Elle publie La vie tranquille. Elle crée un service de recherches des personnes disparues que publie le journal Libres. ’J’ai commencé à boire aux fêtes, aux réunions politiques, d’abord les verres de vin et puis le whisky. Dès que j’ai commencé à boire, je suis devenue une alcoolique. J’ai bu tout de suite comme une alcoolique. J’ai laissé tout le monde derrière moi. J’ai commencé à boire le soir, puis j’ai bu à midi, puis le matin, puis j’ai commencé à boire la nuit. Une fois par nuit, et puis toutes les deux heures. Je ne me suis jamais drogué autrement ». En 1945, elle fonde avec Robert Antelme les Editions de la Cité universelle, qui publient, en 1946, L’An zéro de l’Allemagne d’Edgar Morin, les œuvres de Saint-Just présentées par D. Mascolo et, en 1947, L’Espèce humaine de Robert Antelme. En 1947, elle divorce de Robert Antelme et donne la naissance à Jean Mascolo, dit Outa. En 1950, elle publie Un Barrage contre le Pacifique, récit autobiographique encore empreint de réalisme. Elle envoie sa lettre de démission au Parti communiste après le Coup de Prague. La même année, après la perte du Vietnam comme colonie française, sa mère retourne en France. Grâce au Collège pour Filles qu’elle avait créé à Saigon, sa situation financière s’est améliorée et elle achète un petit château délabré. Ici elle commence un projet d’élevage de poulets, qui échouera par manque de connaissance. Marguerite recommence d’écrire. Elle habite avec Mascolo. En 1952, elle publie Le Marin de Gibraltar, Les Petits Chevaux de Tarquinia en 1953, Des journées entières dans les arbres en 1954, Le square en 1955. En 1957, elle se sépare de Mascolo pour Gérard Jarlot, journaliste, auteur et scénariste. Pendant cette relation elle se met à boire « Et puis à quarante et un ans j’ai rencontré quelqu’un qui aimait vraiment l’alcool, qui buvait chaque jour mais raisonnablement. Très vite je l’ai dépassé ». Quand sa mère décède, en été, la plus grande partie de l’héritage revient à son frère aîné (l’autre frère est décédé pendant la guerre), qui se dépêchera de tout perdre au jeu. Marguerite augmante la cadence. Jarlot ne suit pas, il fait une attaque. Les médecins sont formels : s’il ne renonce pas à l’alcool, la mort l’emportera rapidement. Quant à Duras, dont l’état n’est pas moins piteux, elle refuse d’aller consulter. Elle connait sa première expérience journalistique à France-Observateur. Elle luttera alors contre la poursuite de la guerre d’Algérie et pour le droit à l’insoumission, et contre le pouvoir gaulliste. Marguerite achète une maison à Neauphle-le-Château avec les droits cinématographique du Barrage contre le Pacifique de René Clément, mais elle garde son appartement à Paris. En 1958, elle publie Moderato Cantabile, n" d’une aventure érotique qui la conduit à une crise suicidaire et lui impose le choix d’une " forme d’autant plus rigoureuse que l’expérience (a été) vécue violemment". Elle publie également le scénario de Hiroshima mon amour pour Alain Resnais. En 1960, elle entre au jury du prix Médicis, dont elle démissionne quelques années après. Elle fréquente Maurice Blanchot. A l’automne, elle est parmi les signataires du Manifeste des 121 (proposé par Mascolo, Blanchot et Jean Schuster), qui prennent position contre la guerre d’Algérie. En 1961, elle écrit Une aussi longue absence pour le film d’Henri Colpi. Ce scénario est le fruit d’une collaboration avec Gérard Jarlot, prix Médicis 1963. Sa relation avec Jarlot se termine et Marguerite se sent de plus en plus seule. En 1963 elle achète un autre appartement à Trouville dans la résidence des Roches Noires. En 1962, elle publie L’Après-midi de M. Andesmas. En 1963, à Trouville, Marguerite Duras achète l’appartement 105, au premier étage de l’hôtel des Roches noires où Proust a séjourné soixante-dix ans plus tôt. En 1964, elle publie Le Ravissement de Lol. V. Stein, en 1965 Le Vice-Consul. En 1966, elle coréalise La Musica avec Paul Seba et rencontre avec Delphine Seyrig. Pendant une quinzaine d’années, elle élabore une oeuvre cinématographique hors norme, cohérente, un cinéma de la fascination fondé sur la durée et sur les jeux croisés des voix et de la musique. En 1968, elle participe aux événements de Mai. Dans Les Yeux verts se trouve le texte politique sur la naissance du Comité d’action étudiants-écrivains, texte rejeté par le Comité qui se disloque rapidement. Elle porte au cinéma Détruire, dit-elle en 1969. En 1970, elle publie Abahn Sabana David. En 1971, elle publie L’Amour et réalise Jaune le soleil. Elle signe l’appel du 5 avril 1971 des « 343 salopes » avec entre autres Deneuve, Moreau, Beauvoir, réclamant l’abolition de la loi punissant l’avortement. En 1973, elle réalise La femme du Gange. Elle réalise India Song en 1974 qui obtient le prix de l’Association française des cinémas d’art et d’essai au Festival de Cannes en 1975. En 1975, c’est la rechute. Dépressive, pendant cinq ans, elle se claquemure seule dans sa maison à Neauphle, dans les Yvelines. Dès lors, seules la boisson et l’écriture comptent . Elle écrit ici que l’alcool supprime « l’effroi du face à face » avec elle-même. Elle écrit autre part qu’il prend la place des hommes qu’elle a tant aimés, qu’il remplace « l’événement de la jouissance ». Elle passe des nuits entières dans de sombres cafés des Yvelines à côtoyer des ivrognes. Elle a des caisses entières de vin bon marché chez elle. Les rares fois où elle invite des amis, elle leur demande de taire leurs inquiétudes face à son alcoolisme : « Si vous m’aimez, vous ne voyez rien, vous ne dites rien ». Elle réalise Baxter, Vera Baxter, Son nom de Venise dans Calcutta désert en 1976 et Des journées entières dans les arbres en 1977 qui est récompensé par le prix Jean Cocteau. Elle abandonne le cinéma narratif et dissocie de plus en plus la bande son de l’image, s’acheminant vers un cinéma expérimental, confidentiel où certains décèlent un moment de la modernité. En 1977, elle réalise Le Camion, se consacre régulièrement au cinéma et publie les textes de ses films. Entre 1978, elle tourne Le Navire Night, et fait un voyage en Israël, pays que, dès sa naissance, elle at défendu. Elle y présente avec succès India song et Le camion. Il lui semble revivre l’histoire du Christ en traversant le pays qu’il avait parcouru. À Césarée, lieu qui lui paait sensuel et mystique, elle a un coup de foudre qui l’amene à réaliser Césarée en 1979. Elle réalise également Les Mains négatives, Aurélia Steiner . En 1980, Serge July, rédacteur en chef de Libération offre à Marguerite Duras d’y tenir une chronique quotidienne. Elle ne le fait qu’au cours des trois mois de l’été, une fois par semaine, parlant de tout dans ces textes d’humeur et sont rassemblées dans L’Eté 80. Mélancolique, hagarde, elle prend rendez-vous chez le médecin, sans lui avouer pour autant qu’elle boit litre de vin sur litre de vin. La dépression est manifeste et il lui administre des antidépresseurs. Irresponsable ou suicidaire, elle s’enivre toujours autant tout en suivant son traitement. Résultat : elle fait des syncopes pendant trois jours. Elle est transportée sine die à l’hôpital de Saint Germain en Laye où elle demeure cinq semaines. Après quelques mois d’abstinence, elle sombre une nouvelle fois dans la mélancolie, qui va naturellement de pair chez elle avec l’alcool. A une différence près : elle vit dès lors sa dépression avec Yann Lemée, un homosexuel de 27 ans qui lui a écrit plusieurs lettres et qu’elle invite à Trouville. Elle change son nom en Yann Andréa et il lui reste dévoué jusqu’à la fin. En 1981, elle voyage au Canada pour une série de conférences de presse à Montréal, publie une série d’articles réunis avec Yann Andréa. Elle réalise Agatha ou les lectures illimitées et L’Homme atlantique. Elle entre en cure de désintoxication à l’Hôpital américain de Neuilly en octobre 1982. Yann Andréa publie M.D. Il témoigne dans son livre de leur relation décadente. Du matin au soir, ils boivent. C’est lui qui lui écrit ses textes car Duras tremble trop pour cela. Elle ne change plus de vêtements et marche difficilement, obligée alors de se tenir au mur pour ne pas chuter. Elle vomit les verres de vin du matin et reboit. Elle avoue être en dépression mais ne s’estime pas pour autant malade : « Vous dites : ce n’est pas la peine de m’examiner, je ne suis pas malade, je suis simplement alcoolique, je le sais complètement ». Pendant un temps, n’aimant pas les médecins, elle refuse de se faire soigner : « Vous dites votre méfiance à l’endroit de la médecine.( ...) Vous dites : je ne supporte pas les médecins, personne ne peut rien faire pour moi. Je dois seule décider ». Elle publie L’Homme atlantique et La Maladie de la mort Cependant, elle décide dans un dernier élan de survie de mettre un frein à ce calvaire autodestructeur et accepte de suivre une cure de désintoxication le 18 octobre 1982 à l’hôpital américain. Le traitement est le suivant : deux comprimés de Témesta® et une piqûre de Tranxène® pour dormir ; Aldactone® et Atrium® trois fois par jour. Diagnostic du médecin : la cure se passe bien et Duras remonte la pente plus vite que la moyenne. La cirrhose a été prise à temps. L’ultime stade avait été atteint et seul le sevrage brutal pouvait arrêter la destruction des cellules. Mais son foie est dans un tel état qu’il ne parvient plus à éliminer l’alcool et les toxines médicamenteuses. Aussi le mélange de ces deux éléments provoque chez elle de nombreuses crises délirantes : elle croit voir des poissons dans les bouteilles d’eau et des infirmières en smoking ! A posteriori, elle a très mal vécu sa cure : « Je vais faire un article, je dirai comment c’est effrayant une cure antialcoolique. Je regrette de l’avoir faite ». En 1983, elle réalise Dialogue de Rome. Elle décroche le prix Goncourt pour L’Amant en 1984 et le prix Ritz-Paris-Hemingway en 1986, "meilleur roman publié dans l’année en anglais ". Elle réalise Les enfants . Après avoir obtenu le prix Goncourt elle fait une rechute violente, durant laquelle elle boit 6 à 8 litres de vin par jour En 1985, elle publie La Douleur et prend position dans l’affaire Villemin, qualifiant le meurtre de cet enfant de « sublime ! forcément sublime ! »,ce qui soulève, dans Libération le 17 juillet, l’hostilité d’une partie des lecteurs et la polémique chez plusieurs féministes. Elle tourne Les Enfants. En 1987, elle publie Emily L. et La Vie matérielle dans lequel elle .donne une explication, d’ordre métaphysique, à son alcoolisme profond. Dieu est mort, l’alcool est là comme substitut : « On manque d’un Dieu. Ce vide qu’on découvre un jour d’adolescence, rien ne peut faire qu’il n’ait jamais eu lieu. L’alcool a été fait pour supporter le vide de l’univers, le balancement des planètes, leur rotation imperturbable dans l’espace, leur silencieuse indifférence à l’endroit de votre douleur. L’homme qui boit est un homme interplanétaire. C’est dans cet espace interplanétaire qu’il se meut. C’est là qu’il guette. L’alcool ne console en rien, il ne meuble pas les espaces psychologiques de l’individu, il ne remplace que le manque de Dieu. Il ne console pas l’homme. C’est le contraire, l’alcool conforte l’homme dans sa folie. Aucun être humain, aucune femme, aucun poème, aucune musique, aucune littérature ne peut remplacer l’alcool dans cette fonction qu’il a auprès de l’homme, l’illusion de la création capitale. Il est là pour la remplacer. Et il le fait auprès de toute une partie du monde qui aurait dû croire en Dieu et qui n’y croit plus ». A la fin de 1988, elle doit être hospitalisée et reste dans le coma pendant plusieurs mois. Contre toute attente elle se remet et elle reste optimiste, bien que régulièrement elle ait besoin d’aide respiratoire suite à un emphysème. En 1990, elle publie La Pluie d’été. Robert Antelme meurt. En 1991, elle publie L’Amant de la Chine du Nord, Yann Andréa Steiner en 1992, Ecrire en 1993. En 1994 apparaissent les premières symptômes de déclin et on parle même d’Alzheimer. Les visiteurs sont refusés exceptés les fidèles comme son fils, Yan Andrea, Dionys Mascolo et ses deux soignantes. C’est tout est publié en 1995. Elle meurt à Paris, le dimanche 3 mars 1996, à son domicile parisien, 5 rue Saint-Benoît, à l’âge de 82 ans.

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Articles en lien avec Marguerite Duras (3)

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    Couverture du livre « Le square » de Marguerite Duras aux éditions Folio

    Ophelie GAUDIN sur Le square de Marguerite Duras

    Une jeune femme de 21 ans, domestique depuis ses 16 ans chez un couple fortuné, s'occupe aussi bien de la maison, de l'enfant, de la belle-mère âgée et gâteuse, que de l'ennui de la maîtresse de maison la nuit tombante.Dans le parc (le square), assise sur un banc, elle surveille l'enfant de la...
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    Une jeune femme de 21 ans, domestique depuis ses 16 ans chez un couple fortuné, s'occupe aussi bien de la maison, de l'enfant, de la belle-mère âgée et gâteuse, que de l'ennui de la maîtresse de maison la nuit tombante.Dans le parc (le square), assise sur un banc, elle surveille l'enfant de la famille qui joue plus loin. Un homme sans âge, mais plus âgé qu'elle, s'assoie à côté et engage la conversation pour tuer le temps probablement. Il semble blasé de tout et prend la vie comme elle vient. On comprend qu'il vient d'une famille aisée mais qu'il est le vilain petit canard qui a échoué. C'est un déclassé social, parcourant le pays pour vendre des petits cotons (?) et ce, en vivant au jour le jour. Il a vécu une parenthèse merveilleuse à deux pendant 7 jours dans un pays étranger puis tout s'est arrêté et il s'est retrouvé seul.

    Ce sont deux solitudes qui prennent la vie d'une façon opposée : la jeune fille veut être parmi les gens aisés, veut être heureuse (par l'argent et un homme qui a de l'argent) et, en tant que femme, cela doit passer par le mariage. Elle est déterminée et pourtant l'homme, comme le lecteur, à l'impression qu'elle fait du sur place sauf le samedi soir où elle part à la chasse au mari au bal dans une guinguette où se sont essentiellement des militaires qui n'ont rien à faire du mariage. Lui ne veut plus rien d'autre que de pouvoir parler de temps en temps à quelqu'un sans se soucier du lendemain.

    C'est une réflexion, un peu à bâtons rompus et parfois alambiquée entre les négations / doubles négations / affirmation sur la façon de voir la vie, sur ce qu'est le bonheur et l'illusion et la certitude de l'avoir (mais de ne plus savoir quoi en faire par ennui), la terrible solitude intérieure d'où la nécessité de parler encore et toujours pour continuer de se sentir un peu vivant :

    - "C"est quand même singulier, Mademoiselle, d'être en mesure de s'adoucir la vie et de le refuser" (p.43)
    - "Je n'ai jamais été choisie par personne, sauf en raison de mes capacités les plus impersonnelles, et afin d'être aussi inexistante que possible, alors il faut que je sois choisie par quelqu'un une fois, même une seule. Sans cela, j'existerai si peu, même à mes propres yeux, que je ne saurai même pas choisir à mon tour. C'est pourquoi je m'acharne tant sur le mariage" (p. 72)
    - "Au fond, les gens supportent mal le bonheur. Ils le désirent bien sûr, mais dès qu'ils l'ont, ils s'y rongent à rêver..." (p.96)
    - "Peu importe, Monsieur. Encore une fois, je veux connaître l'amertume du bonheur" (p.98)

    La porte reste ouverte sur la fin : l'homme ira-t-il au bal du samedi soir retrouver la jeune fille qui lui tend la perche ? On espère pour eux deux que non car lui serait balayé par l'énergie négative de la jeune fille et elle, déçue par un homme qui fut mais qui n'est plus rien.

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    Couverture du livre « Le ravissement de Lol V. Stein » de Marguerite Duras aux éditions Folio

    Lecteurenserie sur Le ravissement de Lol V. Stein de Marguerite Duras

    « Le ravissement de Lol V. Stein » paru en 1964, marque un tournant dans l’oeuvre de Duras, inaugurant son « cycle indien ». Y apparaissent des personnages (comme Michael Richardson ou Anne-Marie Stretter) et des lieux (dont S. Tahla) que l’on retrouve dans d’autres livres et films de Marguerite...
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    « Le ravissement de Lol V. Stein » paru en 1964, marque un tournant dans l’oeuvre de Duras, inaugurant son « cycle indien ». Y apparaissent des personnages (comme Michael Richardson ou Anne-Marie Stretter) et des lieux (dont S. Tahla) que l’on retrouve dans d’autres livres et films de Marguerite Duras, l’écrivaine française à la fois la plus intimiste et la plus médiatisée du XXe siècle.

    Lola Véronique Stein dite Lol V. Stein, 19 ans, a connu un fort désarroi amoureux : alors qu’elle se rendait à la soirée de bal du casino municipal de T. Beach, accompagnée de son fiancé, ce dernier est parti avec une autre, sous ses yeux, pour ne jamais revenir.

    Un événement qui sur l’instant ne semble pas l’atteindre, ce n’est que par la suite que Lol semble payer « l’étrange omission de sa douleur pendant le bal », passant par tous les stades de la sidération, des cris assourdissants à la prostration. Puis, Lol se marie et devient mère de trois enfants. Elle est joyeuse, semble heureuse, on pourrait la dire guérie.

    C’est à ce moment, qu’après dix ans d’absence, elle vient se réinstaller avec sa famille dans la ville de sa jeunesse, celle du bal, et y retrouve Tatiana Karl, l’amie témoin de l’événement initial. Dans ce lieu retrouvé, Lol rejoue le passé… mais inverse cette fois les rôles.

    Une lecture déroutante car Marguerite Duras casse les codes narratifs traditionnels et bouscule tous les repères auxquels le lecteur est habitué.

    Le narrateur reste inconnu du lecteur sur une grande partie du roman, mais il est pourtant décisif car ses inventions composent le roman. Il fait des hypothèses et invente la vie de Lola V. Stein. Il explique au début du roman que pour comprendre la femme qu’il aime et sa propre relation à elle, il lui faut inventer la vie de Lol V.

    De nombreuses fois, dans le cours même du récit, il décrit une situation, il pose la question de la suite comme une énigme, puis il fait le choix d’une solution et indique très clairement sa décision de développer l’histoire dans ce sens.

    Cela donne un texte exigeant, hautement psychologique, qui fait passer le lecteur par plusieurs stades : du questionnement, de l’incompréhension, de la confusion mais surtout de la fascination pour le personnage de Lol.

    Une lecture qui suppose de s’accrocher - quitte à revenir en arrière et relire quelques pages - mais qui révèle un grand soin dans la psychologie des personnages. L’atmosphère est également très singulière et caractéristique du « Nouveau Roman » dans lequel Marguerite Duras a joué un rôle majeur.

    Dérangeant et abscons tout au long du récit, c’est loin d’être le roman recommandé pour découvrir la plume de Marguerite Duras. Reste que c’est une œuvre clé dans sa production littéraire et qu’il regorge de trouvailles dans le traitement de la psychologie des personnages et de la narration, des traits caractéristiques du « Nouveau Roman ».

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    Couverture du livre « Un barrage contre le Pacifique » de Marguerite Duras aux éditions Folio

    des.livres.qui.senvolent sur Un barrage contre le Pacifique de Marguerite Duras

    Le rêve colonial virant au cauchemar

    Un barrage contre le pacifique, un des premiers romans de Marguerite Duras, est d’inspiration autobiographique. Elle le publie durant la guerre d’Indochine, décrivant par la fiction son enfance coloniale dans les années 1920.

    Une femme, ancienne...
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    Le rêve colonial virant au cauchemar

    Un barrage contre le pacifique, un des premiers romans de Marguerite Duras, est d’inspiration autobiographique. Elle le publie durant la guerre d’Indochine, décrivant par la fiction son enfance coloniale dans les années 1920.

    Une femme, ancienne institutrice du Nord de la France, usée par la vie et les privations, économise de longues années pour se voir attribuer une concession par l’administration coloniale indochinoise. Veuve, elle y fait construire un bungalow pour y vivre avec ses deux enfants, Joseph et Suzanne. Cette terre se révèle rapidement incultivable, les grandes marées venant détruire toute plantation. Ses tentatives avortées de barrage contre cette Mer de Chine, les désillusions de l’administration coloniale corrompue, l’extrême pauvreté dans laquelle sombre la famille, les envies de fuite de ses enfants, vont amener cette femme vers la névrose.

    Marguerite Duras nous propose ici des personnages courageux, d’une grande honnêteté parfois naïve, souvent léthargiques. Chacun possède sa destinée qui lui est propre et lutte à sa manière contre l’injustice. Le monde colonial y est dépeint dans ce qu’il a de plus cruel, la corruption honteuse du gouvernement colonial créant une hiérarchie entre colons, mais aussi la cruauté envers les autochtones que l’on laisse mourir de faim.

    Le barrage contre le Pacifique est le symbole de leur impuissance, et de la vanité de leurs efforts pour sortir de leur condition, mirage pouvant mener à la folie. Le style de Marguerite Duras est engagé, et les quelques longueurs ne font que renforcer ce sentiment amer d’injustice chez le lecteur. C’était ma première rencontre avec Marguerite Duras, et certainement pas la dernière.

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    Couverture du livre « La vie tranquille » de Marguerite Duras aux éditions Folio

    Ophelie GAUDIN sur La vie tranquille de Marguerite Duras

    « La Vie tranquille » est une belle surprise dans l’œuvre de Duras. Ecrit en 1944, il a les prémices de son style d’écriture futur, une sorte de transposition en France métropolitaine de ce que sera « Un barrage contre le Pacifique » mais sans l’ironie mordante et désabusée puis de « L’Amant »...
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    « La Vie tranquille » est une belle surprise dans l’œuvre de Duras. Ecrit en 1944, il a les prémices de son style d’écriture futur, une sorte de transposition en France métropolitaine de ce que sera « Un barrage contre le Pacifique » mais sans l’ironie mordante et désabusée puis de « L’Amant » et de « L’Amant de la Chine du nord ».

    Marguerite est d’abord Francine, celle qu’on ne voit pas, celle qu’on rabaisse toujours à l’état d’enfant, celle qui étouffe dans le huis clos familial, celle qui attend un évènement qui la pousserait ailleurs, celle qui a un corps qui a envie de plaisirs, celle qui aime Tiène qui ne tient jamais longtemps à la même place, celle qui aime son petit frère d’un amour incestuel, celle qui ne s’aime pas mais qui s’aime pourtant assez pour vivre. C’est une très belle plume sur les méandres intérieurs d’une jeune femme qui ne sait pas qui elle est, qui ne se sent regardé par personne, et dont le non-sens de l’existence l’étouffe.

    Le roman est construit en trois parties, sans vraiment de dialogues. La première partie est le huis clos familial, l’invisibilité de Francine, son amour pour Nicolas, ce frère aimé de tous, Tiène passé par là comme un tiers extérieur à la famille. Il y a aussi Clémence, la femme de Nicolas que Duras décrit avec un mépris terrible (elle est bête et laide, elle s’est laissée bêtement engrossée). Il y a encore Jérôme, l’oncle (frère de la mère de Francine) qui ressemble tellement à Pierre, pique assiette et beau-parleur, endetté et ruinant la famille, celui qui couche avec Clémence et qui empêche Francine de coucher avec Tiène. Clément avec son chien, un vieux « fou » des montagnes, la belle Luce qui convoite Nicolas avant de convoiter Tiène. On comprend dès lors que si Francine raconte l’adultère de Clémence à Nicolas c’est peut-être aussi par jalousie. Nicolas va tuer Jérôme et c’est sur elle qu’on fera porter une culpabilité silencieuse. Dès lors, la place est libre pour Luce. Sauf que cette dernière va changer d’avis pour Tiène. Francine ne veut rien voir du piège qui se referme sur elle. Elle continue dans son rêve silencieux, tu. Il ne faut jamais parler, ne jamais dire.

    La deuxième partie est un chant sur une très belle sur la tristesse d’une vie sans aucun sens, face à la mer. On comprend dès lors d’où vient la passion de Duras pour cet élément à la fois vivant et mort. Tiène a donné de l’argent à Francine pour qu’elle parte se changer les idées à la mer (pour qu’elle dégage surtout). C’est aussi la mort qui rôde autour de Francine qu’elle regarde d’un oeil distrait. Le rejet de tous sur son indifférence générale. C’est aussi une très belle partie sur le désir féminin.

    La troisième partie est courte, comme une utopie. Francine revient à la ferme. Tiène a déjà tout réorganisé comme le maître des lieux, Luce est là à ses côtés tous les soirs et il joue de la musique pour ses parents à elle. Couchée par un coup de froid sérieux chez Clément, la fin est une illusion. Ce n’est que le rêve de Francine dans son délire fiévreux : Tiène la choisit, Tiène se marie avec elle, elle n’écrira jamais ( !), elle va lui donner de beaux enfants qui dormiront dans le lit de Nicolas, désormais décédé. Francine, leur lira, comme son père lui a lu, L’homme à l’oreille cassée (l’utopie d’un amour voué à l’échec).

    Cette troisième partie donne le titre de ce roman « La vie tranquille ». Cette phrase est comme une comptine, une berceuse, une illusion racontée à une enfant pour la rassurer. Elle n’y croit pas, nous n’ont plus.