Et si vous pouviez y trouver vos prochaines lectures ?
Nous nous sommes rendus dans la superbe île de Noirmoutier pour y rencontrer Bénédicte Deprez et découvrir sa librairie-café "Le Trait d'Union". Un lieu chaleureux et ouvert, où elle nous parle du métier de libraire, de ses habitudes de lecture,...
Objet esthétique, thématique pointue, le beau livre retient toujours l'attention et notamment lors de périodes de fêtes, propice à un cadeau de qualité. Aussi, en cette fin d'année, nous avons demandé à Karine Henry, libraire...
Et si vous pouviez y trouver vos prochaines lectures ?
Merci à Jean-Paul pour ses impressions, ses rencontres, ses Correspondances
Objet esthétique, thématique pointue, le beau livre retient toujours l'attention et notamment lors de période de fêtes, propice à un cadeau de qualité.
Une jeune femme de 21 ans, domestique depuis ses 16 ans chez un couple fortuné, s'occupe aussi bien de la maison, de l'enfant, de la belle-mère âgée et gâteuse, que de l'ennui de la maîtresse de maison la nuit tombante.Dans le parc (le square), assise sur un banc, elle surveille l'enfant de la famille qui joue plus loin. Un homme sans âge, mais plus âgé qu'elle, s'assoie à côté et engage la conversation pour tuer le temps probablement. Il semble blasé de tout et prend la vie comme elle vient. On comprend qu'il vient d'une famille aisée mais qu'il est le vilain petit canard qui a échoué. C'est un déclassé social, parcourant le pays pour vendre des petits cotons (?) et ce, en vivant au jour le jour. Il a vécu une parenthèse merveilleuse à deux pendant 7 jours dans un pays étranger puis tout s'est arrêté et il s'est retrouvé seul.
Ce sont deux solitudes qui prennent la vie d'une façon opposée : la jeune fille veut être parmi les gens aisés, veut être heureuse (par l'argent et un homme qui a de l'argent) et, en tant que femme, cela doit passer par le mariage. Elle est déterminée et pourtant l'homme, comme le lecteur, à l'impression qu'elle fait du sur place sauf le samedi soir où elle part à la chasse au mari au bal dans une guinguette où se sont essentiellement des militaires qui n'ont rien à faire du mariage. Lui ne veut plus rien d'autre que de pouvoir parler de temps en temps à quelqu'un sans se soucier du lendemain.
C'est une réflexion, un peu à bâtons rompus et parfois alambiquée entre les négations / doubles négations / affirmation sur la façon de voir la vie, sur ce qu'est le bonheur et l'illusion et la certitude de l'avoir (mais de ne plus savoir quoi en faire par ennui), la terrible solitude intérieure d'où la nécessité de parler encore et toujours pour continuer de se sentir un peu vivant :
- "C"est quand même singulier, Mademoiselle, d'être en mesure de s'adoucir la vie et de le refuser" (p.43)
- "Je n'ai jamais été choisie par personne, sauf en raison de mes capacités les plus impersonnelles, et afin d'être aussi inexistante que possible, alors il faut que je sois choisie par quelqu'un une fois, même une seule. Sans cela, j'existerai si peu, même à mes propres yeux, que je ne saurai même pas choisir à mon tour. C'est pourquoi je m'acharne tant sur le mariage" (p. 72)
- "Au fond, les gens supportent mal le bonheur. Ils le désirent bien sûr, mais dès qu'ils l'ont, ils s'y rongent à rêver..." (p.96)
- "Peu importe, Monsieur. Encore une fois, je veux connaître l'amertume du bonheur" (p.98)
La porte reste ouverte sur la fin : l'homme ira-t-il au bal du samedi soir retrouver la jeune fille qui lui tend la perche ? On espère pour eux deux que non car lui serait balayé par l'énergie négative de la jeune fille et elle, déçue par un homme qui fut mais qui n'est plus rien.
« Le ravissement de Lol V. Stein » paru en 1964, marque un tournant dans l’oeuvre de Duras, inaugurant son « cycle indien ». Y apparaissent des personnages (comme Michael Richardson ou Anne-Marie Stretter) et des lieux (dont S. Tahla) que l’on retrouve dans d’autres livres et films de Marguerite Duras, l’écrivaine française à la fois la plus intimiste et la plus médiatisée du XXe siècle.
Lola Véronique Stein dite Lol V. Stein, 19 ans, a connu un fort désarroi amoureux : alors qu’elle se rendait à la soirée de bal du casino municipal de T. Beach, accompagnée de son fiancé, ce dernier est parti avec une autre, sous ses yeux, pour ne jamais revenir.
Un événement qui sur l’instant ne semble pas l’atteindre, ce n’est que par la suite que Lol semble payer « l’étrange omission de sa douleur pendant le bal », passant par tous les stades de la sidération, des cris assourdissants à la prostration. Puis, Lol se marie et devient mère de trois enfants. Elle est joyeuse, semble heureuse, on pourrait la dire guérie.
C’est à ce moment, qu’après dix ans d’absence, elle vient se réinstaller avec sa famille dans la ville de sa jeunesse, celle du bal, et y retrouve Tatiana Karl, l’amie témoin de l’événement initial. Dans ce lieu retrouvé, Lol rejoue le passé… mais inverse cette fois les rôles.
Une lecture déroutante car Marguerite Duras casse les codes narratifs traditionnels et bouscule tous les repères auxquels le lecteur est habitué.
Le narrateur reste inconnu du lecteur sur une grande partie du roman, mais il est pourtant décisif car ses inventions composent le roman. Il fait des hypothèses et invente la vie de Lola V. Stein. Il explique au début du roman que pour comprendre la femme qu’il aime et sa propre relation à elle, il lui faut inventer la vie de Lol V.
De nombreuses fois, dans le cours même du récit, il décrit une situation, il pose la question de la suite comme une énigme, puis il fait le choix d’une solution et indique très clairement sa décision de développer l’histoire dans ce sens.
Cela donne un texte exigeant, hautement psychologique, qui fait passer le lecteur par plusieurs stades : du questionnement, de l’incompréhension, de la confusion mais surtout de la fascination pour le personnage de Lol.
Une lecture qui suppose de s’accrocher - quitte à revenir en arrière et relire quelques pages - mais qui révèle un grand soin dans la psychologie des personnages. L’atmosphère est également très singulière et caractéristique du « Nouveau Roman » dans lequel Marguerite Duras a joué un rôle majeur.
Dérangeant et abscons tout au long du récit, c’est loin d’être le roman recommandé pour découvrir la plume de Marguerite Duras. Reste que c’est une œuvre clé dans sa production littéraire et qu’il regorge de trouvailles dans le traitement de la psychologie des personnages et de la narration, des traits caractéristiques du « Nouveau Roman ».
Le rêve colonial virant au cauchemar
Un barrage contre le pacifique, un des premiers romans de Marguerite Duras, est d’inspiration autobiographique. Elle le publie durant la guerre d’Indochine, décrivant par la fiction son enfance coloniale dans les années 1920.
Une femme, ancienne institutrice du Nord de la France, usée par la vie et les privations, économise de longues années pour se voir attribuer une concession par l’administration coloniale indochinoise. Veuve, elle y fait construire un bungalow pour y vivre avec ses deux enfants, Joseph et Suzanne. Cette terre se révèle rapidement incultivable, les grandes marées venant détruire toute plantation. Ses tentatives avortées de barrage contre cette Mer de Chine, les désillusions de l’administration coloniale corrompue, l’extrême pauvreté dans laquelle sombre la famille, les envies de fuite de ses enfants, vont amener cette femme vers la névrose.
Marguerite Duras nous propose ici des personnages courageux, d’une grande honnêteté parfois naïve, souvent léthargiques. Chacun possède sa destinée qui lui est propre et lutte à sa manière contre l’injustice. Le monde colonial y est dépeint dans ce qu’il a de plus cruel, la corruption honteuse du gouvernement colonial créant une hiérarchie entre colons, mais aussi la cruauté envers les autochtones que l’on laisse mourir de faim.
Le barrage contre le Pacifique est le symbole de leur impuissance, et de la vanité de leurs efforts pour sortir de leur condition, mirage pouvant mener à la folie. Le style de Marguerite Duras est engagé, et les quelques longueurs ne font que renforcer ce sentiment amer d’injustice chez le lecteur. C’était ma première rencontre avec Marguerite Duras, et certainement pas la dernière.
« La Vie tranquille » est une belle surprise dans l’œuvre de Duras. Ecrit en 1944, il a les prémices de son style d’écriture futur, une sorte de transposition en France métropolitaine de ce que sera « Un barrage contre le Pacifique » mais sans l’ironie mordante et désabusée puis de « L’Amant » et de « L’Amant de la Chine du nord ».
Marguerite est d’abord Francine, celle qu’on ne voit pas, celle qu’on rabaisse toujours à l’état d’enfant, celle qui étouffe dans le huis clos familial, celle qui attend un évènement qui la pousserait ailleurs, celle qui a un corps qui a envie de plaisirs, celle qui aime Tiène qui ne tient jamais longtemps à la même place, celle qui aime son petit frère d’un amour incestuel, celle qui ne s’aime pas mais qui s’aime pourtant assez pour vivre. C’est une très belle plume sur les méandres intérieurs d’une jeune femme qui ne sait pas qui elle est, qui ne se sent regardé par personne, et dont le non-sens de l’existence l’étouffe.
Le roman est construit en trois parties, sans vraiment de dialogues. La première partie est le huis clos familial, l’invisibilité de Francine, son amour pour Nicolas, ce frère aimé de tous, Tiène passé par là comme un tiers extérieur à la famille. Il y a aussi Clémence, la femme de Nicolas que Duras décrit avec un mépris terrible (elle est bête et laide, elle s’est laissée bêtement engrossée). Il y a encore Jérôme, l’oncle (frère de la mère de Francine) qui ressemble tellement à Pierre, pique assiette et beau-parleur, endetté et ruinant la famille, celui qui couche avec Clémence et qui empêche Francine de coucher avec Tiène. Clément avec son chien, un vieux « fou » des montagnes, la belle Luce qui convoite Nicolas avant de convoiter Tiène. On comprend dès lors que si Francine raconte l’adultère de Clémence à Nicolas c’est peut-être aussi par jalousie. Nicolas va tuer Jérôme et c’est sur elle qu’on fera porter une culpabilité silencieuse. Dès lors, la place est libre pour Luce. Sauf que cette dernière va changer d’avis pour Tiène. Francine ne veut rien voir du piège qui se referme sur elle. Elle continue dans son rêve silencieux, tu. Il ne faut jamais parler, ne jamais dire.
La deuxième partie est un chant sur une très belle sur la tristesse d’une vie sans aucun sens, face à la mer. On comprend dès lors d’où vient la passion de Duras pour cet élément à la fois vivant et mort. Tiène a donné de l’argent à Francine pour qu’elle parte se changer les idées à la mer (pour qu’elle dégage surtout). C’est aussi la mort qui rôde autour de Francine qu’elle regarde d’un oeil distrait. Le rejet de tous sur son indifférence générale. C’est aussi une très belle partie sur le désir féminin.
La troisième partie est courte, comme une utopie. Francine revient à la ferme. Tiène a déjà tout réorganisé comme le maître des lieux, Luce est là à ses côtés tous les soirs et il joue de la musique pour ses parents à elle. Couchée par un coup de froid sérieux chez Clément, la fin est une illusion. Ce n’est que le rêve de Francine dans son délire fiévreux : Tiène la choisit, Tiène se marie avec elle, elle n’écrira jamais ( !), elle va lui donner de beaux enfants qui dormiront dans le lit de Nicolas, désormais décédé. Francine, leur lira, comme son père lui a lu, L’homme à l’oreille cassée (l’utopie d’un amour voué à l’échec).
Cette troisième partie donne le titre de ce roman « La vie tranquille ». Cette phrase est comme une comptine, une berceuse, une illusion racontée à une enfant pour la rassurer. Elle n’y croit pas, nous n’ont plus.
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