Quelles sont les pépites littéraires du moment ?
Appelez-moi César est un roman initiatique. L'histoire d'une bande de garçons partis marcher en montagne au cours de l'été 1994 et qui, de conneries en jeux de pouvoir, vont glisser peu à peu dans une spirale tragique. Pour comprendre leur groupe, il faut s'y immerger, sentir son souffle de liberté, partager sa bêtise joyeuse, se laisser happer par sa mécanique cruelle.
Vingt-cinq ans après les faits, Étienne, le narrateur, exprime le besoin absolu de dire la vérité, au-delà de la version officielle, sur ce qu'il s'est passé durant cette nuit terrible au cours de laquelle l'un des gars a disparu dans un ravin. Écrire devient alors pour lui un moyen d'exister à nouveau en dehors du mensonge et du secret. Il entend ainsi redonner à chacun la place qui lui revient, pour mieux reprendre la sienne. Il lui faut pour cela reconstituer chacune des journées qui ont précédé l'accident, car la vérité n'est pas si évidente, elle a plusieurs visages. Pour comprendre, il faut plonger dans le groupe, sentir son souffle de liberté, partager sa bêtise joyeuse, se laisser happer par sa mécanique cruelle.
Étienne raconte son histoire, celle de ce gamin de quinze ans, venu de sa banlieue aisée, et qui, jeté dans l'arène de l'adolescence débridée, fasciné par la figure insaisissable et dangereusement solaire du leader Jessy, a brisé les carcans de son éducation pour devenir un autre, et tenté, au gré des épreuves et des expériences émancipatrices de rivaliser avec les autres pour s'emparer du titre de César.
Quelles sont les pépites littéraires du moment ?
Etienne le narrateur revient sur l'été 94, c'était il y a 25 ans, il éprouve la nécessité de donner sa version de ce qui s'est réellement passé cet été. Il a besoin de rompre le silence, un besoin absolu de vérité, il doit l'écrire.
On sait d'entrée de jeu que des adolescents ont été retrouvés dans la montagne. Ils étaient 11 au départ, il en manque un à l'appel. Ils avaient refusé de suivre leurs accompagnateurs. On en a conclu à l'époque à un accident, les adultes ont été condamnés, jugés responsables, mais que s'est-il vraiment passé la nuit du 23 juillet 1994 ?
Pour le comprendre, Etienne nous raconte. Il avait 15 ans à l'époque, ses parents le déposent à la gare pour un départ de trois semaines en colo, objectif : faire de la rando en montagne.
Etienne vient de "Le Quersigny", de la banlieue aisée, les autres, de "Grandin", quartier difficile du Nord de Paris. Il est jeté dans l'arène, il doit s'intégrer dans le groupe s'il ne veut pas souffrir.
D'entrée de jeu il est fasciné par Jessy, qui arrive en retard, il est plus âgé, un crâneur, un meneur, qui n'a peur de rien, il est libre même si au fond de lui c'est un rejeté, un cabossé, en manque de stabilité et d'amour. Jessy c'est l'inverse d'Etienne et les contraires s'attirent, Etienne veut lui ressembler. Pour lui, Jessy c'est le symbole de la puissance, de la liberté, il n'entendra pas sa souffrance, ne verra pas le danger.
Etienne va avoir envie de s'affirmer pour appartenir au groupe, enfreindre des règles pour devenir le César du groupe. C'est un roman initiatique, sortir de l'adolescence, s'affirmer, il va découvrir sa première cigarette, son premier baiser, sa première fois, ses premières conneries. On vit le groupe au jour le jour, pour comprendre comment on en arrive au drame, à l'unité du groupe, au silence.
L'écriture est très prenante, la plume magnifique, d'une grande justesse. on entre peu à peu dans la bande, dans la psychologie des ados, leur univers, la musique prend une jolie place. On s'approche peu à peu du drame, un suspense grandissant et un final incroyable vraiment inattendu.
Merci Boris Marme pour ce plaisir de lecture. Une claque ce roman !
Ma note : ♥♥♥♥♥
Les jolies phrases
Dans la vie, il fallait faire ce que l'on voulait et non pas ce que l'on était obligé de faire.
Ce qu'il y a de pratique avec le fait de n'être plus rien, c'est que les autres restent à distance et ne vous importunent plus.
Apprendre, c'est détruire, c'est conquérir.
En trois semaines, au cœur du groupe, j’ai bien plus appris et détruit qu’en plusieurs années. Apprendre, c’est détruire, c’est conquérir. Emporté avec les autres, dans le mouvement puissant du groupe qui s’est mis en branle et qui a roulé de blagues en conneries inacceptables, nous avons dévalé la pente comme un rocher furieux jusqu’à la chute.
Je courais vers la connerie, vers l'incontrôlable, laissant derrière moi mes principes et mes valeurs. Je courais pour ne plus penser à ce que je faisais.
https://nathavh49.blogspot.com/2024/05/appelez-moi-cesar-boris-marme.html
Terrible déploiement d'un drame. A ne plus laisser partir ses ados en colo !
Deuxième roman de Boris Marme, fort bien construit, car si l'on sait dès le début, dès le prologue titré "Rien qu'un épilogue", qu'un drame s'est déroulé, on ne sait pas lequel et la suite du roman est la montée en tension vers l'acmé, le tragique. Très bien fait donc, mais long, j'eusse préféré que le séjour de deux semaines détaillé jour par jour ne durât qu'une semaine ou que les journées de 24 heures n'en fissent que 12. Un peu plus de trois cents pages pour un roman qui, condensé eût été quasi parfait, tendu du début à la fin.
Cette remarque mise à part, j'ai bien aimé l'histoire et sa construction, ça vous l'aviez compris, mais aussi le soin apporté aux personnages, des ados en plein questionnements et souhaits de dépasser les limites. Si Étienne et Jessy sont les plus décrits, les autres ne sont pas en reste, et le groupe est crédible, réaliste. C'est un roman initiatique qui met en scène des jeunes gens qui, sans cesse, se cherchent, doutent, se jaugent, se jugent et veulent surpasser l'autre pour exister.
Boris Marme donne une image fidèle des années 90, la musique, la société, les préoccupations de adultes et des adolescents, le racisme, la montée du front national, le sexisme... tout ce qui, trente ans plus tard, est toujours d'actualité.
Le texte de Boris Marme est beau, très bien écrit, qui varie les niveaux de langage, lorsqu'il passe par exemple des dialogues au récit. Travaillé, fluide, il coule très agréablement. Franchement, mise à part ma réserve du début -c'est mon côté grincheux-, j'ai trouvé ce roman excellent sur tous les plans. Un écrivain à découvrir et dont je cite les premières phrases, histoire de mettre en appétit :
"J'imagine que l'alerte fut donnée aux alentours de 8 heures. Les trois moniteurs prévinrent finalement les gendarmes.
Ils avaient sans doute pensé pouvoir régler ça eux-mêmes, ils avaient attendu une bonne partie de la nuit, avec les jumeaux, les deux seuls qui n'avaient pas participé à la mutinerie, attendu au pied de la montagne, plus agacés qu'autre chose par nos comportement de p'tits cons, déterminés à nous laisser nous démerder et à prendre les mesures qui s'imposeraient pour régler cette affaire." (p.9)
Étienne a 15 ans lorsque ses parents l’inscrivent à la colonie de la Miséricorde. Sa mère en a parlé avec la boulangère, qui lui a vanté les mérites de ces 3 semaines de randonnées, de vie au grand air, d’amitiés viriles… Étienne ne le sait pas encore, mais cette parenthèse estivale changera à jamais ce qu’il est.
Appelez-moi César est un roman sublime, un roman qui touche, qui égratigne, qui marque. C’est l’histoire prenante d’un adolescent qui s’efface, se dissout, s’éteint, après s’être révélé, éveillé et avoir déployé ses ailes.
Être un adolescent cet été 1994, trouver sa place au sein de ce groupe de garçons qui semblent déjà se connaître, s’affirmer et ne pas être isolé, c’est l’objectif d’Etienne. Aristote, Charbel, Michaël, Franck et tous les autres vont devenir son univers, ceux autour de qui tout tournent, ceux qu’ils ne faut pas décevoir. Accepter et réussir des défis idiots, dépasser ses peurs, ses doutes, se cacher derrière un masque ou afficher son vrai visage, Étienne va quitter l’enfance auprès de ces garçons.
Et puis il a Jessy… Sa prestance, son courage, cette révolte qui bouillonne en lui. Étienne voit en lui à la fois un modèle mais aussi un être fragile, qui poussent les limites, qui ne respecte aucune règle, aucun adulte. Est-ce celui qu’il faut suivre, ou celui qu’il faut combattre…
Boris Marme a une écriture si juste, si mélodieuse, si harmonieuse, qu’on est littéralement happé par l’atmosphère de son roman. On porte un regard tendre, parfois incrédule, voire horrifié, sur ces adolescents que rien arrêtent. Rapports de forces, rapports aux corps, ces garçons nous plongent dans leur univers, peuplé de virilités exacerbées et de fragilités cachées.
Qui de tous ces adolescents sera César ? Le temps d’une heure, d’une nuit ou d’une vie. Tous espèrent voler cette première place. Peu auront le courage de la garder, car elle n’est pas que fierté, elle est aussi empoisonnée…
Un serment si lourd à porter
Quand les gendarmes retrouvent les adolescents perdus dans la montagne, l'un d'entre eux manque à l'appel. Vingt cinq ans après le drame Étienne décide de tout raconter. Boris Marme signe un roman prenant, un suspense étouffant.
Durant l'été 1994 un groupe de onze garçons se perd en montagne, après avoir refusé de suivre leurs accompagnants. Le lendemain un peloton de gendarmerie récupérera dix d'entre eux. Dans la nuit, l'un d'entre eux a glissé et n'a plus donné signe de vie. «De jeunes innocents. Un accident regrettable. Un traumatisme puissant. Des adultes irresponsables. Voilà ce que les gens ont retenu, voilà ce qu'ils ont gobé. Le reste de l'histoire, le narrateur a voulu l'oublier, s'imposant des années de silence "pour tenter de vivre comme tout le monde, dans le mensonge, mais vivre quand même, devenir quelqu'un. Exister.»
Mais a quarante ans et après avoir perdu sa mère, Étienne décide de rompre le pacte et de raconter ce qui s'est vraiment passé.
Il avait été inscrit par ses parents à ce camp de vacances, mais craignait tout à la fois de quitter ses amis et son domicile et la rencontre avec tous ces jeunes qu'il ne connaissait pas. Des craintes que le voyage en TGV n'ont pas vraiment dissipées. Après avoir monté leurs tentes, le groupe se retrouve au grand complet. «Il y avait Mélodie, la seule fille, qui ne voulait pas être là. Il y avait le sympathique Clément, le cleptomane, avec son plâtre au bras pour une raison que j’ai toujours ignorée, et Bruno que je découvrais presque alors, le visage transparent pour le moment, si ce n’était son duvet de moustache. Il y avait James, dit la Taupe, avec ses petits yeux et son visage criblé de boutons qui fumait de la beuh, et Michaël, avec sa voix basse et érayée, et son caractère de con. Il y avait les jumeaux, Louis et Arnaud, qui ne disaient pas grand-chose, si sérieux, toujours prêts les premiers. Il y avait Charbel qui nous avait tous éclatés au foot en fin d’après-midi, Adama avec ses airs de grand prince, Steve qui semblait sympa mais franchement bête, et Franck, le fameux rouquin avec sa tête à faire peur et qui donnait l’impression de vous agresser quand il parlait. Il y avait Aristote que les autres appelaient la Tronche et Ganaël, le petit, le gamin, le collégien. Enfin, il y avait moi et il y avait Jessy, deux mondes, qu’un océan séparait encore et qui ne tarderaient pas à se rencontrer.»
Au fil des jours et des longues marches éprouvantes, le groupe va apprendre à se connaître. Étienne va se rapprocher de ses compagnons et vouloir partager leurs initiatives souvent stupides, quelquefois dangereuses. Entre larcins, provocations, mises au défi, il s'agit de désigner qui est vraiment César. Un petit jeu qui, on le sait, va virer au drame. Mais le groupe retrouvé au petit matin ne trahira pas le serment scellé après l'accident.
En choisissant, 25 ans plus tard, de confier à Étienne le soin de confesser ce qui s'est vraiment passé, Boris Marme dit tout à la fois la charge émotionnelle ressentie sur le coup et le traumatisme trop lourd à porter au fil des ans. Hantés par la mort et leur silence, les adolescents verront leurs vies brisées. Un roman construit comme un polar, un suspense qui va aller crescendo jusqu'au drame et qui permet à l'auteur de scotcher son lecteur dès les premières pages jusqu'à l'épilogue qui, lui aussi, réservera son lot de surprises. C'est fort, prenant, très réussi!
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