Une soirée événement "Un endroit où aller" avec les éditions Kana et la librairie "Le Renard Doré"
Their Eyes Watching God, fut écrit par une écrivaine afro-américaine, en 1937. Et le récit se situe dans la Floride du début du XXe siècle, région où sévit toujours le racisme.
Janie Crawford, raconte à sa meilleure amie, Pheoby Watson, les principales étapes de sa vie de femme noire. Et surtout, une fois découvert sa couleur de peau, une recherche permanente sur différents points, notamment : de sa liberté de vivre comme elle le souhaite, d’être en communion avec sa communauté, de découvrir le monde, de parfaire sa soif d’apprendre, bref, d’être tout simplement heureuse !
Elle va pour ce faire, se marier plusieurs fois, et passé les premiers instants, elle s’aperçoit que son existence consiste surtout à rester passive dans les relations de couple. Etre en permanence corvéable à merci ! Alors dans ces dispositions comment connaître le véritable amour ; la transcendante du couple dans ces conditions ?
Seul son troisième mariage avec Virgible Woods - Tea Cake – lui apportera, enfin, une lumière dans sa vie. Une vie sortie qui la sortira de l’immobilisme, de l’inénarrable solitude qu’elle a déjà connue et redoute toujours. Enfin l’ivresse pour elle de la découverte d’un amour partagé, de faire fi des convenances. Mais les moments joyeux ont aussi leurs périodes de malheur ! Mais chut, laissons le lecteur découvrir les vicissitudes de l’existence…
Un voyage dans l’univers d’une littérature noire – Tous enlaidis par l’ignorance, brisés par la pauvreté -, avec peu d’interventions de la population blanche, let une sempiternelle apparition du racisme sous-jacent entre les membres de cette communauté.
Un récit poignant, certes, mais difficile d’approche, par l’utilisation d’une retranscription phonétique du dialecte des noirs d’origine africaine. Il faut « s’accrocher » pour en pénétrer l’âme de Janie et ressentir ainsi tous ses émois. Un rare moment de tristesse mais aussi d’espoir pour savourer – la floraison d’un poirier au printemps -.
Après de longues années d’absence, Janie revient dans sa ville natale, Eatonville (en Floride) sous les yeux curieux des commères du quartier qui la jalousent un peu. Elles donneraient cher pour savoir ce qu’a vécut Janie durant tout ce temps … Phoebe, son amie de toujours, va lui souhaiter la bienvenue et recevoir ses confidences.
Petite fille d’esclave, sa mère (qui a disparu depuis sa naissance) fut le fruit d’un viol perpétré par le maitre de la plantation où sa grand-mère (Nanny) vivait, juste avant la guerre de sécession. Dix-sept ans plus tard, Jamie fut à son tour le fruit d’un viol subi par sa mère (le coupable en étant le maitre d’école)
Élevée avec des enfants blancs dont sa grand-mère était la nourrice, Janie n’a compris qu’elle était noire qu’à l’âge de six ans, en se voyant pour la première fois sur une photographie prise en leur compagnie …
Trois hommes traverseront sa vie d’adolescente puis de femme. Seul le dernier, Tea Cake, lui apportera l’amour et une indépendance tant désirée.
Malgré un sujet touchant, j’avoue volontiers avoir éprouvé ça et là quelques légères difficultés de compréhension, dues à la phraséologie permanente du récit. Probablement la raison pour laquelle je n’ai pas eu le coup de coeur tant attendu pour le roman culte de Zora Neal Hurston … Une belle histoire toutefois.
Janie rentre au village. Elle a disparu depuis des lustres. Elle est partie avec un homme, elle rentre seule. Et elle raconte : son enfance, ses trois mariages, sa vie entière consacrée à la poursuite de la liberté et de l'amour.
Dans la Floride post-esclavagiste, ce roman nous emmène dans les pas d'une femme puissante, qui ne renonce jamais à ses rêves, quoi que puissent en penser "les gens". Ce très beau portrait est aussi une superbe histoire d'amour : Janie et Tea Cake, couple improbable, sont liés par un amour passionné et indestructible.
Une très belle histoire de femme forte, fière et libre.
Zora Neale-Hurston est une anthropologue et une « folkloriste » afro-américaine aujourd’hui reconnue mondialement. L’essai qu’elle écrit en 1925 (qui donnera lieu dans un premier temps à une publication sous forme d’article en 1927), son premier ouvrage, est resté inédit pendant 90 ans, du fait du langage utilisé, peu commode à la compréhension et aussi, par peur d’accusations racistes : Le fait que les africains aient participé activement à la traite négrière est un fait que les esclaves et globalement la population noire née en exil n’ont jamais pu comprendre et qu’à l’intérieur même du continent africain, la ségrégation existait elle aussi bel et bien du fait des guerres de clan et des dissensions tribales.
Pour cet ouvrage, il s’agit de la transcription des conversations qu’elle a eu avec Cudjo Lewis (de son nom africain, Oluale Kossola, il choisira « Cudjo » pour sa signification en yoruba qui veut dire « lundi ») considéré alors comme le dernier survivant de la traite transatlantique aux Etats-Unis (Redoshi fut « découverte » bien plus tard, en 2019) qui fut convoyé illégalement sur le « Clotilda », dernier navire négrier à aborder en terre américaine en 1860.
Pour conserver la véracité de ce témoignage, l’auteure choisit d’employer le langage dit « vernaculaire » (définition Larousse : Langue locale parlée à l’intérieur d’une communauté, par opposition au langage « véhiculaire » qui sert à communiquer dans le monde – Vernaculus = indigène et Verna = esclave).
Elle transcrit fidèlement ces entretiens, pour en garantir l’authenticité en se défendant de toutes interprétations personnelles qui pourraient interférer avec les déclarations de Cudjo. Elle le présente comme un texte « brut », factuel et impartial pour ce qui la concerne.
De la parole directe de Kassola, il en ressort un récit puissant et parlant qui retrace le cauchemar collectif vécu par des millions d’Africains déracinés et déportés vers l’Europe ou l’Amérique. Tout y est dit de façon subtile mais sans détour. La simplicité de Kossola est touchante ; il « raconte » naturellement, avec fatalisme, sans haine ni rancœur : il constate.
Alors âgé de 86 ans, Cudjo livre une histoire somme toute très parcellaire qui engendre des « raccourcis » sur des choses, soit dont il ne se rappelle pas bien, soit qu’il ne comprend pas (comme la mort de sa femme par exemple où l’on déduis qu’il n’en a pas saisi la raison, qu’il n’appréhende pas vraiment ce qu’il lui est arrivée – il évoque vaguement une « maladie »…) ; une mémoire hésitante qui laisse apparaitre des « trous » et des approximations.
Plus tard, il raconte que les esclaves libérés fonderont Africatown USA et Plateau (endroit nommé Magazine Point autour de Mobile, Alabama) lorsqu’ils comprendront que malgré toutes les « économies » qu’ils pourront rassembler ne suffiront pas pour retourner en Afrique. Cette ville constituera un dernier « rempart » contre les américains : les blancs, mais aussi les noirs de deuxième ou troisième générations qui considèrent leurs frères africains comme des « sauvages ». La ségrégation raciale bat alors son plein même après l’abolition de l’esclavage en 1865.
Le livre est non seulement composé du (court) témoignage livré par Zora Neal-Hurston mais il est étoffé par une préface d’Alice Walker (précieuse pour ses précisions et explications nécessaires à la compréhension du texte qui suit) et des notes en fin de récit écrites par son biographe Robert E. Hemenway.
Emma Langdon Roche, Zora y fait brièvement allusion lorsqu’elle cite ses sources. Emma est une écrivaine et artiste américaine qui a été en fait la première à interviewer les habitants d’Africatown et à avoir rencontré Kazoola (Kossola, bref, Cudjo ). Elle fut la première à écrire sur l’Histoire de ces anciens esclaves. Son livre « Historic Sketches of the South » n’a à ce jour, pas été traduit en français. Zora rencontrera elle aussi Cudjo par la suite ainsi que différents habitants de la région de Mobile.
Cela va donner lieu à une grande polémique. En effet, à la fin de « Barracoon », Hemenway fait quand même un procès d’intention à Zora où il souligne qu’elle aurait tout bonnement plagié la majeure partie des recherches et écrits d’Emma Langdon Roche tout en lui cherchant néanmoins quelques excuses vaseuses. C’est fâcheux car finalement cela minimise fortement l’impact du témoignage. Présenté comme un énorme travail de reconstitution, de mémoire, de transcription minutieuse, le récit est gravement relativisé par les accusations portées sur l’oeuvre de Zora.
Pour ma part, j’ai beaucoup aimé le récit de Kossola en lui-même avec son langage particulier par contre les commentaires après beaucoup moins. Si comme le présente la couverture, il s’agit bien du témoignage de Cudjo Lewis, « Barracoon » écrit par Zora Neale-Hurston, les commentaires de fin de livre sont tout à fait superflus. Il aurait eu sa place dans un autre livre consacré exclusivement à la biographie de l’anthropologue [Il existe je crois]. La préface d’Alice Walker suffit largement.
Cependant comme le travail d’Emma Langdon Roche n’est pas encore parvenu en France, celui de Zora Neale-Hurston reste très précieux et n’enlève rien à l’authenticité du témoignage de Cudjo. C’est cela qui me semble important.
Je remercie infiniment les Editions J.C. Lattès pour avoir fait traduire et éditer l’ouvrage ainsi que la plateforme NetGalley pour m’avoir permis de découvrir l’histoire de Kossola et de m’avoir interpellée sur le parcours de Zora Neale-Hurston.
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