Rencontre avec la romancière Monica Sabolo, en lice pour le Prix Femina
Rencontre avec la romancière Monica Sabolo, en lice pour le Prix Femina
Comment vivre avec le fantôme de sa sœur disparue? Et que signifie "disparue"? S'est-elle évaporée? S'est-elle noyée? Est-elle morte? Voici les questions qui hantent Benjamin, le frère de Summer. Le lecteur avance dans le roman au fil des interrogations, cauchemars et souvenirs du narrateur. Il en ressent son mal-être et ses idées obsessionnelles qui font que le roman est très répétitif. C'est un roman qui m'a semblé "malaisant".
Pré-adolescente dans les années 80, parmi les images de cette époque qui me reviennent, figurent sans nul doute les 4 visages des membres d’Action Directe, groupe terroriste, recherché dans toute la France pour avoir assassiné un soir de novembre un grand patron, père de famille.
Ce que j’ai également à l’esprit c’est, plus tard leur arrestation dans une ferme isolée où leurs proches voisins, sidérés ne pouvaient croire que ces gens charmants qu’ils côtoyaient chaque jour étaient ces terroristes.
Dans son livre, La vie clandestine Monica Sabolo grâce à une minutieuse enquête retrace le parcours d’Action Directe et trace un parallèle avec sa propre enfance. Née de père inconnu élevée dans un milieu bourgeois par une mère qui l’a délaissée et un beau-père aux activités mystérieuses, cette vie en apparence parfaite était pourtant faite de secret, de silence et de violence.
Sa très belle plume ne nous fait pas oublier cependant le rapprochement un peu facile qu’elle établit entre l’épopée meurtrière d’action directe et ses propres souvenirs qu’elle déterre au fur et à mesure de ses rencontres avec les protagonistes de l’époque.
Cela m’a donné l’impression qu’Action Directe n’était qu’un prétexte et qu’écrire ce livre était certainement une nécessité pour elle afin d’exorciser ce qui lui est arrivé et essayer de pardonner car comme le conclura un des membres parlant de sa vie et qui fera écho à la sienne « Ce qui a eu lieu a eu lieu. Telle est la vérité avec laquelle nous devons apprendre à vivre ».
L’autrice, en mal d’inspiration, recherche un sujet marquant et efficace. À la faveur d’une émission de radio, elle décide d’écrire sur le meurtre de Georges Besse, PDG de Renault, par Nathalie Ménignon et Joëlle Aubron, du groupuscule Action Directe, en 1986.
L’enquête dans laquelle elle se lance, se plongeant dans les archives, rencontrant des membres de l’organisation terroriste, finit par faire écho – de manière subtile – à la face sombre de sa propre histoire, elle qui a découvert sur le tard que son père n’était pas son géniteur mais son beau-père, un homme aux activités professionnelles mystérieuses, un homme également incestueux, ce qui donne d’ailleurs une lumière différente à « Summer ».
Le lien entre les deux facettes de ce livre est ténu, j’ai eu l’impression que cette enquête journalistique était un moyen de ne pas écrire frontalement sur les abus, évoqués de manière très pudique. Et pourtant cela a fonctionné pour moi, le livre est fluide, maîtrisé – grâce à la plume de Monica Sabolo, à sa façon de faire revivre les années 70, 80, de décrire les anciens membres d’Action Directe qu’elle rencontre.
L’autrice est douée, car j’ai globalement apprécié ce livre alors que j’ai grincé des dents durant tout le récit – les terroristes d’Action Directe m’écœurent, je ne comprends pas leurs motivations, leurs choix de victimes (franchement, si on veut un monde plus juste, aller tuer le patron de Renault, vu le nombre de salopards en liberté…?) et 35 ans après, peu de recul, pas de regrets, de repentance … et l’autrice, qui est dans une démarche d’apaisement au niveau personnel, semble parfois avoir du mal à se positionner face à ceux que l’on considérerait presque comme des « petits vieux sympas » (ce que je penserais sans doute si c’était mes voisins et que j’ignorais leur passé)
Un livre paradoxal, qui oscille entre grâce et malaise.
"Je ne savais pas encore que les années Action directe étaient faites de tout ce qui me constitue : le silence, le secret et l’écho de la violence. »
En écoutant "Affaires sensibles" sur France Inter, Monica Sabolo est happée par l’histoire des membres de l’organisation Action directe, sévissant dans les années 80. Elle croit tenir là son prochain sujet de roman.
Très vite, le récit se dédouble, la vie clandestine des uns déborde sur celle de l’auteure qui replonge malgré elle dans son passé. Sa vie bourgeoise au côté de sa jeune mère et d’un père aux activités obscures, souvent absent, jusqu’à disparaître définitivement.
Monica enquête, s’informe, interview, prend des notes. Rapidement, elle se rend à l’évidence : les thématiques autour d’Action directe font écho à sa propre histoire : secret, violence, clandestinité, silence, incompréhension. Et fuite aussi, mise à distance nécessaire comme mode de défense. Se cacher, se taire, rester fort. Toujours.
Elle questionne son écriture, ses méthodes, ses projets. Elle relève les incohérences dans sa vie comme dans les faits rapportés et s’interroge : connait-on vraiment ceux qui vivent à nos côtés ? Comment vivre quand on comment l’irréparable ? Comment affronter, avancer, pardonner ?
Si les chapitres journalistiques et historiques m’ont passionné, car l’écriture juste, précise et incisive nous transporte dans cette captivante histoire, je reste perplexe sur ce récit gigogne, ce récit prétexte.
Dans cette rentrée littéraire, Monica Sabolo n’est pas seule à conjuguer collectif et individuel, histoire personnelle et Grande Histoire. Lola Lafon en est un autre exemple.
Je suis ici victime de mes attentes, une envie de glissement marqué entre le sujet intime et l’enquête. Il n’y en aura pas.
Admirative du colossal travail accompli et du style de l’auteure, je referme pourtant ce roman avec la désagréable impression de ne pas avoir su l’apprécier à sa juste valeur.
Un rendez-vous manqué.
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