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Tout coeur amoureux est révolutionnaire

Couverture du livre « Tout coeur amoureux est révolutionnaire » de Aubevert Jean-Michel aux éditions Le Coudrier
Résumé:

Vendémiaire, an 424.
Bretagne rase campagne : au pic des caps, l'arbre a perdu pied. Il a rendu les armes, ras la bruyère violette et ras l'ajonc, à l'éclat un peu sale. Le chêne a courbé l'échine, laissé le terrain aux épines. Terre extrême, Finistère sous les vents rugissants, entrecoupée par... Voir plus

Vendémiaire, an 424.
Bretagne rase campagne : au pic des caps, l'arbre a perdu pied. Il a rendu les armes, ras la bruyère violette et ras l'ajonc, à l'éclat un peu sale. Le chêne a courbé l'échine, laissé le terrain aux épines. Terre extrême, Finistère sous les vents rugissants, entrecoupée par les vallées noyées, comme aux appels d'une Ys, j'épelle vos combes à l'étiage d'une tombe.
Au reflux de la mer, d'aventure, des vestiges ressurgissent d'un temps si révolu que j'en conçois le vertige. Tant de bateaux se sont échoués. Leur cage thoracique repose dans l'eau.
Pays d'Armor, je vous sais terre des morts au cap des naufrageurs. Sur la mémoire de leurs feux, semble veiller un phare, épaulé par un contrefort de rochers, tandis que sur le plateau pelé, la cuscute parasite ébouriffe la lande d'une rousseur insolite. On dit qu'elle a tôt fait de couvrir un site et de le dépayser, si vite qu'on croirait un tour de magie.
Bretagne coupe rase des arbres sous la tempête, aux feux follets dont le vent ranime la brande, sous le remembrement qui, tel un agent Orange, un défoliant, balaya les haies, repoussant les voies de l'étrange au maquis des halliers. Ultime coupe-vent, un paraphe de chèvrefeuilles sépare le jardin du champ voisin.
Traquant la ronce des mûriers, les glands de chêne, il me semble repousser du jardin domestiqué la nostalgie envahissante des sauvageries, le geai et le sanglier qui nu, se vit cochon. Moi qui me prétendais coureur des bois, annonciateur des ménades sur des pistes nomades, j'hérite d'un improbable pré à vache pour terre arable.
Je me vois logé au rang de sédentaire, habitant d'un rêve arrêté, Merlin dans la maison de verre de sa légende, cultivant ses songes pour rançon de ses changes. Faut-il, pour qu'en fleurisse le nom, consentir aux roses le sacrifice d'un sang que la ronce prélève de force? Je m'égratigne à tourner autour, sans doute indigne de leurs atours. La cétoine dorée, qui leur est dédiée, les dévore de baisers. Dois-je les en épouiller, ou en est-ce la dernière touche comme d'un supplément d'âme, le camée idoine?
J'émargeais jadis, obsolète poète, à l'ordre des arbres et des bêtes auxquelles leur robe suffit de peau. Aussi je me sentais dépourvu de ne plus aller nu, consigné au rebut d'une fière tribu. J'empruntais à l'adamite sa bure; mon corps identifiait mon humanité, sans qu'aucune pudeur ne puisse me la contester.
Le verbe m'habillait de son tissu.

Ainsi qu'un coeur bat au rythme d'un sang, que Marianne se lève pour brandir un poing, Fabre d'Églantine soustrait aux Saints le calendrier romain pour le restituer au rythme des saisons.
On ne sait, au sortir de l'hiver, bourgeon ou bouton, l'éveil révolutionne le monde pour autant qu'un coeur s'élance à la poursuite des soleils.
Un vent transporte le monde et c'est aux lèvres toute la puissance des ondes que traduit le poète.

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