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Les fils de Canaan ; l'esclavage au Moyen âge

Couverture du livre « Les fils de Canaan ; l'esclavage au Moyen âge » de Sandrine Victor aux éditions Vendemiaire
Résumé:

Prisonniers de guerre asservis dans les Royaumes barbares, Slaves castrés transitant vers la Méditerranée sous Charlemagne, populations d'Afrique noire vendues par les commerçants ibériques du XVe siècle... À rebours des idées reçues, la chute de l'Empire romain est loin d'avoir marqué la fin de... Voir plus

Prisonniers de guerre asservis dans les Royaumes barbares, Slaves castrés transitant vers la Méditerranée sous Charlemagne, populations d'Afrique noire vendues par les commerçants ibériques du XVe siècle... À rebours des idées reçues, la chute de l'Empire romain est loin d'avoir marqué la fin de l'esclavage. Bien au contraire, les nombreux conflits du Moyen Âge, des intrusions mongoles aux raids vikings, assurent la pérennité de cet asservissement de l'homme par l'homme.
Rejeté hors de la communauté, assimilé à un bien marchand, de rang inférieur au serf sur l'échelle sociale, l'esclave médiéval n'a aucun droit propre. Son traitement donne progressivement naissance à une racialisation de l'exploitation de l'étranger, legs du Moyen Âge aux négriers de l'époque moderne...

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    On entend souvent parler de l’esclavage dans l’antiquité. On entend aussi souvent parler de l’esclavage pour l’époque moderne avec la traite triangulaire atlantique. Pour...
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    Avis probablement plus facile à lire sur le blog.
    http://encreenpapier.canalblog.com/archives/2019/05/28/37387153.html


    On entend souvent parler de l’esclavage dans l’antiquité. On entend aussi souvent parler de l’esclavage pour l’époque moderne avec la traite triangulaire atlantique. Pour ceux qui ont eu de la curiosité, ils ont aussi entendu parler ou lu sur l’esclavage dans les pays musulmans.
    Au-delà de ça, il est vrai que l’on entend peu parler du commerce d’esclave par les juifs, ou encore de l’esclavage à l’époque médiévale que l’on confond souvent avec le servage. Sans être exhaustif - la question est large - ce livre va réparer cet oubli historique, en n’abordant donc l’esclavage au moyen-âge dans divers points d’Europe et d’Orient, réparti sur la grande période de cette époque. A peu près 1000 ans.

    Définition :
    Enfin, je dis aborder l’esclavage, mais sachez que c’est quand même difficile. En effet, ne croyez pas qu’aborder cette question pour une période qui peut manquer d’archive et de cohésion, s’avère facile même pour une historienne comme Sandrine Victor pourtant spécialiste de l’histoire économique et sociale du bas Moyen Âge. Cette dernière va en effet très vite nous mettre dans le bain, en nous montrant d’entrée la complexité du langage qui peut très vite mener l’historien dans l’erreur ou la globalisation, comme avec par exemple le mot mancipium qui peut désigner un serf chasé (un ouvrier avec une terre) ou l’ouvrier non chasé et non libre : l’esclave. Et c’est d’ailleurs souvent cet emploi de terme qui mélange les états, qui fera dire à des historiens que l’esclave c’est le serf médiéval, le servage étant la finalité de l’esclavage pratiqué par les romains.
    C’est donc cette idée reçue que l’autrice remet en cause, en montrant que l’esclavage n’a pas disparu avec Rome pour réapparaître comme par enchantement à l’époque moderne, serfs et esclaves se côtoient mais ce n’est pas la même chose. En témoigne la diversité des mots qui les désignent, et la multitude de loi ou coutume qui jalonne l’époque et aborde l’esclavage, même si pour l’historien ça peut vite devenir un casse-tête.

    « La différence entre serf et esclave peut tenir au fait que, dans le cas de l’esclave, il s’agit pour le maître de posséder une personne, tandis que dans le cas du servage, il s’agit pour le seigneur d’avoir un pouvoir indirect sur elle par le biais de la possession de la terre. » p.26

    Pratiques et règles :
    Des lois, des règles coutumières, des chartes, des conciles, qui gèrent la question des esclaves : commerce, protection, punition, affranchissement, etc. il y’en a plein. Rien n’échappe aux droits dans ce domaine, de fait en tant qu’historienne, Sandrine Victor les a forcément interrogés. Outre la complexité, ce que l’on peut dire ici en premier, c’est que là aussi ça bouge pas mal, et qu’il est impossible d’en sortir un schéma unique. C’est toujours très varié selon les régions et encore les époques. Comme pour les mots, on a de tout. Pour preuve, la différence de traitement des esclaves fugitifs entre la ville de Toulouse qui ne restitue pas l’esclave quand bien même il soit demandé par le maître suite à une charte de 1226, alors que l'Église préconise de le rendre tout en demandant la clémence envers le fugitif. (Et c’est un exemple parmi tant d’autre).
    Toutefois, nous savons tous que les lois sont faites pour être détournées ou pas appliquées, et c’est ce que nous allons découvrir aussi quand l’autrice va mettre en parallèle le droit et la pratique. Quand elle aborde notamment la vente des esclaves, par exemple il était techniquement interdit de vendre ses coreligionnaires (musulmans ou chrétiens) et pourtant il n’était pas rare de voir que cela se faisait. Il était aussi amusant de constater que parfois le droit pouvait se montrer ambivalent, en interdisant par exemple aux juifs la possession d’esclaves chrétiens mais en parallèle les autoriser à les vendre. (!)
    Enfin puisque je parlais de protection et de punition inscrite dans le droit, j’ai trouvé très intéressant l’approche de l’auteure qui nous montre à voir le statut de l’esclave, de voir la manière dont il est traité. Mal, corvéable à merci, prisonnier de son maître… ça va de soi, mais aussi dans le même temps protégé par des lois, des conciles comme celui de Worms (876), ou encore par aussi l’intérêt de l’acheteur - ça ne lui sert à rien d’avoir un esclave impotent. Enfin, sur l’affranchissement qui est aussi inscrit dans le droit, j’ai apprécié que l’historienne se penche sur l’après, c’est-à-dire sur la vie une fois l’esclave libre ou partiellement libre.
    Quoi qu’il en soit retenons une chose, la multiplication des lois sur l’esclavage, montre que le phénomène n’est pas rare.

    Réflexions sur l’esclavage :
    On a abordé la définition impossible, le droit et la pratique, quid de la philosophie de l’esclavage ? Parce que oui, ça peut être philosophique comme approche, comme dans le monde chrétien par exemple. En effet, dans le monde chrétien et comme l’esclavage dérange - on dit que Saint Eloi racheta lui-même des esclaves - on tente de motiver ce dernier par une approche morale, physique, psychologique mais aussi biblique qui peut avoir des échos avec l’antiquité et Aristote. Cette pratique prouve surtout que cette question dérange, car comme le souligne justement Madame Victor on ne justifie pas quelque chose qui coule de source.
    Donc, comment justifie-t-on l’esclavage au moyen-âge ? Par divers moyens, mais principalement par la religion. Eh oui ! L’esclavage ne serait que le résultat du péché originel dans le christianisme (par ailleurs ne méritant pas d’en faire grand cas, car la vie terrestre est une souillure), s’expliquerait chez les juifs par le fait que l’esclave est bien traité donc ne vit pas dans un état honteux, et chez les musulmans parce que c’est social et une tradition dans la société arabique. Je précise que certains de ces textes prévoient d’ailleurs le traitement de l’esclave, mais rappelez-vous, la théorie et la pratique sont souvent différentes.
    « Dieu crée les hommes libres et égaux, mais cet état ne peut être assumé dans un monde marqué par la Faute. » (Pensée d’Augustin.)
    Cependant, croire que tout le monde est d’accord avec les textes fondateurs est faux. Effectivement, il faut savoir que même justifié il existe des voix qui s’élèvent contre cet état, en Occident il y a notamment Smaragde de Saint-Mihiel qui veut abolir l’esclavage, sans parler de ceux qui demandent plus d’humanité dans le traitement des esclaves, car l’esclave est en quelque sorte ton semblable.
    En quelque sorte, oui (vous ne rêvez pas j’ai bien écrit cela), car là réside une autre réflexion de l’esclavage ; l’esclave est vu comme un homme inférieur, mais est aussi considéré comme un objet ou un animal, et ceci sans que ça soit pour autant contradictoire. Il est inférieur juridiquement, il n’est pas libre, il est soumis à son maître, il ne peut pas faire ce qu’il veut, pourtant il est protégé dans le même temps car il possède d’une part une certaine valeur marchande - il y a eu un investissement -, et d’autre part parce qu’il est aussi reconnu humain, étant donné qu’on le compare à une créature que dieu à puni. Et une créature humaine, puisqu’on en fait un homme pensant qui ne doit pas se plaindre de la place que dieu lui a administrée.
    Ok, on justifie l’esclavage au moyen-âge, mais est-il toujours fort ? La réponse est non, du moins pour l’Occident où l’esclavage disparaît entièrement ou quasiment au fur et à mesure qu’on avance au moyen-âge, d’ailleurs vu qu’il y a moins de conquête en Europe l’esclavage diminue automatiquement. Avant de repartir à l’époque moderne, plus ou moins selon les pays.
    Pour l’esclavage pratiqué par les juifs, je me souviens juste que sont des marchands d’esclave, qu’en est-il d’une baisse je ne sais plus ! Je ne sais même plus si c’est abordé tellement ce livre est dense.
    Quant aux musulmans, on sait qu’ils ont eu plus d’esclave que la Chrétienté, et que l’apogée des razzia se situe du 16ème à la fin du 17ème siècle, signe que la pratique de l’esclavage est encore courante avant cette date. Enfin on peut noter pour cette communauté, que la volonté de posséder des esclaves peut être un motif de guerre, conclusion, l’Afrique est une terre vaste, l’Europe aussi.

    Quel travail ?
    Un esclave c’est de la main d’œuvre, et on imagine souvent le pire du travail ce qui est vrai. Un esclave travail dans les champs, les mines, fait du terrassement, des tâches domestiques, en ville comme à la campagne. Toutefois, l’autrice va nous montrer qu’un maître peut aussi guider son esclave dans le monde marchand ou artisanal, en lui faisant apprendre par exemple un métier. C’est ainsi qu’à Marseille en 1488 que deux esclaves sont mis en apprentissage chez un corailleur, aux frais bien évidemment du maître.
    Enfin on peut aussi acheter des esclaves pour leur savoir-faire, des potiers sarrasins à Marseille qui viennent compléter avec leur technique, les techniques déjà en vigueur à l’époque, ou encore des scribes dans le monde musulman qui copient en arabe ce que les juifs et chrétiens traduisent dans cette même langue.
    Au final, le travail dépend du besoin du maître, qui peut aussi le cas échéant louer son esclave.

    En conclusion :
    Comme vous le constatez avec cet avis qui n’en dit pas les 3/4, je n’ai pas abordé la pression psychologique sur l’esclave, les mariages, les fuites, les subtilités de tout ça et j’en passe (comme toujours je vous laisserai lire le livre), la question de l’esclavage à l’époque médiévale est complexe étant donné la diversité qui règne à cette époque. Il est en effet impossible de tirer une conclusion englobant tout un monde sur un seul schéma, quand bien même ce dernier ait une évolution dans son raisonnement.
    Toutefois, on peut en sortir certains éléments, quand on aborde notamment le droit et la pratique, l’explication de l’esclavage, le travail etc., etc. ; que ça soit clair, l’impossibilité de faire une étude globalisante ne veut pas dire qu’on ne peut rien dire, et c’est exactement ce qu’a fait l’historienne Sandrine Victor qui en brosse un portrait général avec minutie qui permet de voir la complexité du phénomène.
    Dans l’ensemble cela est bien raconté, on a tous quelque chose à apprendre, mais pour être honnête j’avoue que parfois c’était raconté de manière un peu assommante, enfin dans deux passages en ce qui me concerne : la géographie des courants esclavagistes et les mots. Nonobstant ces freins, ce livre est lisible par tous et je ne pense pas que des connaissances en histoire changent grand-chose, à part peut-être si vous n’avez jamais entendu parler du droit coutumier et encore je ne suis pas certaine. Bref ! Voilà un livre où s'attarder.

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