Haïti, une terre de littérature et de poésie, entre réalisme et magie
Urbain, électrique, chatoyant, le nouveau roman de Yanick Lahens est tout entier contenu dans le beau paradoxe de son titre : ici, les personnages évoluent sur une scène, Port-au-Prince, dont la violence trouve son pendant dans une « douceur suraiguë », cette même douceur qui submerge Francis, un journaliste français, le soir de son arrivée, quand au Korosol resto-bar s'élève la voix cassée et intense de Brune, la chanteuse.
Le père de Brune, le juge Berthier, vient d'être assassiné, sans doute coupable de ne pas avoir cédé aux pressions et aux menaces dont il était l'objet, et d'être resté intègre jusqu'au bout, dans cette ville où tout s'achète. À l'annonce de la mort de ce père qui lui a tout donné - l'amour de la musique, la confiance en elle, le chemin de l'exigence -, la raison de sa fille a manqué basculer. Aujourd'hui qu'elle s'habitue à l'évidence de la mort, tout son être pourtant refuse de consentir à la prudence et à la résignation que lui suggère Cyprien. L'amour que Brune éprouve pour cet ancien étudiant de son père vacille à mesure que Cyprien Novilus, gamin pauvre, devenu stagiaire dans un cabinet d'avocats, « fait l'important, le monsieur à costume et cravate ».
Le réconfort, Brune le trouve dans le cercle de ceux qui se réunissent régulièrement chez son oncle Pierre. Lui non plus n'a pas renoncé à élucider le meurtre du juge, son beau-frère, même si deux de ses anciens condisciples à l'école des Frères de l'instruction chrétienne, devenus avocat influent et homme d'affaires, lui confirment que l'enquête n'aboutira jamais... Pierre, lui, est resté fidèle à lui- même : revenu en Haïti après de longues années à l'étranger - ses parents l'y avaient envoyé très jeune, l'homosexualité n'était pas bien vue alors dans la petite bourgeoisie -, il vit reclus dans sa maison, malade, mais heureux de cuisiner les same- dis pour ses amis. Tous font bloc autour de Pierre et de Brune, tous tentent à leur manière de résister à la ville où la violence et la corruption sont loi.
Avec Ézéchiel, le poète qui rêve d'échapper par tous les moyens à son quartier misérable, avec Ronny l'Américain, dont Haïti est devenue la seconde patrie, avec Francis, qui a décidé que son premier reportage ici serait une enquête sur la mort du juge, Yanick Lahens nous entraîne dans une course folle, une plongée trépidante dans les entrailles de cette ville qu'elle aime, dont elle montre une fois encore, et de manière éclatante, qu'elle n'est ni un cauchemar ni une carte postale.
Par une subtile alternance entre monologues intérieurs et descriptions, elle parvient à nous faire entrer dans l'intimité de chacun - dans celle du petit malfrat Jojo Piman Piké, comme dans celle de Brune, magnifique personnage de femme -, et à nous faire vibrer au rythme d'une magistrale écriture, rapide et syncopée.
Haïti, une terre de littérature et de poésie, entre réalisme et magie
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Dans la torpeur tropicale d'Haïti, riches et pauvres, corrompus et serviles se côtoient ou s'ignorent.
Incorruptible, le juge Berthier a été assassiné alors qu'il enquêtait sur le meurtre d'un informaticien.
Dans un roman qui met tour à tour en lumière des personnages de tous les milieux, on croise Brune Berthier, fille du juge et chanteuse, son amoureux Cyprien, un avocat qui rêve de belles voitures, Pierre son oncle, qui a dû quitter l'île dans sa jeunesse pour courir ses amours loin de ses parents ...
Pierre, malade, est revenu au pays et enquête sur la mort de son beau-frère. Il réunit autour de lui les amis de Brune, Ezéchiel le poète maudit chef de file des manifestations, Cyprien, Ronny l'américain pour qui Haïti est une seconde patrie, Nerline, une militante féministe tandis qu'à leur périphérie rôde Joubert, l'homme de main à la gâchette facile ...
On y verra comment les rêves de chacun peuvent tourner la réalité en cauchemar, comment les rêves de richesse et de belles voitures font perdre la pureté de l'âme, comment les amours naissent et meurent, comment la plastique parfaite et artificielle leurre les hommes avides de sexe ...
Un roman qui m'a plongée dans cette atmosphère poisseuse où la mafia locale n'en porte pas le nom mais use des mêmes méthodes que ses consœurs italianisantes, où la corruption poilitique et judiciaire risque d'entraver encore longtemps l'espoir d'évolution qui ne peut se trouver que dans l'exil ...
Un roman qui s'achève sur la tragédie du Bataclan, signe que la violence t l'horreur sont planétaire et que nul n'en est à l'abri.
Un auteur que je viens de découvrir mais dont je vais m'empresser de rechercher d'autres ouvrages, tant sa prose poétique, fine et délicate m'a plu dans sa description d'un pays aimé et décevant.
Lien : http://www.livresselitteraire.com/2018/04/douces-deroutes-de-yanick-lahens.html
C’est une sorte de roman choral qui au prétexte d’une enquête nous fait découvrir Haïti. Ni tout noir, ni tout blanc. Contrasté par ces personnages à la fois pleins de rêves et désabusés et par un pays qui s’enfonce toujours plus dans les affres de la délinquance et de la misère. On y découvre un poète que la peur tenaille et inspire, des prostituées au corps refait qui s’appliquent à mettre un peu de chaleur dans le corps des hommes. On y découvre une jeune femme à l’aura enchanteresse qui n’a nulle conscience de sa beauté. Un oncle que sa famille n’a pas épargné pour lui mais aussi pour eux, et le regard des autres. On y découvre un jeune homme fier d’appartenir à ce qui semble être un gang. Chacun d’entre eux cherchant un nouveau souffle, une raison de s’accrocher pour grandir, pour sortir de la pauvreté, pour s’affirmer ou encore s’affranchir.
On y découvre une ville aux vapeurs de mort. Bouillonnante. Aussi étouffante qu’énergisante. Mais où l’amour et l’amitié maintiennent l’espoir. Au moins un temps.
Au rythme de chapitres courts, ciselés, Yanick Lahens tente d’éveiller les consciences où le créole flirte avec le français. Tout comme le bien et le mal. La violence et l’amour. Ce roman n’aurait pas pu mieux porter son nom. Douces déroutes. Un paradoxe pour un pays paradoxal.
Si j’ai aimé l’enchaînement de ces chapitres dont chacun est la voix de l’un des personnages, je regrette néanmoins de ne pas avoir su trouver la fluidité qu’imposait pourtant les phrases courtes et entraînantes. Il m’a manqué un je-ne-sais-quoi, peut-être de la poésie. Lumineuse ou mélancolique qu’importe mais quelque chose de plus viscéral. Je m’attendais à retrouver cela dans la description des sentiments, dans la vision de Brune, Francis, Pierre ou encore Ezéchiel (surtout Ezéchiel puisqu’il est le poète), mais j’ai eu l’amère sensation que l’auteure n’avait pas su faire totalement corps avec eux. C’est d’autant plus dommage qu’il y avait un potentiel fou notamment lorsque l’écriture de Yanick Lahens se laisse aller au corps justement. Lorsque Francis pose le regard sur Brune, lorsque Brune succombe à l’attirance. Lorsque Cyprien répond à l’appel du corps. Le corps qui se relâche. Ce sentiment animal qui renforce l’évidence : malgré la violence, la peur tenace et la misère, ressentir encore. Pouvoir encore ressentir. Devoir encore ressentir. Comme une nécessité pour ne pas totalement sombrer dans la noirceur d’un pays déchiré. J’aurais aimé qu’elle le déploie davantage ce potentiel, qu’elle l’exploite jusqu’au bout. Dans d’autres domaines. Dans la fraternité, dans les descriptions de cette ville à mon goût trop survolées. J’aurais aimé finalement plus de corps, plus de puissance et de réflexions. Plus de cohérence. Que les envolées apportent au récit plus qu’une jolie phrase ou référence au milieu d’un chapitre. Que ces envolées ne soient pas justement qu’une beauté figée dans une ville en mouvance.
Je suis déçue de ne pas avoir plus apprécié ma lecture. J'aurais voulu me laisser transporter au cœur du Chaudron, ressentir les vibrations et les angoisses des nuits haïtiennes. J'aurais voulu pleurer avec Brune, me révolter avec Ézéchiel. J'aurais aimé rencontrer vraiment Nerline, Waner et Ronny dont je n'ai même pas perçu les traits de caractère annoncés en quatrième de couverture. Je les ai croisés à l'occasion de soirée chez Pierre ou dans un bar de Port au Prince, mais je ne connais rien d'eux.
J'ai le sentiment d'être restée en dehors du récit. Une pointe de fatalité dans le récit m'a donné la sensation d'être une spectatrice trop lointaine. Je n'ai pas eu d'émotions à la lecture de cette histoire. J'en suis navrée parce que j'aurais aimé que ce livre me donne l'occasion de mieux connaître le pays de Mme Lahens. Dommage.
https://itzamna-librairie.blogspot.fr/2018/04/douces-deroutes-yanick-lahens.html
Francis, un jeune journaliste français, vient d’arriver en Haïti lorsqu’il entend le soir de son arrivée, dans le resto-bar le Korosol, la voix intense de Brune, la chanteuse au charme magnétique. Il tombe sous le charme.
Le juge Berthier, qui n’est autre que le père de Brune, peut-être un des rares de son métier à être resté totalement intègre malgré les risques, vient d'être assassiné. Brune tente de continuer sa route malgré la douleur, le choc, la soif de comprendre. Cependant elle ne se résigne pas, et tente de comprendre pourquoi cet homme qui lui a tout appris est mort de façon aussi violente. Elle est aidée en cela par Pierre, son oncle. Ils sont assistés et soutenus par un cercle d’amis, proches et fidèles.
Cette enquête, et ses personnages sont un alibi parfait pour l’auteur qui va nous faire découvrir la face cachée de cette ile qui n’est ni paradisiaque ni horrible, mais bien un mélange subtil de tout cela. Là où semblent régner corruption et misère, pauvreté et solitude, l’auteur distille peu à peu les raisons sordides qui ont mené au meurtre, dissèque les relations entre ceux qui, intègres ou voyous, côtoient pour le meilleur et pour le pire ceux qui ont réussi. Dans Port-au-Prince, chacun cherche un nouveau souffle pour sortir de la pauvreté, dans ce paysage qui n’est ni idyllique, ni catastrophique, et dont le lecteur sent toute l’énergie et le souffle bouillonnants de vitalité.
chronique complète ici https://domiclire.wordpress.com/2018/01/19/douces-deroutes-yanick-lahens/
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