« Quel monde merveilleux ce serait si seulement les ignorants étaient un peu moins sûrs d'eux. »
Iain Levison est excellent écrivain qui a le sens de la formule et qui choisit soigneusement ses sujets (précarité, politicien sans scrupules, affairisme, dictature de l’audimat et ici erreur...
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« Quel monde merveilleux ce serait si seulement les ignorants étaient un peu moins sûrs d'eux. »
Iain Levison est excellent écrivain qui a le sens de la formule et qui choisit soigneusement ses sujets (précarité, politicien sans scrupules, affairisme, dictature de l’audimat et ici erreur judiciaire). Il est brillant et toujours percutant avec un style, tout en sobriété, fait d’ironie et de second degré, avec des phrases courtes qui font souvent mouche pour le plus grand plaisir de ses lecteurs. A partir d’une affaire réelle, il s’attaque ici avec une terrible efficacité et un talent certain au système judiciaire américain. Il est Américain et parle donc de ce qu’il connait. Ce qui m’embête un peu, au gré des commentaires que j’ai pu lire ici et là, c’est que derrière ce portrait au vitriol d‘une justice qui porte un nom dont elle se soucie très peu, l’adjectif américain exonèrerait tous les autres systèmes judiciaires de la planète. Ce n’est pas sérieux car, à bien y réfléchir, des policiers obtus, manichéens et paresseux, des avocats incompétents expédiant en dépit du bon sens les affaires courantes pendant que les plus brillants de la profession ne traitent que les affaires juteuses, des greffiers égarant des pièces capitales, des procureurs négligeant des pièces à conviction parce qu’elles ne vont pas là où il faudrait qu’elles aillent et des juges d’instruction dont le souci premier concerne leur notoriété au rythme de leurs interventions dans les media, mon petit doigt me dit qu’il y en a partout. Sur toute la planète, y compris dans notre pays où les beaux esprits, pensant avoir tout inventé et tout compris, cachent leur médiocrité derrière « le manque de moyens » et une « indépendance » censée protégée le justiciable alors que, dans les faits, elle ne couvre que leurs erreurs, insuffisances ou partialité (souvenons-nous du « mur des cons »).
« Il m'interrompt d'un geste de la main. "C'est un arrangement incroyable. J'ai beaucoup travaillé pour vous l'obtenir."
Je l'imagine en train de manger des gâteaux à son bureau quand le téléphone sonne et qu'un procureur dit : "Je propose vingt ans."
Il enfourne le reste de gâteau, mâche, avale et répond : "Je transmettrai à mon crétin de client. »
Qui se soucie de justice dans le monde judiciaire?
C’est, à mon avis, la question essentielle que pose ce roman « coup de poing ». La réponse, j’en ai bien peur emprunte à Conan Doyle : « Alimentaire, mon cher Watson. Alimentaire.* » On ne peut s’empêcher de penser à Tom Wolfe et son Bûcher des Vanités, chef d’œuvre sur le sujet, dans lequel un des protagonistes décrit les accusés conduits chaque jour au tribunal comme de « la bouffe » uniquement destinée à alimenter le système et tous ceux qui en vivent. Reste à écrire (ou à lire, car il existe peut-être) le grand roman dénonçant le sort que réserve l’institution aux victimes ou aux familles de victimes (vous avez dit « mur des cons » ?).
Quoi qu’il en soit, voici un excellent roman qui donne à réfléchir et qui est vraiment très agréable à lire.
Pour terminer ce billet d’humeur de belle manière, il nous faudrait un bon vieux débat à la télé avec des « t’es moins et des ex pères » sur le sujet de l’erreur judiciaire. Iain a tout prévu et comme on est à Dallas, ce ne sera pas « C dans l’Air », ni « USA Today ».
« Cinq…quatre. » Melissa Kerns (la présentatrice) surveille un type derrière une caméra, et elle explose soudain de joie. « Bonjour, je suis Melissa Kerns et voici Texas Today. On dirait que le plaisir absolu de dire ces mots va lui faire mouiller sa culotte…»
Je ne sais pas résister à l’humour de Iain Levison.
*Mes excuses aux ayant-droits de Sir Conan Doyle pour ce très mauvais jeu de mots.