Quatre ouvrages pour entrer dans l'œuvre de Jean d'Ormesson, qui s’est éteint cette semaine
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L’académicien, auteur entre autres, d’Au plaisir de Dieu, La Douane de mer, Voyez comme on danse et Qu’ai-je donc fait ? vous présente son dernier livre la conversation aux éditions Héloïse d'Ormesson. [[video]] Cette interview vous a plu ?...
Quatre ouvrages pour entrer dans l'œuvre de Jean d'Ormesson, qui s’est éteint cette semaine
Une librairie éphémère, plus de 40 auteurs, une nuit inoubliable ! La Nuit blanche des Livres.
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Pour lui, l’univers est un roman et il le prouve dans une trilogie entamée avec C'est une chose étrange à la fin que le monde en 2010, et qu’il achève cette année avec Comme un chant d’espérance.
Jean d'Ormesson s'intente à lui-même un procès. C'est le prétexte qu'il a inventé pour rédiger sa biographie, et bousculer le genre : une enfance dans l'entre-deux guerres, une adolescence pendant la guerre de 39-45, une vie d'intellectuel, amateur de beau (pays, livres, architecture, ...), fréquentant l'élite française des trente glorieuse et se présentant comme un peu dilettante.
À son histoire, parsemée d'anecdotes plus ou moins savoureuses (sur lui-même et ses nombreuses relations), l'auteur ajoute quelques réflexions plus personnelles, qui viennent éclairer le personnage sous un autre jour. La principale, qui traverse tout le livre et structure la dernière partie, tourne autour de la question du sens de la vie.
On peut d'ailleurs s'interroger : ce procès que Jean d'Ormesson s'intente à lui-même n'est-il pas en réalité une préparation de celui qu'il s'attend à subir en entrant dans l'au-delà ?
Le livre se lit plus ou moins facilement. C'est à la fois une question de forme - l'écriture n'est pas toujours très fluide - et de fond - l'intérêt du contenu peut varier d'une page à l'autre. L'ensemble peut même, parfois, sembler un peu décousu. Mais on ne regrettera pas l'effort de lecture.
Au final, une lecture très intéressante, qui permet de mieux faire connaissance avec ce grand écrivain que fut Jean d'Ormesson.
Chronique illustrée : http://michelgiraud.fr/2021/01/22/je-dirai-malgre-tout-que-cette-vie-fut-belle-jean-dormesson-nrf-gallimard-singuliere-biographie/
Un dialogue savoureux entre Dieu et Simon Laquedem. Mais quel est donc ce personnage choisi par Dieu, et comment ses cahiers relatant ce dialogue sont-ils parvenus dans les mains de ces quatre amis ... l'histoire ne le dit pas, mais on retrouve sans hésitation la patte de Jean d'Ormesson, son humour, son érudition, son charisme, au fil des pages. De là à penser que Jean d'Ormesson EST Dieu, j'ai bien envie de le croire :) Je ne m'en lasse pas, il manque trop à notre période tristounette.
Une lecture caustique et érudite.
Parsemé d’autofiction, Jean d’Ormesson plein d’autodérision, livre au lecteur son témoignage d’enfant sans souci issu d’une noblesse qui connait, au même titre que nos sociétés, un sang mêlé par des mariages avec des asiatiques, des juives, des noires et même des fermiers, des voyous et des communistes ! Mais aussi des désastres financiers qui mèneront entre autre le château de son enfance à la ruine. Des terrains immenses seront vendus.
« L’argent ne nous manque pas. Il tombe du ciel. »
Cette époque où le loisir des chasses à courre («,ce sont des scènes d’une sauvagerie antique où l’élégance se couvre de sang »), le plaisir de suivre « M. Machavoine, horloger de son état, (qui) venait remonter les horloges du château. Il se glissait dans le billard, dans le petit salon, dans le grand salon, dans la bibliothèque, dans la salle à manger, dans la salle à manger des enfants, dans l’office, dans l’immense cuisine, dans la vingtaine de chambres – aucune n’avait de salle de bains – qui restaient ouvertes toute l’année. Il vérifiait si les pendules, si les horloges, si les cartels donnaient bien l’heure exacte, et il les remontait. », la jouissance exclusive de parcs arborés et richement fleuris, toute cette époque sera chamboulée et Jean d’Ormesson le raconte avec une écriture talentueuse relatant l’oscillation de nos sociétés depuis que le monde est monde.
Il nous fait partager ses rêves, ses voyages et tout particulièrement ses séjours en Italie et en Grèce, ses amours, ses lectures, sa passion pour de nombreux auteurs qu’il a à cœur de nous faire connaitre, sa vie d’écrivain.
Il nous livre une série de réflexions philosophiques aisées et très intéressantes sur la beauté, la joie, la vérité, l’origine de notre monde et de l’univers qu’il résume d’une plume éclairée et limpide. Le développement de son regard sur le temps qui le fascine est captivant.
« J’ai tenté de donner une idée de ce monde où j’ai vécu, de ses rêves, de ses croyances et de ses manières d’être. Toute ma vie, je n’ai rien entrepris d’autre que de laisser un témoignage, évidemment insuffisant, sur notre histoire entre Karl Marx et la fin du communisme, entre Darwin et Jean-Paul II, entre les débuts de l’électricité et le réveil du monde arabe. (…) Je me garde bien de donner des leçons de morale. J’ai trop profité des privilèges aujourd’hui en question pour oser me plaindre de quoi que ce soit. Je remercie le ciel. Je prends notre temps comme il est. »
Bon… S’il est visionnaire sur beaucoup de choses, concernant le communisme, on est quand même loin de sa fin vu le pouvoir tentaculaire de la Chine…
Jean d’Ormesson cache sa mélancolie derrière un ton joyeux et l’écran d’un sourire constant mais pourtant il n’évite pas un terrain de pessimisme :
« Les hommes ont apparu il y a quelques centaines de milliers d’années. Ils disparaîtront. (…) Comment finirons-nous ? Lentement, progressivement ? Ecrasés par les robots que nous aurons inventés ? Ou changés nous-mêmes en robots couverts de puces implantées sous notre peau ? Ou tout à coup une soudaine catastrophe ? Due peut-être à la nature ou peut-être à nous-mêmes ? Personne ne peut le savoir. Mais nous finirons. Il y a eu un monde sans les hommes. Il y aura un monde sans les hommes. »
Jean d’Ormesson terminera son livre par sa conviction absolue de l’existence de Dieu pour lequel son opinion est tranchée de phrases définitives.
Une belle écriture pour un livre captivant, fourmillant de sujets à réflexion et littérairement enrichissant.
Vous reprendrez bien un petit Jean D’Ormesson ? Un format court de cent-vingt pages, en caractères assez gros. Une heure de lecture agréable, à écouter l’académicien vous faire la conversation de son ton léger et primesautier sur… rien !
Entendons-nous bien, il ne s’agit pas de parler de tout et de rien, comme vous et moi réussissons généralement à le faire assez bien. Il s’agit de : «L’idée, chère à Flaubert, d’un roman sur rien (qui) m’a longtemps travaillé en silence… Pour préparer deux de mes livres récents, je me suis intéressé en néophyte à un domaine qui m’était étranger et qui fait depuis cent ans des progrès fascinants : la physique mathématique et la cosmologie. »
Dieu, l’univers, le néant, le temps, la pensée, Darwin, le hasard, le soleil et la lumière défilent dans une conversation fluide, agréable, accessible, souvent convaincante même si, au bout du compte, votre perplexité resurgit au détour d’une phrase :
« Dieu est le néant d’où surgit notre tout. Il n’existe pas au sens où existent les choses et les êtres plongés dans l’espace et le temps. Il est de toute éternité puisqu’il est à la fois le rien et le tout, l’être et le néant. »
Vous refermez ce petit livre élégant, toujours aussi peu avancé sur ce problème diabolique qui vous taraude un peu depuis que vous avez compris qu’il y a une fin au grand film de votre petite vie. Pour tenter d’apaiser le vertige causé par ces angoissantes questions, vous vous retranchez derrière la dernière opinion que vous aviez adoptée sur le sujet. En ce qui me concerne, je doute fortement qu’un quelconque dieu puisse, une fois que j’aurai cessé de vivre, s’intéresser à un être aussi insignifiant, que ce soit pour lui demander des comptes ou l’affecter à un nouveau rôle. Si Dieu existe, je reste persuadé qu’il n’aura que faire de moi, ce qui m’inciterait plutôt à ne pas plus me soucier de lui que ce que j’imagine qu’il se soucie de moi.
Je repose le livre, une dernière pensée à l’auteur, pas plus immortel que ne l’étaient les membres de la garde prétorienne de Xerxès affublés pourtant du même qualificatif que nos académiciens, et je me fais la réflexion passe-partout de sortie de cimetière : « il a bien vécu ». Notez qu’il le dit bien mieux que moi : « J’ai aimé la vie qui est beaucoup moins que rien, mais qui est tout pour nous. Je chanterai maintenant la beauté de ce monde qui est notre tout fragile, passager, fluctuant et qui est notre seul trésor pour nous autres, pauvres hommes, aveuglés par l’orgueil, condamnés à l’éphémère, emportés dans le temps et dans ce présent éternel qui finira bien, un jour ou l’autre, par s’écrouler à jamais dans le néant de Dieu et dans sa gloire cachée. »
Quant à moi, merci c’était pas mal, je ne regrette pas d’être passé sur terre, je serais bien resté un peu plus, et voilà tout…
Pas tout à fait, finalement, car une autre idée vient de surgir, une image plutôt : de quelque part, je ne sais pas d’où, de nulle part ou d’ailleurs, l’écrivain au regard bleu, ou son avatar, m’observe en train de refermer son livre… et je distingue parfaitement son sourire ironique, celui de celui qui sait et ne dira rien…
Pfff… ou bien alors, ce sourire ne dissimule qu’un bluff et il n’en sait toujours pas plus que moi !
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