Un cinquième roman où la mélancolie s'ajoute à l'humour ravageur de l'auteur
Quarante ans après la mort de son oncle Désiré, Anthony Passeron décide d'interroger le passé familial. Évoquant l'ascension de ses grands-parents devenus bouchers pendant les Trente Glorieuses, puis le fossé grandissant apparu entre eux et la génération de leurs enfants, il croise deux histoires : celle de l'apparition du sida dans une famille de l'arrière-pays niçois - la sienne - et celle de la lutte contre la maladie dans les hôpitaux français et américains.
Dans la lignée d'Annie Ernaux ou de Didier Éribon, Anthony Passeron mêle enquête sociologique et histoire intime. Dans ce roman de filiation, il évoque la solitude des familles à une époque où la méconnaissance du virus était totale, le déni écrasant, et le malade considéré comme un paria.
ivre bouleversant dans lequel Anthony Passeron'alterne des pages autobiographiques et des pages documentaires relatant l'apparition du sida et l'évolution des traitements.
En écrivant ce récit familial, l'auteur affirme poursuivre clairement un but:, faire que subsistent des traces de l'histoire de son oncle et de sa famille. le lecteur est sensible à cette volonté de transmission.
Les grands-parents Émile et Louiseont connu une réussite sociale. de maquignons en bouchers,ils sont devenus des possedants dans un village de fond de vallée proche de Nice.
Désiré, l'aîné de la famille aurait dû reprendre la s
boucherie mais déjà la ville le tente , il veut avoir une vie différente de celle de ses parents . Interne au lycée impérial de Nice, il devient bachelier . Très vite, le préféré d'Emile fait la fête sur la côte .Puis il plaque tout et file à Amsterdam
d'où le ramènera son frère, le père du narrateur.
Les cas de déficit immunitaire augmentent dans le monde dans les années 1980.On ne nomme pas encore le Sida.
Désiré est accroc à l'héroïne, sa mère l'inscrit à une cure de désintoxication, c'est une trêve. Il épouse Brigitte et le couple devient parent d'une petite Émili
Anthony Passeron a grandi dans une famille de l’arrière pays niçois, où les confidences se font à demi-mot. Ses grands-parents, bouchers dans un petit village, étaient les piliers de la famille avant qu’un fossé ne se crée entre eux et les nouvelles générations, comme séparés par un secret honteux. Le jeune homme enquête et découvre une boite à chaussures renfermant des photos de famille où apparait l’ombre de son oncle, Désiré, mort du sida au début des années 80. Quarante ans plus tard, il revient sur ce drame familial pour, écrit-il, faire que quelque chose subsiste de leur histoire et pour rendre honneur à sa famille trop longtemps tue par la honte. Il ajoute à cet émouvant récit de vie des chapitres consacrés à une étude sociologique sur le sida, témoignant de la lutte contre la maladie en France et aux Etats-Unis.
Si l’alternance de chapitres entre ceux consacrés à l’histoire de la famille et ceux relatant l’évolution de la maladie et les recherches qui lui sont consacrées, m’a surpris dans un premier temps, je trouve finalement ce choix pertinent et judicieux. En parallèle se déroule donc le récit de vie des habitants d’un petit village français touché par la maladie (les enfants endormis sont ces jeunes gens que l’on trouve inertes sur les bancs publics après s’être injecté la drogue achetée à Nice), et l’historique de l’épidémie, du point de vue médical. Il apparait clairement que seuls quelques médecins se sont mobilisés dans l’indifférence générale lors de l’apparition des premiers cas en France, les familles et les malades livrés à eux même ont connu une extrême solitude, un questionnement complet face à cette maladie pour laquelle à l’époque il n’y avait aucun espoir. Le déni de la grand-mère Louise est profond, à l’image de celui des autorités sanitaires des pays concernés, le malade du sida est un paria, interdit d’hopital sous Tatcher, et c’est à peine si les soins lui sont prodigués en France. D’un style factuel, d’un ton distant, Anthony Passeron énumère les humiliations, les solitudes, les tentatives de croire à une avancée pour les médecins qui se sont avec dévouement et obstination penchés sur l’épidémie. Ce style froid, parfaitement retranscrit à la lecture audio de Loïc Corbery, parvient avec force à toucher le lecteur, d’une façon si profonde, que personne ne peut rester de marbre face au récit des dommages collatéraux de cette guerre. Le couple que formait Désiré avec son épouse Brigitte, tous deux décédés du sida, a eu une petite fille, la petite cousine dont Anthony raconte le parcours avec émotion. Il n’y a aucun pathos dans cette histoire, aucune volonté de larmoyer, juste des faits d’une cruauté sans nom. C’est un vibrant hommage que rend là l’auteur à sa famille décimée par la maladie et c’est également un rappel des faits d’une guerre sans merci contre un des pires fléaux du 20ème siècle.
Excellente idee d'avoir fait alterner la recherche medicale et l,,'histoire emouvante de cette famille aneantie par la drogue et le sida.
Un livre percutant et emouvant dont on ne sort pas indemne.
Une tres belle lecture
Un très bon livre synthétique et efficace qui présente en parallèle le chemin de croix des chercheurs dès l'entame de la prise de conscience de l'épidémie de ce qu'on appellera bientôt le SIDA, et le chemin de croix mené par une famille qui s'est construite à la force du poignée une "bonne réputation" et qui va se retrouver aux prises avec un fils toxico.
L'auteur incarne le regard du petit fils sur cette grand-mère dépassée par son fils qui ne suit pas cette ligne droite qui lui a été offerte. L'auteur regarde cette famille qui est entrainée, bien malgré elle, sur ce chemin tortueux.
C'est bien construit, l'écriture est agréable. Je me suis fait cueillir sur la fin avec des larmes inévitables.
Un bel hommage aux oubliés du sida, et l'occasion pour l'auteur de faire revivre, dans un récit personnel et sobre sur sa famille, ces personnes réduites au silence dans la France profonde, fracassées par la drogue, la honte et le VIH. C'est l'occasion aussi de nous expliquer avec recul de façon très documentée et très claire l'histoire de la découverte du virus, en alternant un chapitre sur la famille, un chapitre sur l'histoire de la recherche scientifique et les aléas de cette découverte. Ce livre nous replonge dans la période mouvementée des années 80, imprégnée par le déni, les discriminations, la peur du sida, et terriblement dévastatrice pour toute une génération.
Pour Anthony Passeron, les enfants endormis sont ces jeunes des années 80s qu’on retrouvait, semblant dormir du sommeil du juste, dans les rues (du sud de la France ici), à ceci près qu’ils avaient une seringue plantée dans le bras.
Son oncle Désiré a fait partie de ces jeunes gens, il est présenté ici comme le produit d’une époque mais aussi d’une histoire familiale faite d’ascension sociale mais aussi d’un puissant déni que l’auteur s’attache à démonter.
Le livre obéit à un rythme régulier : un chapitre pour Désiré et l’histoire familiale reconstituée, un chapitre pour l’histoire du SIDA, depuis la découverte du virus jusqu’à la recherche d’un remède, en passant par les coups d’arrêt mis à son étude de ce côté-ci ou de ce côté-là de l’Atlantique.
Il a fallu que je m’accroche pour finir, j’ai peu adhéré à l’alternance mi-récit chronologique, mi-enquête sociologique qui constitue la trame de l’ouvrage.
Mais l’histoire des familles de malades m’a touchée : Anthony Passeron trouve les mots pour montrer, comme ce fut le cas pour celle de Désiré, combien elles pouvaient se trouver seules avec leur enfant que l’hôpital ne savait pas encore soigner, refusant parfois de le faire par peur et méconnaissance de la maladie.
Livre lu dans le cadre des 68 premières fois que je remercie pour cette belle aventure et ces premiers livres enthousiasmants (ou pas...).
Une histoire de famille meurtrie dans la Grande Histoire des pandémies….
C’était il n’y a pas si longtemps, au début des années 80 -ce livre est une véritable machine à remonter le temps-, qui nous rappelle cette vague tueuse, non, pas une vague mais un virus, un rétrovirus, le SIDA et nous éclaire comme jamais;
forcément qui disait sida pensait au «cancer des homosexuels», aux drogués piquousés puis aux victimes du sang contaminé, transfusés et nouveau-nés qui en ont hérité….
j’avais 11 ans en 81… Transfusée 1 ou 2 fois, amoureuse plus souvent, j’ai donc grandi avec cette épée d’Hamoclès sur la tête, la peur au ventre et des préservatifs dans le sac-à-dos. Comme bien d’autres. Qui s’en souvient?
Merciiiii à @anthonypasseron d’avoir fait de cette quête, de ce travail véritablement journalistique, minutieux et fiable sans aucun doute mais sans prétention, rapportés par ordre chronologique dans ce 1er roman, à la portée de tous, souvent révélateur et toujours très intéressant.
Et merci aussi pour le partage de vos souvenirs, les vies de votre famille de travailleurs acharnés, sur plusieurs générations, pour le bien de leurs enfants, l’importance de l’héritage, de la continuité, dans l’arrière-pays niçois. En vain…?
Meurtris par ces fléaux, l’héroïne, le sida, les lourdes conséquences, ces chapitres non moins poignants qui font passer ces dernières années de Covid 19 pour une grippe simplette.
Et à la fin de cette lecture, si vraie, si émotionnante, je réalise que nous avons la mémoire courte, qu’en est-il des 35 millions de morts du sida à travers le monde ? même s’il ne s’agit pas de minimiser l’horreur vécue et les dizaines de milliers de victimes du Covid-19 rien qu’en France…
Je ne sais pas si c’était le moteur, le moment et/ou le but de l’auteur -relativiser ce qui nous dépasse depuis 2019- c’est ainsi que je l’ai lu, vécu.
Alors merci pour ce grand moment de littérature !
Je vous le recommande, à tous!
Un autre s’il vous plaît Anthony Passeron
Prix Wepler et Prix Première Plume 2022.
C’est un livre pour taire le silence reçu en héritage. Pour ouvrir une brèche dans le chagrin et la colère. Pour trouver un sens au chaos du monde. L’auteur l’annonce dès le prologue : “j’ai voulu raconter ce que notre famille, comme tant d’autres, a traversé dans une solitude absolue.”
Au premier chapitre, nous sommes en 1981 dans le bureau d’un infectiologue parisien. Il a entre les mains un bulletin épidémiologique qui mentionne des pneumopathies extrêmement rares détectées parmi des hommes, jeunes, en pleine santé, et homosexuels, en France et aux États-Unis.
Le deuxième chapitre nous emmène dans l’arrière-pays niçois, à la même époque, où l’héroïne se répand tel un poison dans les villages les plus reculés. “Sans doute que ça a commencé comme ça. Dans une commune qui décline lentement, au début des années 1980. Des gosses qu’on retrouve évanouis en pleine journée dans
la rue.”
Ainsi vont s’alterner les chapitres, méthodiquement : les balbutiements de la recherche sur le sida d’un côté, l’intimité d’une famille saccagée par la maladie de l’autre.
Cette saleté de virus n’épargne personne. Le premier qui tombe, c’est l’oncle de l’auteur. L’aîné, le préféré, la fierté de la famille, héroïnomane et séropositif. Ensuite sa femme, compagne de trop nombreuses seringues, malade elle aussi. Et enfin, leur fille, la petite Émilie et son sang maudit, son enfance agonisante, sa défaite annoncée. Pour les autres, les grands-parents, les fils, les cousins, ne restent que le vide, la détresse, la sidération, devant “une taille de cercueil qui ne devrait pas exister.”
L’écriture est précise, minutieuse, datée, presque chirurgicale, avec un parfait dosage entre termes techniques et émotion pure. Ça ne pourrait pas être plus réel. Anthony Passeron désenfouit tout : le déni des familles qui n’assument pas, les stéréotypes figés pendant des années, l’isolement extrême des malades, le mépris de certains médecins qui refusent “les pédés et les drogués”, la combativité des chercheurs de l’Institut Pasteur, la détresse des proches.
Avec ce livre, on ne peut que regarder l’histoire droit dans les yeux et pleurer son horreur.
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