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Notre imaginaire de la ville occidentale doit beaucoup à la présence des cathédrales qui l'ont, pendant des siècles, dominée de leur masse, lui ont donné sens et signification. Presque toutes pourtant ont aujourd'hui perdu l'essentiel de leurs entours, et le romantisme, s'il a eu le mérite d'attirer notre attention sur elles, nous en a légué une vision partielle quand elle n'est pas fausse.Seule l'enquête approfondie d'un historien _ portant son regard sur la France, mais aussi sur l'Angleterre, l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne, voire la Bohème; élargissant les préoccupations de l'histoire de l'art; prenant en compte les conclusions de fouilles récentes, réexaminant les états successifs de l'aménagement urbain; proposant une nouvelle lecture des documents écrits (chroniques, chartes, comptes, etc.) _ permet de saisir les métamorphoses d'un type d'édifice qui a plus changé qu'aucun autre entre l'Antiquité tardive et la Renaissance.L'église de l'évêque s'est d'abord insérée dans la cité antique bientôt vidée de ses hommes, se contentant de dimensions et d'installations modestes (hormis le baptistère). Touchée ensuite par les réformes tant liturgiques qu'administratives des Carolingiens, elle connaît dès les Xe-XIe siècles et surtout le XIIIe des bouleversements considérables. La ville médiévale acquiert un poids politique et économique, se repeuple, peu après éclate et sort de l'enceinte gallo-romaine; elle contraint l'évêque et son chapitre, parfois les pouvoirs civils, à voir toujours plus grand, à imaginer des financements toujours plus compliqués, à trouver toujours plus de pierre, à revoir l'implantation, à modifier l'accès et la circulation des fidèles, à réformer l'organisation interne, à multiplier les bâtiments annexes. Elle constitue à la fin du Moyen Age une ville dans la ville, une " cité sainte " entièrement tournée vers Dieu; à son tour, elle influe sur l'urbanisme. Requérant l'exploit technique, une telle révolution s'amplifie grâce à lui: c'est la course au gigantisme.L'histoire de la cathédrale est donc celle d'une constante et subtile dialectique entre les grands tournants de l'histoire ecclésiastique _ spirituelle aussi _ et les étapes de la croissance urbaine. Sans omettre, bien entendu, la volonté de puissance des hommes et le génie de certains architectes.Chartiste, Alain Erlande-Brandenburg, directeur d'études à l'Ecole pratique des hautes études (IVe section), est conservateur en chef du musée de Cluny. Inspecteur général des musées, il a également été adjoint au directeur des musées de France. Il a publié en 1984 L'art gothique (éd. Mazenod) et en 1987 La conquête de l'Europe 1260-1380 (coll. " L'Univers des Formes "), etc.
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