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Kuessipen

Couverture du livre « Kuessipen » de Naomi Fontaine aux éditions Publie.net
Résumé:

Kuessipen, en innu : À mon tour...
On est tout au bout de l'estuaire du grand fleuve, large comme une mer, que personne là-bas n'appelle Saint-Laurent. À 1250 kilomètres à l'est de Québec, par la route 138. Au Québec, on ne sait toujours pas trop les nommer, on utilise des formules : les... Voir plus

Kuessipen, en innu : À mon tour...
On est tout au bout de l'estuaire du grand fleuve, large comme une mer, que personne là-bas n'appelle Saint-Laurent. À 1250 kilomètres à l'est de Québec, par la route 138. Au Québec, on ne sait toujours pas trop les nommer, on utilise des formules : les premiers habitants, voilà celle qui est le plus en vigueur, censée faire moins mal que le mot autochtones.  Reste la réalité : de ce pays immense, parcouru pendant des siècles par ces populations nomades, vivant des ressources naturelles, ils ont été expropriés, leur espace fractionné et confiné. L'espace est toujours ouvert, mais plus question qu'il vous appartienne. C'est le pays des grands barrages, de la grande fabrique d'aluminium.
Les Innus ont leur langue (et même une version écrite, créée par les Jésuites, mais qui simultanément leur ont enlevé leurs noms, pour les remplacer par des patronymes européanisés), et ils sont quelques milliers, répartis en quatre réserves. Quand j'ai entendu pour la première fois le mot réserve prononcé par Naomi Fontaine, je croyais qu'elle me parlait de quelque chose de très ancien - non, elle, dont la mère est institutrice à Uashat, et qui se prépare elle-même à ce métier, m'a répondu brutalement : "Jusqu'à sept ans, les grillages, vivre dans des grillages." Et pourtant, dans ces textes qui composent Kuessipen, découvrir comment ils les enjambent, les grillages, eux qui n'ont jamais su faire de détour, pour gagner la forêt.
Il n'y a pas de folklore, ici. Je déteste le mot francophonie et ce qu'il recouvre d'un vague protectionnisme. J'ai vu ça de mes yeux, l'an passé, financé par le consulat français, lectures avec plumes. Il y a la réalité monde, et la terre en partage. Il se trouve, comme partout, que la violence, l'exploitation, la relation homme-femme, c'est affaire de la langue qui nomme. Ce qui frappe dans Kuessipen, c'est cet alliage de beauté et de violence. Beauté des êtres, violence qui leur est faite.
La réserve est dite par une jeune femme de vingt-cinq ans, qui a fait le choix de partir étudier à la capitale blanche. Texte magnifique sur la route elle-même, et la station-service des Escoumins, où votre carte de la réserve vous permet d'acheter l'essence avec une détaxe.
Ce sont les morts, et l'enterrement, comme ce sont les fêtes, et ce qui reste d'un rapport immuable à la nature, dans les pêches du saumon au printemps.
Il y a cet art du portrait dans la langue de Naomi Fontaine, les grands-parents, les cousins. Mais la cousine qui dans l'enfance était comme une soeur, et comment aujourd'hui elle vit.
J'en appelle à cette totalité-monde, formalisée dans sa complexité, et sa radicalité de langue, par nos frères des Antilles, pour appeler aujourd'hui à la lecture d'un texte à la fois poésie et revendication, un texte qui exclut tout regard protecteur ou condescendant. Et ce n'est pas une affaire entre le Québec et ceux avec qui ils paratagent aujourd'hui leur terre ouverte. C'est affaire de nous tous - histoire de toute façon qui est la nôtre, comme elle a aussi nourri nos rêves.
Décidace spéciale à Marcorel - et remerciements personnels à Naomi pour le parcours commun.Rendre visite à son blog Innushkuess. Voir aussi trace de première lecture publique d'extraits de Kuessipen (et vidéo Youtube).

FB

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