Nicolas Bouyssi est né en banlieue parisienne, il en est parti vers quatorze ans, puis il a eu envie, de manière fantasmatique, d'y retourner. L'action du livre se passe donc dans les Yvelines, essentiellement à Trappes où le personnage principal décide de revenir après trente ans passés à dix kilomètres de là, ne serait-ce que pour en arriver à ce constat : le mythe du retour aux origines, la nostalgie du pays, etc., est peu probable pour un habitant de la banlieue parisienne. Ou on y reste (reproduction) ou on en part (émancipation), mais on n'y revient pas.
Dans ce contexte et dans ce moment de l'histoire récente (août 2015), plusieurs personnes, animées d'intentions différentes, voire antagonistes, se sont donné rendez-vous pour un soir tandis qu'une cinquième tire les ficelles dans l'ombre.
Marsha Faine, que l'actualité et des souvenirs paralysent et terrifient, accepte de revoir Lestradt, perdu de vue depuis son départ, non par intérêt sentimental ou pour lui rendre service, mais pour qu'il l'accompagne voir chez lui l'homme d'affaires local, Marc Van Meer, non loin d'une base de loisirs dont il est le promoteur. Elle s'appelle l'Île Paradis, elle est gratuite et il s'apprête à l'inaugurer pour redorer son blason médiatique terni par son implication présumée dans un massacre qui a eu lieu dans une piscine municipale. De leur côté, Marc Van Meer et Marsha Faine ont rendez-vous pour retrouver Anne Laurent, ancienne camarade de classe et ancienne activiste, qui voue depuis son adolescence une haine tenace aux projets immobiliers de Van Meer, et a participé aux émeutes de 2013 dans le quartier des Merisiers avant de disparaître mystérieusement.
Or, s'il y a bien une Anne Laurent dans le livre, ce n'est pas la bonne, et tout va progressivement se détraquer. Peu attentifs à la réalité, les quatre personnages principaux vont multiplier les projets, les hypothèses, jusqu'à finir par agir, ou plutôt s'agiter en se fiant un peu trop à des rumeurs mêlant à la fois leurs souvenirs d'adolescence et leurs appréhensions liées au terrorisme. Mais, dans la réalité, que se passe-t-il ? Le lecteur est invité à observer les détails (un pigeon, un chaton, un scooter...), car, dans l'ombre, par le biais de réseaux sociaux dont il maîtrise et détourne les codes, tire les ficelles et attend lentement, mais sûrement, son heure.
Nicolas Bouyssi sait créer une atmosphère pesante, angoissante, par la simple description de lieux et de situations hors-normes.
La banlieue et son urbanisme incohérent, ses affairistes, ses paumés ses trafics, ses disparitions mystérieuses et ses affaires immobilières s'y prête merveilleusement.
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