« On a voulu, tout récemment encore, faire remonter l'origine du Havre à une époque antérieure même à Charles VII; c'est une erreur, involontaire sans doute, mais enfin c'est une erreur. Au XIIIe siècle, le territoire sur lequel le Havre est assis, n'était qu'une lagune, baignée à chaque marée par les eaux de la mer, lagune diaprée de bancs de sable sans fixité et de criques formant de ce terrain d'alluvion une vaste guipure. Les preuves de cet état de choses se voient sur un vieux plan que contiennent les cartons de la Bibliothèque impériale.
Les deux tours signalées par l'honorable écrivain auquel nous faisons allusion, et que Charles VII reprit sur les Anglais en 1450, étaient, non pas les tours du Havre-de-Grâce, mais les tours, dont on voit encore aujourd'hui les ruines, du Havre-de-Leure, qu'on désignait alors sous ce nom seul : Le Havre. Les ports d'Harfleur et de Leure se comblèrent successivement, tandis que le territoire du Havre-de-Grâce s'était affermi, exhaussé.
La mer avait cessé d'immerger les îlots de sable, chargés de détritus végétaux ; l'herbe y croissait et lngouville y envoyait paître ses troupeaux ; une crique profonde s'était creusée à l'entrée du port actuel, et ce fut ce qui détermina le choix de cette position pour un établissement maritime.
La date de la fondation du Havre est authentique, incontestable ; elle résulte d'une Charte de François Ier et des actes postérieurs qui en dérivèrent. La Charte indique clairement le but de la fondation : "Créer, dans les marais existant à l'embouchure de la Seine, une place forte qui tînt en respect les Anglais toujours prêts à étendre leurs excursions sur le territoire françois, et doter en même temps le pays d'un port de mer propre et convenable pour recueillir, loger et maréer tant les grands navires du royaume que autres de ses alliés."
"On a prétendu, écrivait tout récemment M. le baron J.-J. Baude, sous prétexte de pêches faites dès le XIVe siècle dans les eaux du port actuel, contester à François Ier la gloire de la fondation du Havre. Personne ne s'est-il jamais enquis si les arsenaux et les palais par lesquels Pierre-le-Grand commença Pétersbourg, n'auraient pas été devancés, sur les bords de la Néva, par quelques huttes sauvages. Il n'importe pas davantage d'éclaircir si, avant 1516, de pauvres pêcheurs traînaient ou non une existence ignorée sur la lisière des lagunes que le travail de trois siècles a ensevelies sous les dogs florissants du Havre. Une ville maritime n'a de fondateur que celui qui, mettant à découvert les germes latents d'une grandeur à venir, les féconde par la puissance de ses conceptions et par le concours des populations qu'il attire. C'est ce que fit ici François Ier, et s'il était possible, en présence des actes de son règne et des termes précis des édits de huit de ses successeurs, de nommer un autre fondateur, il faudrait dire quel établissement pouvait subsister sur une plage qui n'avait pas une goutte d'eau douce pour abreuver ses habitants. »
Comment le Havre de 1516 arriva-t-il au degré de prospérité où nous le voyons parvenu, et progressant toujours en 1860 ? La solution de cette question est du domaine de l'histoire ; nous dirons seulement ici que longue fut la série des fortunes diverses de la ville nouvelle, et qu'elle n'a pas franchi d'un seul bond l'espace de temps qui l'a faite ce qu'elle est aujourd'hui. »
Guide du touriste au Havre et dans ses environs : Fécamp, Bolbec, Lillebonne, Tancarville, Manéglise, Orcher... / par J. Morlent ; illustré de photographies par Kaiser
Date de l'édition originale : 1860
Sujet de l'ouvrage : Le Havre (France)
Appartient à l'ensemble documentaire : HNormand1
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