2018 commence abruptement avec la mort des éditeurs Bernard de Fallois et Paul Otchakovsky-Laurens et celle du grand écrivain israélien Aharon Appelfeld.
2018 commence abruptement avec la mort des éditeurs Bernard de Fallois et Paul Otchakovsky-Laurens et celle du grand écrivain israélien Aharon Appelfeld.
Chaque année révèle ses surprises et bien heureusement les pépites foisonnent !Un bon cru que celle-ci où les auteurs confirmés nous ont surpris, d'autres ont acquis leur notoriété en recevant de nombreux prix, certains sont carrément époustouflants par leur talent ou leur œuvre colossale. Prenez le temps de les lire, vous ne serez pas déçus !
Le procès des attentats de Paris du 13 novembre 2015, le procès surnommé « V13 » dans le jargon judiciaire, est sans conteste le procès de ce début de siècle. Un procès d’une ampleur unique au monde : 9 mois d’audience, un dossier de plus de 53 mètres de haut, des centaines de parties civiles, des dizaines d’avocats de part et d’autre, un quartier entier sous haute sécurité pendant presque un an et dans le box, une poignée de seconds couteaux et quelques terroristes en puissance, au nombre desquels le tristement célèbre Salah Abdeslam. L’écrivain Emmanuel Carrère a suivi pour l’Obs l’intégralité des débats et « V13 » est le recueil des chroniques qu’il a livrées à l’hebdomadaire tout au long de cet interminable procès. Nous sommes donc en présence d’un homme qui observe ce procès sans en être parti prenante, il n’est victime, ni quoi que ce soit, a moins, et cela peut se discuter, que la France entière ait été victime des attentats du 13 novembre. Toute la première partie du procès (et du livre) est consacrée aux témoignages des victimes, des blessés, des traumatisés, des endeuillés. Toute cette première partie est plus que bouleversante, certains passages sont à la limite du supportable. Emmanuel Carrère s’attache à quelques portraits, raconte des morceaux de vies brisées, des lambeaux d’existence, des bribes de survie, tout cela est très éprouvant à lire, même en s’y étant préparé. Mais dans tous ces témoignages ou presque, tant de courage, de résilience, de dignité que cela en donne les larmes aux yeux, littéralement. Puis on change de regard pour décortiquer la vie des accusés dans une deuxième partie. Il y a de tout dans le box, des petites mains qui se retrouvent ici pour avoir rendu des services à des vieux potes, des paumés endoctrinés, des islamistes complices. Les assassins ne sont pas là, ils ne seront jamais jugés (en France, on ne juge pas les morts) et il faut résister à l’envie irrationnelle de faire payer les vivants pour les morts. Dans les portraits de Carrère, de la nuance, une vraie hauteur de vue sur « qui est réellement quoi», « qui a fait réellement quoi » et surtout : « qui savait quoi exactement ». C’est une dissection des parcours à laquelle on doit s’astreindre quand on veut réellement rendre la justice, tout examiner, tout remettre en perspective. C’est assez bien écrit pour qu’on comprenne tous les enjeux, et là encore sans raccourcis, sans haine, sans manichéisme ni généralisation. Puis vient l’examen des faits, de ce funeste vendredi soir. Là, les seconds couteaux s’empêtrent parfois dans leurs contradictions et malgré les efforts de la cour, on ne comprend pas toujours tout de l’attitude d’untel ou untel. Mais ainsi va la Justice, parfois des zones d’ombres restent, malgré tous les efforts. Tout se termine par les réquisitoires, les plaidoiries et le verdict. Au final, on retient que la Justice sortira grandie et digne de « V13 », que c’est elle qui aura eu le dernier mot comme elle doit l’avoir dans un État de Droit. Les accusés auront pu s’expliquer, se défendre, être défendus par des avocats (très) courageux et talentueux. Lire « V13 » c’est aussi comprendre ce qu’est un procès de l’intérieur, pas un procès de cinéma ou de série mais un vrai procès. La nuance, la subtilité, l’immense impression d’humanité, la volonté farouche de la Justice à dire le droit, rien que le droit, tout cela plane sur le livre. C’est bouleversant, c’est édifiant, c’est parfois déconcertant mais ce n’est jamais haineux, revanchard, manichéen ou simpliste. Tout le talent et l’humanisme d’Emmanuel Carrère (décidément un auteur que j’apprécie vraiment) est mis au service de ce récit qu’on pourrait presque qualifier de « salubrité publique ». C’est un livre à la portée de tous (nul besoin d’être expert en droit), à lire d’urgence.
V13 chronique judiciaire d’Emmanuel Carrère
V13, c’est l’ensemble des chroniques judiciaires écrites par Emmanuel Carrère pour l’Obs durant le procès des attentats du 13 novembre.
J’adore les chroniques judiciaires et tout ce qui se rapporte au monde judiciaire. Ici c’est un procès d’une ampleur bien vaste du point de vue humain, des émotions, des victimes, des accusés et de tous les métiers du monde judiciaire que l’auteur réussit à retracer, organiser dans une œuvre en trois parties : Les victimes, les accusés et la cour.
C’est une lecture difficile humainement car on sait tous où on était le 13 novembre, on a tous beaucoup d’images en tête
Et si ce sont des chroniques il y a beaucoup d’humanité dans la manière dont il donne la parole aux victimes, dévoile son admiration parfois pour les avocats ou pour les juges. Il nous fait aussi vivre au sein de ce microcosme qui réunit beaucoup de monde durant une année autour des événements, le rythme du procès, les habitudes qui se prennent.
Le livre a une dimension incroyable qui évoque les différents aspects du procès, reconstitue les faits, donne une voix aux victimes.
C’est terrifiant et passionnant. Il réussit même à donner un rythme à tout cela, à le varier en fonction des temps du procès, des témoignages.
C’est un travail par lequel on ne peut qu’être impressionné.
Quelle réussite que ce livre! Il fait sans conteste partie de mes dix livres préférés, et c’est pour moi, de loin, le meilleur d’Emmanuel Carrère.
Il a été publié en 2009 après « Un Roman Russe », qui traitait des affres de la vie conjugale d’Emmanuel Carrère avec luxe de détails, dont certains que j’avais trouvés gênants et à la limite du glauque, et qui flirtait dangereusement avec le déballage malgré le talent incontesté d’Emmanuel Carrère. Le titre « D’autres vies que la mienne » indique qu’une page est tournée, et c’est tant mieux, même si la vie de l’auteur n’est jamais très loin de celles qu’il évoque.
Noël 2004, Emmanuel Caractère se trouve au Sri Lanka avec sa compagne Hélène, au bord de la rupture. La vague qui emporte une petite Juliette sera aussi celle qui soudera le couple. Juliette est la fille de Delphine et Jérôme, la petite-fille de Philippe, à l’origine de ce livre. De retour à Paris, Hélène apprend la rechute d’une autre Juliette, sa sœur, à nouveau atteinte d’un cancer. Elle est mariée à Patrice, mère d’Amélie, Clara et Diane. Elle est aussi juge spécialisée dans le surendettement. Emmanuel Carrère dépeint avec une finesse et une retenue remarquable la fin de sa vie, le deuil, l’après, mais aussi l’amitié de Juliette avec Etienne, lui aussi juge, rescapé d’un cancer et boiteux, avec qui elle partage l’espoir d’une vie plus juste pour ceux qui sont étranglés par les dettes.
Il y a très peu de livres qui évoquent le surendettement, et Emmanuel Carrère le fait très bien. C’est un sujet que je connais bien, car j’avais effectué dans le cadre de mes études un stage au service surendettement de la Banque de France, et ce fut même le thème de mon mémoire de mastère. Cet aspect du récit m’a donc particulièrement parlé. Mais « D’autres vie que la mienne” est surtout un livre aux phrases simples, justes, émouvantes, sincères, celles d’un homme apaisé, qui se détourne de son nombril pour s’ouvrir avec écoute et empathie à l’histoire des autres, à leur douleur, à leur cheminement et à leur résilience.
Il est écrit sur la quatrième de couverture de l’édition P.OL. :
“Il est question dans ce livre de vie et de mort, de maladie, d’extrême pauvreté, de justice et surtout d’amour. Tout y est vrai.”
Tout est dit.
Cela faisait un certain temps que j’avais Yoga dans ma PAL mais les thèmes mis en avant – yoga, forcément, et maladie mentale – ne me donnaient pas vraiment envie de le lire. C’est la lecture de V13 qui m’a décidée à ouvrir le livre… et j’ai bien fait !
Il faut dire que j’aime beaucoup Emmanuel Carrère (ah, D’autres vies que la mienne!), et qu’il peut me parler d’un peu tout ce qu’il veut, ça m’intéresse. Il a même réussi à me faire lire (et aimer) ses chroniques sur le procès sur les attentats de 2015. Il n’est jamais aussi bon que quand il s’ouvre aux autres et pourtant je lis toujours avec plaisir ce qu’il peut raconter sur lui (surtout quand il n’y mêle pas d’autres personnes) même si parfois j’ai un petit sourire ironique (quoi, Emmanuel, tu as un passé d’éjaculateur précoce ?! « Mes amours, je regrette de le dire, ne m’ont jamais conduit bien loin de ma propre classe sociale » … ben oui, vu comment tu taclais ton ex qui faisait partie de cette France qui prend le RER avec un Navigo!)
Et pourtant, il sait me surprendre: je pensais lire un livre sur le yoga, il m’emmène finalement chez Hélène, la compagne de Bernard Maris – comme un prélude à V13 – puis après un détour psychiatrique, sur l’île de Léros en compagnie de jeunes migrants, avant d’évoquer le décès de Paul Otchakovsky-Laurens (P.O.L), son éditeur.
Il y a des choses tristes, douloureuses, terribles dans ce récit cependant Emmanuel Carrère arrive à mettre de la lumière, de l’espoir, de la chaleur, dans ce qui se rompt, se brise. Encore un très beau texte, qui a su me surprendre.
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