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Deux lectrices ont aimé "Pleurer des rivières" de Alain Jaspard (Héloïse d’Ormesson)

Une belle histoire d’amitié, d’amour, d’enfants et de mélancolie...

Deux lectrices ont aimé "Pleurer des rivières" de Alain Jaspard (Héloïse d’Ormesson)

C’est un des beaux romans de cette rentrée littéraire, nos lectrices ont découvert, et aimé, Pleurer des rivières de Alain Jaspard (Héloïse d’Ormesson)

 

 

L’avis d’ Isabelle Anne :

J'ai toujours eu beaucoup de mal à expliquer pourquoi j'avais été attirée par un livre. Que dire d'ailleurs ? « Parce que c'était lui. Parce que c'était moi » ? Trop facile de se cacher derrière des aphorismes. Avec « Pleurer des rivières je n'ai pas été maîtresse du jeu. C'est l'ouvrage qui m'a choisie, qui m'a happée, m'envoyant des signaux de reconnaissance.

Le titre tout d'abord a résonné en moi « Pleurer des rivières », il me semblait le connaître. En trois mots, Alain Jaspard m'avait déjà liée à son roman. Avant même d'ouvrir le livre j'ai effectué une recherche sur Internet. « Pleurer des rivières » est une chanson de Viktor Lazlo qui donne d'emblée sa coloration et son rythme au roman. Assez bref, il est orchestré en courts chapitres comme autant de strophes.

Et l'auteur.... Alain Jaspard ? Même s'il nous donne ici son premier roman, il n'en est pas à son coup d'essai en littérature. Alain Jaspard l'adaptateur en dessins animés des Contes de la rue Broca et des non moins célèbres Tom Tom et Nana , livres destinés à la jeunesse.

 

L'histoire s'articule autour de quatre personnages, deux couples aux horizons diamétralement opposés et dont les mondes vont pourtant entrer en collision, (et même en collusion).

D'un côté Franck et Mériem, couple de gitans, vivent à Argenteuil sur l' « aire de nos amis les gens du voyage » ; ils sont parents de sept enfants et Mériem est enceinte du huitième. Franck, qui ressemble par sa gouaille à « Louis la Brocante » est un ferrailleur philosophe à ses heures, un brin poète aussi.

De l'autre il y a Séverine, qui écrit des livres animaliers pour la jeunesse ; elle qui ne peut pas avoir d'enfants, raconte des histoires à ceux des autres faute de pouvoir les raconter aux siens. Il y a aussi Julien, son compagnon, avocat brillant et retors qui plaidera, commis d'office, le dossier de  Franck  mis sur le banc des accusés pour avoir perpétré un énième « coup foireux ».

 

Jaspard présente un peu ses personnages comme des archétypes, ce qui les rend vivants et leur confère de l'épaisseur. Julien c'est l'avocat des romans de John Grisham et Séverine un peu la sœur de Marlène Jobert ou un Antoon Krings féminin.

Tout semble opposer les deux couples : la culture, le milieu social, le mode de vie : l'une a de l'argent et est en mal d'enfant et l'autre a du mal à en élever tant.  Et pourtant lorsque le destin (ou le diable s'en mêle), un pacte se conclut sous le manteau. : Séverine et Mériem se ressemblent tellement...

J'ai beaucoup aimé la peinture de Mériem et du peuple Yéniche faite par Alain Jaspard. On sent presque bouillonner les couleurs sous les mots qui parlent de ces hommes et de ces femmes pétris d'une foi simple et candide, qui aiment la vie de toutes les fibres de leurs êtres, qui aiment l'amour et le font sans complexe ni pudeur, prompts au coup de poing, un couteau dans une main et un chapelet dans l'autre, d'une générosité évangélique primitive. Ce monde, Alain Jaspard nous le présente en miroir de celui, policé, politiquement correct, quoique parfois bourgeoisement encanaillé, de Julien et Séverine.

 

Le talent d'Alain Jaspard est de raconter un drame avec une apparente simplicité, de le dépeindre avec un style accessible, presque relâché, en des mots qui relèvent davantage de l'oralité que de la forme écrite. Il adopte souvent un style indirect libre qui plonge le lecteur dans la « vraie vie » avec ce qu'elle a de cru voire de truculent. J'ai aussi beaucoup aimé l'élision de certains dialogues dans l'emploi du style direct. L’auteur se focalise ainsi sur les paroles d'un personnage unique qu'il met en lumière, sur le devant de la scène : les répliques font alors écho à un texte perçu en filigrane. On ne « lit » pas, on « écoute » les personnages nous dire, nous confier, nous parler, témoigner, penser.

 

Et comment ne pas aimer la verve, la gouaille de certains dialogues qui semblent tout droits sortis d'un film d'Audiard. Le drame n'est jamais foncièrement noir, au plus profond de l'orage il y a des éclaircies, des éclairs (des éclats?) d'humour. Les larmes ne sont jamais loin sous la dérision et le sarcasme. Le ton se fait même joyeux, allègre, corrosif quand l’auteur met le doigt sur les petits travers de notre société.

Le roman s'articule en quatorze chapitres numérotés encadrés en début et fin d'ouvrage par deux chapitres servant d'introduction et d'épilogue qui ne sont pas numérotés mais portent un titre : « Naissances » en début de roman et « mélancolie » à la fin. A eux seuls ces deux substantifs tissent la trame de « Pleurer des rivières », ils en sont les pôles. Avec « naissances » et le pluriel n'est pas anodin, nous assistons à la naissance du couple formé par Mériem et Franck, fous d'amour, de jeunesse, de désir.

C'est sur une scène de désir que s'ouvre le livre. Le style est donné d'emblée, plus proche de Rabelais que du Cantique des Cantiques, réservant la poésie et les métaphores au décor champêtre qui abrite les ébats du couple. Naissances au pluriel ce sont aussi les naissances multiples qui jalonnent la vie de couple de Franck et de Mériem.

Naissance ou plutôt son absence c'est la détresse vécue par les autres protagonistes de  cette histoire : Julien, brillant avocat, et sa compagne, ne peuvent concevoir et cette stérilité les ronge.

Naissances c'est la rencontre de ces deux couples et l'élaboration d'un plan fou, aussi fou que l'amour et la détresse. Un plan forgé pour ne pas sombrer dans la « mélancolie » et pourtant.... le désespoir (ou bien est-ce l'amour?) peut ouvrir la porte à toutes les folies. Rien n'est jamais tout blanc ou tout noir, le monde serait-il un kaléidoscope de gris ?

En tout état de cause l'auteur descend au plus intime de l'humain sans pathos ni manichéisme. Avec beaucoup de délicatesse et d'indulgence il se penche sur nos douleurs les plus vives, les plus secrètes, celles qui nous font « verser des torrents de larmes, pleurer des rivières » .

© Isabelle Anne

 

 

L’avis de Nathalie Bullat :

Vous ouvrez 190 pages qui vous agripperont, vous accrocheront à ce roman différent dans la rentrée littéraire. Certes ce n’est pas la bibliothèque rose ! Comme dans le film 37°2 le matin on démarre sur une scène assez « osée » au son des chants Gitan d’Andalousie. Mais c’est surtout la naissance d’un amour vrai.
Roman incisif, réaliste, au langage cru, fleuri, musical. Jaspard décrit la banlieue faite de poussière, de béton, de caravanes, royaume de l’exclusion. Pourtant ce n’est pas tout à fait triste, il y a toujours l’espoir d’une vie meilleure plus digne.

Alain Jaspard, connu comme réalisateur, nous fait découvrir le monde des Gitans, ceux que l’on n’aime pas voir trop près de nos maison. Mais ils son attachants ces Gitans sédentarisés (avec compte en banque s’il vous plait ! ) fervents chrétiens, mais très agiles avec un couteau !
Parfois ils font quelques passages derrière les barreaux et rencontrent plus miséreux et plus marginaux qu’eux.


C’est une belle histoire d’amitié, d’amour, d’enfants et de mélancolie aussi comme peuvent être les chants tziganes. Mériem et Franck ont 7 enfants ! à 30 ans ! Lui est ferrailleur avec Sammy. Une histoire de diode défectueuse, de Ford en panne les conduira à des méfaits aux conséquences improbables.

Julien élégant bobo parisien, est un bon avocat. Il est vrai qu’à force de côtoyer des voyous, il finit par parler comme eux.
Sa femme Séverine illustratrice aime peindre des animaux moches et mal connus afin que les petits lecteurs finissent par les apprécier. Elle est aussi blonde et belle que Mériem. Par un concours de circonstances les deux femmes, d’un milieu culturel opposé, vont se lier d’amitié et imaginer un plan des plus surprenants « une idée banale deviendra une idée de génie ».

Vous rirez aux réparties imagées des personnages comme Robespierre le Congolais en prison dégustant du piment-dynamite ! ou des épouses qui regrettent que leurs maris soient plus "parc des Princes que prince charmants" !!!!!!
Vous aimerez la générosité de Mériem, chez les Gitans on ne laisse personne au bord du chemin…
Vous serez touché par la mélancolie de Séverine qui pleure des rivières si souvent. Et pourquoi pleure-t-elle des rivières ?

Impossible de rester indifférent.

 

© Nathalie Bullat

 

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