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L'homme qui flotte dans ma tête

Couverture du livre « L'homme qui flotte dans ma tête » de Veronika Boutinova aux éditions Le Ver A Soie
Résumé:

Sous l'égide d'Archimède de Syracuse qui traverse l'espace-temps pour évoquer ses découvertes scientifiques aquatiques, le roman de Veronika Boutinova narre l'histoire de la jeune Magda qui entend - par le biais de sa chevelure immense flottant dans la Manche -, les voix des migrateurs noyés... Voir plus

Sous l'égide d'Archimède de Syracuse qui traverse l'espace-temps pour évoquer ses découvertes scientifiques aquatiques, le roman de Veronika Boutinova narre l'histoire de la jeune Magda qui entend - par le biais de sa chevelure immense flottant dans la Manche -, les voix des migrateurs noyés dans les mers européennes. Une voix est cependant prépondérante sur les autres, réclame la jeune milivole calaisienne : celle d'un homme qui flotte en Méditerranée et qu'elle décide de retrouver. Le roman donne la parole à ces voyageurs invisibles, dont nous ne pouvons que deviner l'agonie. Il se veut un hommage aux migrateurs pourrissant au fond des mers et un mausolée offert à tous ceux qui ont risqué le pire pour tenter de trouver une vie meilleure :

« J'avais tout si bien fort well organised, tout si bien fort well programmé pour mon évasion ; mon peu de money demeurant prévu pour affronter la froidure des eaux du Nord. A battle against froze and salt et les waves si hautes qui te ballottent ! J'ai cru ça si facile de flotter porté par les courants jusqu'à terre dans le chaud relatif de ma peau de plongée. J'ai cru, j'ai believed, je me suis trompé, bel idiot. La Manche est l'autoroute où se croisent, t'aspirent et te déchirent d'énormes ferrys de fer et autres monstres métalliques qui charrient des cargaisons de marchandises monnayables d'un pays à l'autre en aller-retour interminables. Tired, exhausted, percuté sans arrêt, piètre nageur d'une patrie sans lac, corps aqueux, nez à peine relevé au-dessus la frontière liquide - ligne mince et fragile avant l'obscure profondeur qui obstruerait ma vue de l'horizon céleste -, j'ai senti l'eau m'envahir, l'air me manquer et le dark m'étouffer. S'il te plaît, mignonne, sois douce et gentille, préviens ma maman au pays. Elle sera bien fâchée. Je lui avais promis de veiller sur ma vie. S'il te plaît, sois douce et gentille, please, tell my mother mon endormissement interminable dans les vagues du Nord.

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Avis (1)

  • Onirique, magistral, un chant tragique magnifiquement déplié.
    Le macrocosme de notre humanité tremblante de pluie.
    Les migrations, noria d’oiseaux noirs en plein vol dans la tourmente. Ici, elles sont au fronton des douleurs. L’exil à l’instar de l’horizon en front de mer. Une muraille gorgée...
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    Onirique, magistral, un chant tragique magnifiquement déplié.
    Le macrocosme de notre humanité tremblante de pluie.
    Les migrations, noria d’oiseaux noirs en plein vol dans la tourmente. Ici, elles sont au fronton des douleurs. L’exil à l’instar de l’horizon en front de mer. Une muraille gorgée d’eau cerclée de détresse. L’abandon ultime. L’échappée de soi-même, la plénitude n’est pas. Trop de courant et d’indifférence pour un lendemain où l’Homme deviendra universel.
    Ce livre est un cri du cœur. Un éclat de lumière qui perce les pages sombres et intestines.
    La magnanimité des bienfaiteurs qui encensent la trame et redonnent de l’espoir. La force du vent qui contre les contraires. On écoute Veronika Boutinova.
    Ce texte des itinérances, des croisées est doté de plusieurs lectures, plusieurs fragments. Chacun des morceaux d’architectures est un écho en nos poitrines. Voix des migrants, voiles blancs et larmes salées. La corne de brume qui éclate en sanglot. L’électrochoc bénéfique, la parole est donnée. Ce récit est un levier qui interpelle nos consciences. Une litanie qui exauces l’honneur des migrations. Un parchemin qui pointe du doigt là où ça fait mal. Subrepticement, il démonte des diktats un à un et souffle de l’air froid sur nos arrogances et nos faillites.
    Veronika Boutinova prend place.
    « Un roman mausolée », un livre-somme, la vérité terriblement humaine et sinistre. Des hommes, femmes et enfants, nos frères et sœurs en humanité, qui font de leurs périples de survivance le gain des rapaces et des passeurs. Corps jetés en pleine mer puisque l’être de chair et de sang n’est plus.
    Voix qui s’élèvent, ressacs et tempêtes. L’enfant qui pleure et dérange, arraché du ventre d’une mère et tel un fardeau, lancé en pleine mer. Une contrainte de moins pour le passeur criminel. Prouver toute sa barbarie jusqu’au paroxysme de l’horreur.
    Les voix sont des échos. Calais perd ses couleurs. Les résistances comme des étoiles dans les yeux. Magda est ici. Elle, qui entend la voix des disparus en mer, radeau de Géricault. La Méditerranée est un cercueil qui dérive et s’enfonce sous l’intolérable. Les corps noyés, tels des oubliés de notre planète-terre.
    Symbolique, puissant, viscéral et empreint d’une souffrance vive et insistante, la voix qui murmure son éloge funèbre dans la chevelure de Magda est celle du cri des fonds marins. Tous ensemble, la concorde des finitudes, ils disent leurs histoires de vie, les batailles pour survivre. Eux, devenus l’anonyme, le néant. Magda cherche l’homme qui flotte dans sa tête. Elle si fragile et pourtant endurante. « Entre ses heures de fac, Magda parfois bénévole, distribue de la nourriture, des sourires timides, des vêtements chauds, des chaussures, des tentes, prodigue des soins ou des conseils administratifs aux exilés. Nazali, lui, dépérit, hébergé dans le garage de la maisonnée de Blériot-Plage ».
    Baptiste, son frère, collecte les faits, retient les dates des drames, archiviste mémoriel. « Des mots pour susciter la connaissance, observer, ausculter, disséquer, nommer, raconter, dénoncer, témoigner, sensibiliser, engranger la mémoire des faits, analyser. Je suis l’archiviste du flot migratoire, j’ancre ici tous les écrits rédigés sur les exilés de Calais et du monde entier. Je garde la trace historique ! Tu savais que c’est en 1988 à Cadix qu’on découvrait le corps du premier migrant mort noyé ? ».
    « Archimède de Syracuse, le scientifique, vers 210 avant Jésus-Christ, marche et réfléchit, réfléchit et marche, traçant des lignes sur le sol de Sicile de son long bâton noueux ».
    Il est la vérité, la raison, l’implacable et conte les cartographies des noyés, ce qu’il reste d’un corps jeté en pâture aux vagues et poissons. L’eau qui défigure un visage. Les ravages comme un mausolée scientifique. Les faits qui charrient les poésies, algues gluantes. Lèvres pâles et fermées, les corps devenus un fait, juste un fait, une preuve scientifique sans état d’âme.
    Blériot-Plage, fourmilière où gravite l’aide humanitaire, les cachettes et les secours. Les traquenards des vils. C’est ici que Magda puise sa voix en devenir de lumière. « La confidente des noyés » Magda prononce la Babel anéantie. Épuisée par les voix dévorantes, le génocide maritime, elle cherche l’homme emblématique, celui qui parle au nom des siens. Elle voudrait pour lui, un linceul blanc, une mer sans frontières. Un cercueil où la rédemption serait alors le triomphe. Magda l’amoureuse de Nazaré qui veut rejoindre l’Angleterre et qui serre son secret contre lui. Lui, qui vit dans le garage familial. L’abri Alcazar, la grotte glacée où Nazalé trace sur les murs sa route pour demain, peut-être, pas encore, pas maintenant. Un autre jour. Ne rien dire au frère et à la sœur, fuir en silence, redevenir anonyme. Exilé pour toujours, l’amour pour Magda sera sa couverture de survie, peut-être, si tout se passe bien.

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