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Retour sur l'expérience d'autobiographie collective avec Mathieu Simonet

Que reste-t-il de notre adolescence ?

Retour sur l'expérience d'autobiographie collective avec Mathieu Simonet

Souvenez-vous, il y a quelques mois, nous vous proposions de participer à une expérience d’autobiographie collective avec Mathieu Simonet qui a mis à votre disposition 50 carnets récupérés après la Nuit Blanche 2014.

Vous avez été nombreux à partager un texte sur votre adolescence. Un grand merci à tous pour votre participation !

Mathieu Simonet a reçu et lu l’ensemble de vos textes. Cinq ont été retenus et ont fait l’objet d’une lecture musicale le mardi 23 juin à Paris dans l’extraordinaire Musée des moulages de l’hôpital de Saint-Louis.

Cette semaine, chaque jour, nous vous proposons de découvrir à votre tour l’un de ces cinq textes publié anonymement.

 

Carnet 1 :

Cette année, nous allons fêter nos 40 ans de vie commune. Tu m’as choisie lorsque j’étais toute petite, dès lors j’ai su que ma vie allait changer et que je ne serai pas comme les autres. Tu as pris mon enfance, volé mes rêves d’adolescence, anéanti mes ambitions de jeune femme. Nous allons vivre ensemble. Tu as décidé d’être en moi, me posséder. Ta présence a souvent été insupportable. Je garde de cette période d’adolescence des souvenirs de rébellion, je ne voulais pas être ta « soumise ».

A cette époque, les stylos à insuline n’existaient pas. C’était des seringues et des aiguilles qu’il fallait faire bouillir et faisaient très mal. Au début j’ai eu beaucoup de difficultés à me piquer. A 12 ans j’ai été hospitalisée dans une unité de gériatrie. Ma maladie n’était pas connue chez les adolescents. Le grand silence pour me parler, m’expliquer, on m’a juste dit qu’il fallait faire avec et que désormais, nous allions vivre ensemble.

L’infirmière de service m’a enfermée dans une pièce en me donnant une seringue et m’a dit « Tu ne sortiras de là que lorsque tu te piqueras ». je ne me souviens pas d’avoir pleuré, on est fort à 12 ans ! Et puis il fallait pour ma famille que je le sois. Dur combat. Fini la cantine scolaire, j’avais un régime draconien, pas de goûter avec les copines, aussi aberrant que cela puisse paraître j’ai été interdite de sport. Avec mes copines, personne à qui me confier, je cachais ma maladie, je ne voulais pas être « différente », je ne voulais pas de leur pitié. Cette période d’adolescence a été très difficile. Je mangeais en cachette des sucreries et des choses qui m’étaient interdites dans mon régime et je maigrissais à vue d’œil. Il fallait trois injections par jour, l’insuline devait se conserver au froid donc, outre les aiguilles qui faisaient mal, l’injection par elle-même était assez douloureuse. Il fallait que je m’évade, que je m’échappe de toi. Tu m’envahissais de plus en plus. A quinze ans, tu as failli gagner. J’ai fait un coma pour une simple opération de l’appendicite. Le chirurgien a dit à mon père, devant moi, que de toute façon je n’irai pas très loin et qu’à vingt ans je ne serai plus là. Bel avenir !

Je me souviens de la fureur de mon père en entendant ces paroles ! Il a exigé que le chirurgien sorte de ma chambre.

Est-ce que j’ai pleuré en entendant ces paroles ? Je ne me souviens pas. Je me souviens de la colère de mon père « sortez d’ici ! on ne parle pas comme ça à une jeune fille malade de quinze ans ». La vie a repris son cours.

Désormais il fallait que je fasse vite. 

Vite me marier (à dix-sept ans)

Vite avoir des enfants

Vite divorcer…

Dans mon intérieur à chaque victoire (j’ai deux filles), je te disais « Et toc, j’ai gagné ! »

Plus tard, j’ai trouvé refuge dans la lecture et surtout la peinture.

Tu as attaqué mes jambes, j’ai des difficultés à marcher, puis mes mains, puis mes yeux. Là j’ai pleuré. Rester debout, mais à quel prix !

Je suis devenue peintre miniaturiste (et toc… j’ai gagné) par défi.

Si maintenant les injections d’insuline par stylos sont plus confortables, les contrôles plus faciles à faire par des prélèvements quasi-indolores au bout des doigts, je garde pour cette période d’adolescence un goût amer.

Nous sommes ensemble, mais je te hais. Tu es le diable et tu es bête.

Tu es mon diabète.

 

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