Retour sur la soirée par Colette LORBAT, lectrice
Retour sur la soirée par Colette LORBAT, lectrice
Le 23 novembre à 18h, à Paris dans le 15e arrondissement.
"Ascension" de Vincent Delecroix, un voyage étourdissant, éblouissant !
Les Explorateurs de la rentrée, cinquième édition !
"Ascension" lu grâce aux Explolecteurs 2017 m'a tellement enthousiasmée que j'ai voulu continuer ma découverte de Vincent Delecroix avec "La chaussure sur le toit" publié en 2017 (10 ans déjà et je l'ignorais ! Comment ai-je pu passer à côté d'une telle pépite ? Mystère et aléas des piles de livres !)
Une chaussure sur un toit, donc. Sur le toit d'un des immeubles entourant une petite cour près de la Gare du Nord. Cette présence, incongrue en ce lieu, non seulement pose question aux habitants de l'immeuble d'en face et à ceux qui les fréquentent mais "agit" de dix manières différentes sur leur existence. Car autour de cette chaussure se déploient des espaces auxquels les personnages se heurtent, se frottent, se fracassent alors que l'auteur s'amuse à dessiner leurs trajectoires flottantes dont la chaussure sur ce toit devient point de départ, d'arrivée, de friction ou/et d'interrogation. Toute une géographie sociale et intime dont s'empare le romanesque pour parler de la vie telle qu'elle est : solitaire au milieu des autres, en constante et silencieuse quête d'amour.
Ce dérangement de l'ordre habituel du monde - une chaussure solitaire sur un toit - devient le révélateur des infimes ou considérables décalages entre fiction et réel, entre montré et caché. De même que la construction narrative nous fait passer d'un appartement à un autre, d'une histoire à une autre sans véritablement quitter l'immeuble-roman, sans perde de vue l'énigme de cette chaussure, l'écriture nous fait traverser plusieurs genres : conte de fées, tragédie, romance, mythe... comme si le point de vue de chaque personnage était forcément contaminé par la littérature. Ce jeu signifiant entre fond et forme est si magistralement mené qu'il parvient à déclencher aussi bien la réflexion que l'émotion, les larmes que le rire, l'identification que l'étrangeté.
Plusieurs pages seraient nécessaires pour détailler cette intelligence du roman que Vincent Delecroix met en oeuvre (au sens littéral de l'expression) ! Moi, je me contente d'admirer, de vibrer, de jubiler, d'aimer et d'élire Vincent Delecroix parmi mes auteurs de prédilection !
J'avais lu le recueil de nouvelles de Vincent Delecroix, Une chaussure sur un toit, publié en 2007. Comme vous le savez, les nouvelles et moi, ça fait deux, et pourtant, il avait su m'emporter en gardant cette chaussure comme fil conducteur. Mais depuis, il n'avait rien écrit, ce qui explique peut-être qu'il ait eu besoin d'écrire plus de 600 pages cette fois-ci. Si vous aimez les livres déjantés, ce roman est pour vous. L'auteur parvient même à parler de son précédent titre en faisant passer son narrateur juif pour un écrivain ayant choisi un pseudo goy. Certains passages m'ont agacée mais le génie de Delecroix, c'est qu'ils sont faits pour agacer puisque c'est Chaïm, le narrateur, qui tient à jouer son rôle de raconteur d'histoires et nous transmet l'histoire de son aïeul, dont tout le monde se moque. Il y a par contre des moments de grâce loufoque et/ou lyrique comme la scène du musée (l'amour d'Antonio pour Beth nous embarque) ou celui sur la critique littéraire de la Bible. Marc Lévy est régulièrement écorché au passage. Bref, Vincent Delecroix, malgré sa tête de premier de la classe, est complètement fou et j'ai globalement aimé ça.
#Explolecteurs 2017
C’est l’histoire d’un Russe, d’un Mexicain, d’un Français et d’un Américain – pardon, deux Américains parmi lesquels une femme-alibi et un commandant qui ne rigole pas – embarqués dans une navette spatiale qui décolle… Soudain, « Houston, on a un problème… » Oui, on dirait le début d’une histoire drôle ou la parodie d’un film hollywoodien et le roman de Delecroix commence ainsi. Si l’on ajoute à cela que le Français en question est écrivain, qu’il s’appelle Chaïm Rosenzweig ayant publié quelques romans dont La chaussure sur le toit sous le pseudonyme de Vincent Delecroix, on pourra se faire une idée du jeu constant entre le réel et la fiction auquel se livre le véritable auteur avec les codes et les stéréotypes. Pour notre plus grande jubilation ! Nous nous installons donc dans la navette auprès de l’équipage, prêts à passer un bon moment et nous élevons dans l’espace de la narration delecrucienne.
Sauf que… derrière l’intrigue principale, il y autre chose, comme toujours avec le réel Delecroix (enfin le supposé « réel » - le doute finissant par s’immiscer et l’on a tendance à croire davantage en Chaïm qu’en la personne de son pseudonyme): une réflexion philosophique voire métaphysique s’ébauche à travers les histoires des personnages sur les notions de départ, d’errance, du « partir » - titre de la première et plus longue partie sur les quatre du roman-, sur la question du mal et du salut... Il y a d’abord l’épopée familiale de Chaïm et celle de son aïeul Meïr Heschel, sorte de baron de Münchhausen traversant les siècles et le monde à la suite de messies auto-proclamés historiques, et dont Chaïm assomme ses coéquipiers. Les histoires des autres membres de l’équipage vont nous être également distillées lors de cette ascension grâce à de multiples retours en arrière sans jamais oublier l’histoire principale et ce problème (« Houston on a un problème ») lié à la découverte d’un passager inattendu…
Sans rien « dévoiler » de la fin (sens étymologique du mot apocalypse), Delecroix exploite toutes les ressources de ce titre polysémique et construit magistralement son récit jusqu’à le transformer en dialogue de comédie se transmuant elle-même en autre chose de plus grave, de tragique… Mais c’est avant tout l’aventure d’un récit exubérant et savoureux qu’il nous livre, servi avec une écriture élégante, précise - la phrase delecrucienne n’a rien à envier à la phrase proustienne ! avec constamment la juste distanciation de l’autodérision, de l’ironie ou de l’humour (comment ça, nous l’avons déjà dit ? et alors, même si c’était le cas ?). Parce que ce décalage entre le fond et la forme, entre la profondeur de la réflexion et la légèreté du ton pour l’exprimer, fait tout notre bonheur de lecture !
Quand j’adore un auteur, un livre, j’ai coutume d’envier ceux qui ne l’ont pas encore lu pour le découvrir, mais en l’occurrence, c’est un livre qui mérite d’être relu tant il est dense et contient de références à creuser. Faute de maturité, j’ai raté mon année de philosophie en terminale et c’est un manque que je comble grâce à Delecroix mon romancier philosophe préféré de la rentrée. Sans ce roman, il est peu probable que je me sois intéressée à certains mystiques, à Jacob Frank et au frankisme par exemple. Encore une fois, ce roman touffu a plusieurs niveaux de lecture et c’est pourquoi il est si riche et si ascensionnel. Un des grands grands romans de la rentrée littéraire !
Le rendez-vous de la page 100
Alors là je pars ! que dis-je, je pars… je m’élève, j’ascensionne et j’encense Vincent Delecroix de me faire partir en orbite avec une telle joie, une telle euphorie, une telle jubilation que j’en oublie mon sens critique. Pourtant, ce voyage improbable d’un écrivain dans une navette spatiale n’aurait pas a priori pu m’embarquer vers le silence de ces espaces infinis… Qui plus est quand l’écrivain (narrateur) s’appelle Chaïm Rosenzweig et qu’il publie des romans ("La chaussure sur le toit") sous le pseudonyme de Vincent Delecroix… et pourtant ça marche. Parce que l’auteur, c’est Vincent Delecroix et que l’on retrouve les ingrédients philosophiques, littéraires, certains personnages comme Clémence et surtout la belle écriture, l’humour et l’ironie que l’on a tant aimés dans "La chaussure sur le toit"...
« Partir » comme le titre de la 1ère partie de ce roman, je ne demande que ça, alors j’y retourne…
Vincent Delecroix, Ascension ( Gallimard, 2017 )
A l'origine, Ascension est un roman de science-fiction de Christie Golden s'inscrivant dans l'univers étendu de Star Wars : c'est le huitième roman de la série Le Destin des Jedi qui fait suite aux événements se déroulant dans la série L'Héritage de la Force. Le roman de Christie Golden est paru aux U.S.A le 9 août 2011; le dépôt légal d'Ascension par Vincent Delecroix a eu lieu tout récemment en juillet 2017. Le narrateur, Chaïm Rosenzweig, est un écrivain sans grand succès " choisi " par la NASA pour faire partie de l'équipage d'une navette spatiale.
Rien que le titre, Ascension, est déjà une incitation à l'intertextualité dans le domaine de la Science-fiction et c'est vrai que dès le début du roman le narrateur estime que " le commandant Harold Pointdexter était par imitation le commandant qu'il nous fallait pour cette mission. Surtout, vu son aptitude au mimétisme tant moral que physionomique, on pouvait se réjouir ( avais-je dit à Sergei ) qu'il eût préféré L'Etoffe des héros à L'Empire contre-attaque : nous n'avions évidemment aucune envie d'être commandés par Dark Vador ".
Par ailleurs, contrairement à ce que veut faire croire aux lecteurs le résumé publié par certains sites littéraires, le narrateur d'Ascension, Chaïm Rosenzweig, n'a pas été choisi par la NASA : " Mettons un terme au délire, parce que j'ai d'autres choses à raconter : il n'a jamais été question, en réalité, d'un choix. Le responsable, c'est le hasard d'un tirage au sort. " ( page 37 ). Le narrateur en question vit une longue et langoureuse période d'entraînement : il s'entraîne avec le reste de l'équipage dans une ambiance délirante. Décidément, ce roman traîne en longueur, en tout cas dans sa première partie. En effet, dès le début, dès la page 21, ce narrateur évoque six mois d'entraînement : " en ce qui me concernait, car les autres, c'est-à-dire Sergei, Beth et Antonio, étant des astronautes professionnels et confirmés, avaient bénéficié d'un allègement de charge. "
Mais la réflexion philosophique qui découle de cette attente, de l'attente du départ de la navette, n'en est pas moins captivante. En outre, " la littérature, c'est fait pour rendre compte du réel, tu vois papa, saisir les problèmes réels … ", puis-je lire à la page 94. Et c'est cela qui me fascine dans ce roman de Vincent Delecroix, c'est cette capacité à rendre compte du Réel, par petites touches …
Du coup, il faut attendre encore des mois avant que Chaïm Rosenzweig finisse par embarquer à bord de la navette avec le reste de l'équipage. Après avoir fait traîner son roman tout au long d'une première partie de 300 pages consacrée à la dernière mission d'une navette spatiale de la NASA qui ne décolle qu'au milieu de cette première partie, Vincent Delecroix surprend le lecteur en générant une deuxième partie sans contenu narratif ou tout du moins avec juste cette phrase : " Ils voyagèrent ".
Puis vient la troisième et dernière partie et alors un passager imprévu - et néanmoins célébrissime - vient soudain révéler sa présence en pleine ascension … Il faudra quelques temps à l'équipage pour découvrir sa véritable identité : " Jésus ". Et d'ailleurs, ils finissent tous par croire que c'est Jésus-Christ. Vincent Delecroix aura ainsi laissé souffler sur son roman un vent de folie …
J'ai beaucoup aimé ce roman de science-fiction au titre motivant. Vincent Delecroix a un style et une langue académiques. D'ailleurs, romancier, il a reçu le Grand prix de littérature de l'Académie française après avoir publié Tombeau d'Achille. Son œuvre littéraire et philosophique est attentive aux actes et expériences existentiels, comme l'amour, le chant et le sacré. Et je crois qu'Ascension ne déroge pas à cette ligne de base littéraire. D'ailleurs dans la troisième partie du roman, le passager que l'équipage n'attendait pas et qui fait petit à petit son apparition finit par dévoiler son identité à cette équipe médusée : il s'appelle Jésus-Christ et qui mieux que Jésus-Christ pour incarner cet amour, ce sacré ?
Ascension => Mon avis initial de la page 100 :
Choisi par la NASA pour faire partie de l'équipage d'une navette spatiale, le narrateur Chaïm Rosenzweig vit une longue et langoureuse période d'entraînement : ce roman traîne en longueur. " La littérature, c'est fait pour rendre compte du réel, tu vois papa, saisir les problèmes réels ... ", puis-je lire à la page 94. Et c'est cela qui me fascine, dans ce roman de Vincent Delecroix, c'est cette capacité à rendre compte du Réel. Vincent Delecroix use à profusion de la phrase complexe. Sa langue est châtiée, presque académique. Je suis entré dans cette histoire où se prépare l'envol d'une navette spatiale, mais au préalable la préparation est longue : c'est un stade expérimental.
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