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Emmanuelle Pagano

Emmanuelle Pagano
Emmanuelle Pagano a publié plusieurs romans aux éditions POL, dont le dernier en date « Nouonsnous », 2013. Plume sensible, elle a écrit ici un texte sur la distance, un texte dont le « je » traverse des horizons fantômes, partagé par les brumes et les eaux. Entre prose mouillée et poésie brouill... Voir plus
Emmanuelle Pagano a publié plusieurs romans aux éditions POL, dont le dernier en date « Nouonsnous », 2013. Plume sensible, elle a écrit ici un texte sur la distance, un texte dont le « je » traverse des horizons fantômes, partagé par les brumes et les eaux. Entre prose mouillée et poésie brouillée, Emmanuelle Pagano nous emmène le temps d'un tour du monde en 32 pages vers des ailleurs tout en toundra, en océan, en bateau...

Avis sur cet auteur (9)

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    Couverture du livre « Les adolescents troglodytes » de Emmanuelle Pagano aux éditions P.o.l

    Marie-Laure VANIER sur Les adolescents troglodytes de Emmanuelle Pagano

    Cela faisait déjà quelque temps que j'avais le projet de découvrir l'oeuvre d'Emmanuelle Pagano : c'est chose faite avec, pour commencer, Les Adolescents troglodytes ; et je passerai certainement très vite à la Trilogie des rives (Lignes & Fils, Saufs riverains) tellement j'ai aimé ce roman.
    En...
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    Cela faisait déjà quelque temps que j'avais le projet de découvrir l'oeuvre d'Emmanuelle Pagano : c'est chose faite avec, pour commencer, Les Adolescents troglodytes ; et je passerai certainement très vite à la Trilogie des rives (Lignes & Fils, Saufs riverains) tellement j'ai aimé ce roman.
    En guise de quatrième de couv', une carte : des chiffres renvoyant à des altitudes, une tache bleue symbolisant un lac, certainement celui d'Issarlès en Ardèche, bleues aussi les eaux de la Loire et d'un ruisseau, Le Tauron.
    Pourquoi cette carte ? Certainement parce que le lien entre les hommes et l'espace est au centre du travail d'Emmanuelle Pagano.
    Sur le plateau, en altitude, l'eau, la roche, la neige, le vent, la tourmente, les nuages, le brouillard, la pluie, les arbres rythment le quotidien des gens qui vivent dans ces paysages. Ils en jouissent autant qu'ils les subissent. Il existe comme un corps à corps entre eux et le monde, une espèce de combat journalier, quelque chose de physique, de violent souvent, surtout l'hiver, de doux parfois, l'été peut-être... Mais dans le livre Les Adolescents troglodytes, de l'été, il n'en est pas question puisque l'histoire commence le premier septembre (jour de rentrée scolaire !) et se termine mi-février. C'est donc une histoire d'hiver.
    La narratrice s'appelle Adèle. Elle s'exprime au féminin lorsqu'elle évoque le moment présent ou au masculin pour parler du passé. Elle a changé de sexe, être un garçon ne lui convenait pas, elle se sentait femme. « Je me comprenais fille lentement, en creux du corps et des coups de mon petit grand frère. Davy Crockett c'était lui, et moi tout le reste : les arbres, les castors, la solitude, la tourbière léchée par la rivière. » Après l'opération, elle est revenue vivre au pays de son enfance, en haut, près de la ferme où elle avait vécu jeune avec son frère. Personne ne l'a reconnu(e), enfin presque.
    La dizaine d'enfants qu'elle conduit à l'école tous les matins dans la navette scolaire n'imagine pas qu'elle a d'abord été un garçon et elle trouve que c'est bien comme ça, parce qu'évidemment, dans le pays, ça jaserait. C'est mieux de ne rien dire, de ne pas évoquer ce passé douloureux.
    Son frère consolide les parois rocheuses au-dessus des routes à l'aide de filets, boulot risqué qui tient de l'alpinisme, du funambulisme et de l'acrobatie. Ce frère, elle ne le revoit plus. Il n'a jamais accepté d'avoir une grande sœur. « Mon frère, c'est un homme inverse, un homme figé en l'air, il monte et descend, bien encordé. Son corps se plaque dans les plis des roches pour travailler, il oublie, son visage est abrasé par les éléments, marqué comme les parois. Un homme tracé, mon frère, mais un homme sans mémoire, sans mémoire de moi depuis dix ans. »
    Alors, tous les matins, elle s'accroche à son métier pour éviter de trop penser, elle regarde dans son rétro les gamins qu'elle dépose à l'école encore un peu endormis, cachés sous leur capuche, s'amuse de leurs mimiques, de leurs gestes, essaie de deviner leurs pensées, leurs peurs, interprète leurs silences. Ils vivent tous dans des fermes isolées, dans la montagne, loin de tout. Ils sont enfants de fermiers, de néo-ruraux, d'originaux. L'hiver, elle les ramasse dans la nuit et les relâche le soir dans une obscurité encore plus dense. Elle les connaît à force, et le regard qu'elle porte sur eux est plein d'amour, de tendresse, de compréhension : « Ils sont mon bruit, ma vie, mon mensonge.» Et leur douleur est la sienne: «  Les voir régulièrement, annuellement tristes, les soirs de rentrée me met mal à l'aise, je me sens comme en périphérie de moi-même. J'ai l'impression de les avoir conduits à côté de leurs attentes. » (Lire ces mots à quelques jours de la rentrée scolaire me touche particulièrement et me rend triste, moi aussi.)
    Des enfants, elle n'en aura pas, alors, ils sont un peu les siens, elle en a la responsabilité.
    Sur le chemin de l'école, matin et soir, l'oeil rivé sur l'état des routes, elle pense à sa propre vie quand elle habitait la ferme du fond, celle qui n'existe plus… Un espace de vie englouti : « La rivière n'existe plus, c'est un lac maintenant, artificiel, large et plat, calme et si vaste par-dessus notre ferme. Devenue fantôme humide, revenant à chaque vidange, tout abîmée, presque en ruine, notre maison, notre ferme, et dans le reflux l'étable, les chemins, et les ponts de la rivière. » Un lieu disparu, un pan de vie passé autour duquel elle tourne inlassablement sans vraiment pouvoir s'en détacher...
    Les Adolescents troglodytes est un texte magnifique : les rapports humains, tout en non-dits, en silences, en paroles murmurées, quelques mots lourds de sens, lâchés un peu trop vite dans un pays de montagne où l'on parle peu, sont très justement décrits.
    Et pourtant l'amour est là, baigné de souffrance, englué de peur, mais là, dans chaque geste, chaque regard. Regard de tendresse, d'amour, que l'on porte à l'autre, à la dérobée, malgré des différences que l'on finit par admettre parce que l'essentiel est ailleurs.
    Et puis, il y a l'écriture d'Emmanuelle Pagano : mélange d'oralité et de poésie, de raccourcis géniaux, d'images fulgurantes et magiques, une écriture douce et crue, sensuelle et quasi organique parfois qui évoque de façon magnifique une nature à la fois sujet d'observation, de contemplation, d'appréhension mais aussi refuge bienveillant, une nature omniprésente, omnipotente, que l'on tente de lire, de déchiffrer pour savoir ce qu'elle nous prépare car là-haut, sur le plateau, sur les routes qui longent les gouffres noirs et profonds, on sait qu'elle peut réserver le meilleur comme le pire.
    Enfin, mon propos serait incomplet si j'oubliais d'évoquer l'humour qui au détour d'une phrase surgit de façon inattendue, brisant momentanément une tension oppressante.
    Un très beau texte à lire absolument !

    Lire au lit : http://lireaulit.blogspot.fr/

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    Couverture du livre « En cheveux » de Emmanuelle Pagano aux éditions Invenit

    Alex-Mot-à-Mots sur En cheveux de Emmanuelle Pagano

    Voici le portrait d’une femme indépendante dans l’Italie fasciste, refusant de se marier, préférant marcher aux alentours de la propriété familiale. Refusant de s’habiller et de paraître en société, préférant les bains dans le lac, nue sous la lune. Refusant d’attacher ses cheveux comme le lui...
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    Voici le portrait d’une femme indépendante dans l’Italie fasciste, refusant de se marier, préférant marcher aux alentours de la propriété familiale. Refusant de s’habiller et de paraître en société, préférant les bains dans le lac, nue sous la lune. Refusant d’attacher ses cheveux comme le lui demande son frère.

    Voici l’histoire d’une guerre larvée entre un frère et sa petite soeur qui s’adoraient étant enfants mais que l’âge adulte et les conventions sociales ont séparées.

    Un bémol toutefois. Le point de départ est ce fameux châle que le père d la narratrice cache au fond d’une malle pour ne pas que sa soeur cadette le trouve ni le vende. Or, il en est très peu question tout au long du récit. Il n’est que le symbole matériel de la désunion du frère et de la soeur.

    L’image que je retiendrai :

    Celle du châle de soie de mer, exposé au tout nouveau Musée des Confluences à Lyon.

    http://alexmotamots.wordpress.com/2015/09/19/en-cheveux-emmanuelle-pagano

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    Couverture du livre « Ligne et fils » de Emmanuelle Pagano aux éditions P.o.l

    Clo Brion de VANDROMME sur Ligne et fils de Emmanuelle Pagano

    Le cocon permet au bombyx sa belle transformation en papillon. Le cocon est comme une petite bobine qu'il est nécessaire de dévider pour obtenir ce merveilleux fil de soie. Dans ce roman, la narratrice va tenter de dénouer le fragile cocon de sa vie, le fil de sa lignée, au bord de la Ligne,...
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    Le cocon permet au bombyx sa belle transformation en papillon. Le cocon est comme une petite bobine qu'il est nécessaire de dévider pour obtenir ce merveilleux fil de soie. Dans ce roman, la narratrice va tenter de dénouer le fragile cocon de sa vie, le fil de sa lignée, au bord de la Ligne, cette rivière ardéchoise ayant donné son nom à l'arrière grand père, enfant abandonné, enfant de l'eau, cette eau courante omniprésente, celle qui «fabrique de l'archive» dans la roche et dans les corps. De soie à soi, du fil au fils, un noeud difficilement démêlable, une histoire qui se casse, comme le fil. Renouer, aller à l'envers du courant, remonter aux tourbières du plateau, dans le flux familial et revoir le rire du fils, mécanicien du son, relais de son ancêtre moulinier.
    Un très beau roman à l'écriture soyeuse, assoiffée, limpide, le premier d'une «Trilogie des Rives» dont j'attends vivement la suite !

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    Couverture du livre « En cheveux » de Emmanuelle Pagano aux éditions Invenit

    Colette LORBAT sur En cheveux de Emmanuelle Pagano

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    Second opus de cette collection des éditions Invenit en collaboration avec le Musée des Confluences de Lyon, après l’enfant fossile, que je découvre.

    Emmanuelle Pagano nous déroule l’histoire d’un châle tricoté en fils de soie élaboré par un mollusque, la grande nacre. Il...
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    Second opus de cette collection des éditions Invenit en collaboration avec le Musée des Confluences de Lyon, après l’enfant fossile, que je découvre.

    Emmanuelle Pagano nous déroule l’histoire d’un châle tricoté en fils de soie élaboré par un mollusque, la grande nacre. Il n’existe, de par le monde, qu’une soixantaine de pièces en soie de mer.

    Emmanuelle Pagano détricote la vie d’une famille italienne à partir de ce châle. La fratrie est composée de 2 sœurs et un frère. Le frère, père de la narratrice, est un fasciste assumé, macho comme savent l’être les italiens. Les tantes, Nella et Bice déshéritées -ce ne sont que des femmes !- habitent dans la vieille maison familiale. Nella, arborant fièrement sa chevelure rousse libre de tout chapeau ou chignon strict (en cheveux disait ma grand-mère et titre de ce livre), n’a jamais voulu se marier, se soumettre à un mari, préférant s’échapper dans les bois dans des pantalons informes, jouer avec la lumière. Le frère devrait subvenir aux besoins des deux sœurs, ce qu’il oublie de faire ou fait très chichement, alors, elles se débrouillent.
    Quand la narratrice fait la description de ce châle j’imaginais Nella lovée dedans, ses gestes, son corps. Ce châle, qui a résisté au temps, est le symbole de la résistance de Nella, symbole de sa liberté. La narratrice, à travers lui exprime l’amour qu’elle portait à cette tante trop indépendante pour l’époque. Entre le frère et la sœur, Nella, la haine a remplacé l’amour qu’ils se portaient. Mais la haine n’est-elle pas le versus de l’amour ? « Ces deux-là se haïssaient tellement qu’ils s’aimaient, ou était-ce l’inverse. »

    L’écriture d’Emmanuelle Pagano est douce, sensuelle. Je me suis délectée à la lecture de ce petit livre lu d’une seule traite. A vous relire très bientôt Emmanuelle Pagano ; j’ai retenu l’absence d’oiseaux d’eau à la bibliothèque

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