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La philosophie a pour vocation de penser l'impensable jusqu'à l'extrême frontière au-delà de laquelle le discours deviendrait impossible ; à partir de cette limite la poésie et la musique relayeraient la philosophie. C'est pourquoi l'auteur, dans tous ses livres, a étudié de préférence les formes les plus impalpables de ce qu'il appelle le Presque-rien : l'ineffable musical (par exemple le charme chez Fauré et l'instant insaisissable chez Debussy), le je-ne-sais-quoi impondérable de l'innocence et de l'intention (Traité des vertus), la mort elle-même qui est l'indicible par opposition à l'ineffable du mystère amoureux, et enfin la Pureté. La pureté n'existe pas, au sens chronique, historique, local du verbe exister : psychologiquement personne n'est pur, c'est-à-dire sans mélange d'arrière-pensées, d'arrière intentions, de motivations égoïstes et de petits calculs. Et pourtant ce n'est pas une raison pour dire que ce presque-rien n'est rien : Fénelon et Kant nous confirment dans cette conviction. Je suis impur c'est-à-dire mélangé, analysable, descriptible à tout moment, en d'autres termes, concret. Et pourtant, dans un éclair instantané, l'évidence de la pureté reparaît quand je cesse d'en prendre conscience. Elle est l'objet de la pudeur. Anima, dit Claudel, cesse de chanter quand Animus ou la conscience consciente la regarde ; mais quand Animus cosse de regarder, Anima recommence à chanter.
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