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Un style poétique sied-il à la noirceur des âmes ?
Pour que ce savant mélange prenne il fallait bien notre Cécile Coulon. Le style poétique qu’elle a adopté depuis « Une bête au paradis » est de plus en plus travaillé et abouti au fil de ces livres. Pourtant mon préféré restera « Trois saisons d’orage ».
Ce qui est certain c’est que chaque mot est pesé, à sa place. Chaque phrase est soupesée afin que nous nous approchions nous aussi du tréfonds de l’âme humaine. Plus noir qu’un polar sanguinolent, ce petit livre secoue. Comme Cécile Coulon le voulait.
L’histoire est simple et courte ; on est chez les rebouteux, mère et fils. La mère a tout appris au fils et un jour vint où ce fils sera plongé, seul, dans la vraie vie. Il devra écouter mais surtout entendre la langue des choses cachées afin de soigner ceux que la médecine n’arrivait plus à soigner.
Personne n’a de prénom, personne n’a d’identité définie, et pourtant tout les distingue, tout les identifie.
J’en suis ressortie avec un peu trop de noir au corps, à ma tête. Peut-être aurais-je dû attendre quelques semaines avant de faire ce retour de lecture, mais je doute qu’il serait autre. J’en suis d’ailleurs encore à me demander dans quelle rubrique les libraires devraient le ranger. C’est un savant mélange de poésie, de conte, de roman et de fiction intemporelle.
Difficile de dire à quel lecteur il parlera, quelle lectrice il subjuguera. Si je le recommande, je sais que je joue à quitte ou double. Par contre une chose est certaine, cette écriture est d’une intelligence, d’une finesse, d’une justesse indéniables. Et tout grand écrivain vous dira que l’écriture est la qualité essentielle pour qu’un livre devienne une oeuvre, pour qu’un auteur devienne une « plume qui traverse le temps ».
La langue des choses cachées nous plonge dans un décor monochrome, un village archétypique loin des repères du temps. En compagnie de personnages qui ne connaissent des ondes que celles que leur perception capte et émet. Pas de pylônes, pas de gadgets, juste un lien fort et permanent au vivant.
L’intrigue met en scène le fils, celui qui a été envoyé pour perpétuer les dons de celle qui connaît les secrets les plus intimes des âmes qui guettent derrière les seuils. Avec une obligation de résultats : la mission est l’occasion de faire ses preuves, de légitimer sa présence. Mais son souci de bien faire ne risque t-il pas de créer le chaos ?
Ce court roman est de ceux qui laissent une trace, par l’ambiance si particulière qu’il crée. La prose est ciselée comme une dentelle à l’ancienne. Chaque mot compte. Pas de fioritures, juste la magie des phrases qui fait la poésie. Une sorte de passerelle entre les romans et le recueil de poésie de l’autrice
“Car c'est ainsi que les hommes naissent, vivent et disparaissent, en prenant avec les cieux de funestes engagements.”
Le prologue est exceptionnel de puissance lyrique. Les premières phrases claquent, plaçant immédiatement le récit dans la tragédie de la condition humaine vouée irrémédiablement à la prédation et la violence. Puis le récit se resserre dans le huis clos d'un hameau isolé où se rend un jeune guérisseur au chevet d'un garçonnet, le temps d'une nuit de terreur ancestrale.
Comme dans un conte, on est totalement hors du temps tant l'histoire
pourrait se passer aussi bien au Moyen-Âge qu'aujourd'hui. Comme dans un conte, les personnages n'ont pas de prénom, c'est juste le fils, c'est la mère, c'est l'homme aux épaules rouges. Comme dans un conte, il y a un interdit, ici laissé par la mère un peu sorcière qui passe le relais à son fils : ne jamais s'écarter de sa mission de guérisseur, sinon ...
« Au milieu de cette foule aveugle, titubante ( les hommes ), certains comprennent les choses cachées. Ils devinent en silence les grands tremblements du corps, les affaissements soudains du sang, ils possèdent le don, la force. Ils se mêlent aux autres et les soignent, les apaisent, ils ressemblent à des hommes et des femmes mais ils portent en eux des décennies de douleur et de joie, ils connaissent le feu, ils l'ont en eux, ils maîtrisent les flammes. »
Le fils comprend la langue des choses cachées, il comprend ce qu'il se passe dans les maisons, dans les corps, dans les têtes, il ressent ce qui ne se voit pas, il entend le langage qui existe dans les silences et ses sous-textes qui sont les secrets. Nous sommes dans un conte noir sur le passage à l'âge adulte, une histoire de transgression. le fils aura une décision à prendre en s'affranchissant d'un ordre établi venu du fonds des âges, il devra agir contre tout ce que sa mère lui a transmis, quitte à réveiller les fantômes et tout risquer d'embraser.
L'écriture de Cécile Coulon accompagne le parcours nocturne du fils avec une force incroyable. Avec peu de mots - mais terriblement évocateurs-, elle convoque une atmosphère pleine de mystères, de malédictions, d'opacité irrationnelle à la lisière de l'horrifique, tout en déroulant un récit à la limpidité évidente. le lecteur ne voit rien mais comprend tout des enjeux suggérés, pris dans des sensations intenses qui le retournent et le glacent lorsqu'il entrevoit le terrible du destin passé et en marche lors de quelques scènes aussi fulgurantes que poétiques.
Il est rare de lire un roman aussi court et fervent qui parvient à décrire un microcosme humain éruptif avec une scénographie des lieux marquante. La concision sert la sidération de ce qui est raconté sur l'histoire éternelle de la résilience des femmes face à la brutalité du monde et des hommes.
« Oui c'est ainsi que vient la mort.(...) elle se révolte contre ce qui était prévu, écrit, mis en place, elle se fiche des lois qui ne sont pas les siennes. Seuls comptent pour elle la langue des choses cachées, les fantômes pris dans leurs chaînes comme un grand amour dans un coeur brisé, les animaux coupés en deux au bord de forêts sombres dévastés par la pluie, les bâtiments écroulés où naissent encore des oiseaux grinçants de faim. C'est ainsi que vient la mort, nous l'accueillons avec des bars pleins de fleurs, des yeux pleins de larmes surpris qu'elle nous connaisse si bien, et qu'elle éveille en nous des amours plus fortes que la vie elle-même. »
Je suis très admirative du travail de Cécile Coulon, que ce soit ses poèmes ou ses romans. Celui-ci est assurément un de mes préférés avec Une Bête au paradis.
« Car c’est ainsi que les hommes naissent, vivent et disparaissent, en prenant avec les cieux de funestes engagements […] Au milieu de cette foule aveugle, titubante, certains comprennent les choses cachées. Ils guérissent, voilà, on les appelle pour cela, mais c’est bien autre chose que nous ne comprenons pas »
C’est un roman noir, terriblement noir.
Noir, comme Le fond du puits, le nom de ce lieu-dit isolé où se déroule ce drame. Un endroit toujours à l’ombre, que le soleil a puni, où plus jamais il ne vient.
Noir comme la nuit épaisse qui accueille ce fils , venu à l’appel d’un prêtre, pour un cas désespéré, par une nuit menaçante ponctuée de hululements et de froissements de branches, un fils, alors que l’on attendait sa mère, un fils chargé du flambeau qu’elle lui a transmis. Mais ce garçon n’a pas besoin de lumière pour faire son travail car il voit les choses cachées et ne connaît que les ombres qu’il traque au fond des âmes, fussent elles maudites.
Noir enfin comme les pires secrets, les non dits oppressants qui étouffent ce hameau isolé.
Noir comme la mort?
.
Ce roman m’a déroutée et je crois l’avoir autant aimé qu’il m’a questionnée.
J’ai aimé son atmosphère lourde, oppressante et mystérieuse. Cette noirceur omniprésente qui nous englue dès les premières lignes.
J’ai aimé l’écriture, très allégorique, lyrique, parfois même incantatoire. Une écriture fiévreuse et magnétique, puissante, envoûtante et furieuse qui contribue à alourdir encore le mystère autour de cette sombre histoire.
J’ai été, en revanche, moins sensible à l’histoire elle même. Il m’a manqué un peu de matière ou quelques pages de plus. C’est sûrement un choix pour laisser un maximum de place au mystère mais ces ellipses m’ont laissée un peu en marge de l’intrigue.
Il n’en reste pas moins que ce roman est à lire. L’épilogue est à lui seul éblouissant.
À lire comme un conte cruel, comme une légende, comme une transe.
Un texte qui ne laisse pas indifférent.
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