Astrid Houssin signe ce récit sur la douleur et la reconstruction
Positivement, il devenait assommant, ce capitaine de Boisguignard, avec ses éternelles histoires de bonnes fortunes. Et à l'oeil, vous savez, tout le temps à l'oeil.
Car c'était sa grande vanité et sa gloire suprême, au capitaine de Boisguignard, de posséder toutes les femmes de L..., sans bourse délier, toutes, depuis la femme du trésorier général jusqu'aux petites modistes de la rue Nationale et passant par les dames du théâtre et des domiciles faciles.
Comme c'était une manie chez lui, aucun de ses collègues n'y faisait plus attention. Parfois, au récit de ses aventures amoureuses, quelqu'un risquait :
- À l'oeil, naturellement ?
Et Boisguignard répondait sans sourciller :
- Bien entendu.
Le soir du dernier Mardi Gras, ces messieurs les officiers avaient joyeusement fêté le carnaval. La gaieté battait son plein, et la Folie agitait ses grelots si vertigineusement qu'on aurait juré une sonnerie électrique.
Le jeune vicomte de la Folette, sous-lieutenant frais émoulu de Saint-Cyr, lisait tout haut dans l'Avenir militaire des circulaires apocryphes du général Boulanger qu'il inventait avec beaucoup d'imagination et de sang-froid : « Mon général, à partir du 1er juin, vous voudrez bien veiller à ce que l'infanterie soit montée. Quant à la cavalerie, dorénavant, elle ira à pied. C'est bien son tour. Agréez, etc. Signé : Boulanger. »
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