Des ouvrages pour les adultes et les plus jeunes, qui aident à découvrir et comprendre la culture sourde
À la fin du XIX siècle déjà, le chansonnier Pierre-Jean de Béranger a été emprisonné pour blasphème et, en 1917, La chanson de Craonne envoyait directement les mutins devant le peloton d'exécution. De l'après-guerre à 1981, le comité d'écoute de la Radiodiffusion française classait les chansons en quatre niveaux : autorisées, diffusion après 22 heures, diffusion après minuit, ou interdites d'antenne. Cette magnitude de la subversion a distingué Georges Brassens, les Frères Jacques ou Léo Ferré comme ses meilleurs clients, mais rares furent les chanteurs épargnés. La pudibonderie, le politiquement correct ne sont pas une exclusivité française. La BBC a interdit la diffusion des Beatles ou de Donovan, leurs textes faisant allusion à la drogue. Avec le temps, les procédures ministérielles, les gesticulations des ligues de bien-pensance prennent le relais. Un nouveau wagon d'artistes en pâtit, de Gainsbourg à Renaud en passant par les NTM. Politique, antimilitarisme, religion et sexualité constituent l'ordinaire des mises à l'index - temporaires le plus souvent, le temps que la société évolue. Les cent chansons sélectionnées dans cet ouvrage sont autant de marqueurs de la sensibilité de la société.
La poésie dérange souvent ; Villon, Rimbaud ou Baudelaire, pour ne citer que trois poètes, en ont fait l'amère expérience. La (bonne) chanson, qui n'est qu'une forme particulière de poésie, ne pouvait échapper à cette "règle"...
Qu'il s'agisse d'atteinte aux bonnes mœurs (sexualité et érotisme), de remise en cause des militaires et des guerres, de propos politiquement incorrects ou s'opposant aux politiques ou aux religions 'officielles", ou de supposées apologies des drogues (pour reprendre la classification utilisée dans l'ouvrage), les raisons ne manquent pas pour qu'une forme ou une autre de censure s'exercent.
Qu'il s'agisse de décisions de justices, de contraintes posées par les pouvoirs qui ont longtemps maîtrisé des radios et télévisions d'état, voire d'autocensure des programmateurs de musique, qu'elles se traduisent par des interdictions pures et simples, des interdictions de programmation aux heures de grande écoute ou de charcutage de textes, les censeurs se montrent inventifs...
L'ouvrage présente donc le destin de 100 chansons qui ont subi les outrages de la censure, nombreuses pour des motifs qui paraissent tout à fait anodins quelques décennies plus tard, voire même à l'époque des faits. Destin qui n'est pas aussi "dramatique" qu'on pourrait l'imaginer puisque souvent la censure entraine une conséquence que les censeurs n'avaient pas imaginée : le texte censuré connaît un succès populaire qu'il n'aurait peut-être pas rencontré dans d'autres circonstances. Ce qui s'appelle "se tirer une balle dans le pied" !
Intéressant ouvrage donc, pour qui s'intéresse un peu à l'histoire de la poésie et/ou de la chanson, auquel je ferai un petit reproche : j'aurais apprécié qu'il inclut le textes des 100 chansons concernées...
Chronique illustrée : http://michelgiraud.fr/2021/02/11/100-chansons-censurees-emmanuel-pierrat-et-aurelie-sfez-hoebeke-interessant-pan-dhistoire-de-la-chanson/
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