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Volonte et involonte dans la pensee occidentale et orientale

Couverture du livre « Volonte et involonte dans la pensee occidentale et orientale » de Michel Larroque aux éditions L'harmattan
Résumé:

Dans la pensée occidentale, l'existence morale accomplit la volonté. L'esprit acquiert son autonomie en imposant sa loi à la nature. Sâmkya et Râja yoga se situent dans le prolongement de cette ascèse et à sa limite extrême : l'esprit ne doit pas seulement dominer la nature mais s'en libérer. À... Voir plus

Dans la pensée occidentale, l'existence morale accomplit la volonté. L'esprit acquiert son autonomie en imposant sa loi à la nature. Sâmkya et Râja yoga se situent dans le prolongement de cette ascèse et à sa limite extrême : l'esprit ne doit pas seulement dominer la nature mais s'en libérer. À l'opposé, Taoïsme, Bouddhisme Zen, et Quiétisme chrétien proposent une définition toute autre de la vie spirituelle, avec la condamnation de la réflexion, coupable de cliver l'unité de l'être, avec la recommandation de « lâcher prise », le refus de maîtriser le cours du temps par la pensée, l'abolition du moi conscient... Ces analogies attestent une identité d'expérience : l'involonté est une structure mentale indépendante des contextes culturels où elle s'est historiquement investie.

EXTRAIT : Il y a entre les expériences d'involonté que nous avons étudiées de nombreuses analogies. On peut distinguer des ressemblances de vécu, de procédés et de problèmes. Ressemblance de vécu d'abord. Tous les états étudiés se caractérisent par la passivité. Tel est le sens de l'invitation au sommeil dans l'hypnose qui ne crée pas un authentique sommeil physiologique mais l'état d'abandon correspondant à la représentation subjective que le patient a du sommeil. Mais l'abolition de l'effort est aussi la clé d'une autosuggestion réussie, la condition d'accès à l'expérience mystique et sans doute même le propre de toute mentalité religieuse qui « tourne autour du pivot de la passivité ». C'est pourquoi des consignes identiques d'abandon se retrouvent dans le Quiétisme et dans le Zen même s'il est précisé qu'un effort préalable doit préparer l'accueil de la grâce. La suppression de l'effort entraîne la disparition du clivage qu'il institue. Identifié à lui-même, coïncidant avec sa nature, l'être est unifié. C'est pourquoi il ne réfléchit pas sur ses états, il ne contrôle pas ses actes. Ces caractères sont manifestes dans l'hypnose ; ils font l'objet de prescriptions dans l'autosuggestion. Mais on les retrouve aussi dans les spontanéités spirituelles. À l'aphorisme oriental selon lequel le véritable esprit est absence d'esprit, Wu Shin (c'est-à-dire absence d'esprit second), fait écho la condamnation du retour sur soi et de la réflexion par le Quiétisme. Il s'ensuit que dans ces perspectives l'activité est purement instinctive, aux antipodes du comportement volontaire qui s'efforce de justifier des buts et de peser les moyens. L'être s'abandonne une finalité naturelle étrangère à la délibération et au calcul. Madame Guyon rédige son commentaire du « Cantique des cantiques » dans une disposition d'esprit analogue à celle de l'adepte Zen maniant l'épée, l'arc ou le pinceau, comparable à celle des hystériques de Janet capables de conduites complexes à condition de n'y pas réfléchir. Dans tous ces cas, comme dans les thérapeutiques visant à rétablir une fonction naturelle, il s'agit de s'abandonner à un dynamisme impersonnel, à une spontanéité créatrice étrangère à la pensée d'un plan. Il s'ensuit que les modes de conscience étudiés excluent le jugement. Ainsi, c'est par une incapacité à penser les idées de rapport, c'est-à-dire à juger, que Janet définit l'étroitesse du champ mental, clef de la suggestion. Le Zen méprise les aspects conceptuels et discursifs de la vie intellectuelle, condamne l'érudition, se moque du discours. De même les mystiques opposent la voie parfaite de la contemplation à la méditation bonne seulement pour ceux qui débutent dans la vie spirituelle. Dans tous ces états, on constate la disparition de l'ego. Le sentiment du moi très affaibli dans l'hystérie, annihilé dans l'hypnose, est dénoncé par le Zen comme l'illusion majeure. Il en va de même dans le Quiétisme où la désappropriation n'est pas seulement renoncement à l'amour-propre mais abolition de la conscience propre, dépersonnalisation. Le sujet éprouve qu'une puissance supérieure prend le relais du moi disparu : c'est la volonté de l'hypnotiseur, la nature à laquelle on s'abandonne avec confiance, un « quelque chose », qui tire la flèche ou manie le pinceau, le Tao ou Dieu. Enfin l'hystérie, hétéro et auto hypnose, mystique orientale ou chrétienne, se caractérisent par un rapport au temps identique. La durée n'est pas objectivée par une sorte de mise à distance qui permettrait d'en embrasser la totalité ; le sujet coïncide avec sa mouvance même. C'est ce qui explique la fascination par le présent, l'oubli du passé et de l'avenir dans l'hystérie ou l'hypnose, l'invitation à vivre « ici et maintenant » dans le Zen, l'absence de souvenir « des actes simples et directs » chez les mystiques, le refus commun à l'adepte du Zen et au Quiétiste de s'assurer de l'avenir, et aussi une certaine efficacité gestuelle dans la mesure où le sujet s'identifie au « se faisant » de l'acte au lieu d'en forger une représentation extérieure paralysante car en figeant la mobilité.

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