Rendez-vous le mercredi 16 octobre à 19h sur le site « Un endroit où aller »
«S'il y avait un message diffusé dans des haut-parleurs avant l'entrée en territoire de fiction, il ressemblerait, curieusement, à celui des assurances ou des banques jointes par téléphone:Patientez quelques instants, vous allez être mise en relation... Ce que je cherche, sans doute, depuis le début, en tant que lectrice et en tant qu'écrivaine, ce sont des récits qui me permettent d'entrer en relation avec des êtres qui me sont inconnus et me deviendront proches, tout comme des récits qui leur permettent - à l'intérieur de la fiction - des relations riches, complexes et fragiles.»Avec Toute une moitié du monde, Alice Zeniter écrit un livre hautement stimulant, fondé sur ses expériences personnelles de lectrice avant tout, mais d'écrivaine aussi, un livre qui nous invite à repenser nos façons de lire les histoires qu'on nous raconte. C'est aux lecteurs que nous sommes qu'il s'adresse, c'est avec eux qu'il converse, avec autant de sérieux que d'allégresse, autant d'humour que d'érudition. Ce livre est tout simplement l'histoire d'une femme qui aimerait qu'on ouvre en grand les fenêtres de la fiction.
Un essai, une réflexion, Alice Zeniter se dévoile à travers ce livre, un peu comme une confidence de l'auteur au lecteur. Sensible, bien écrit, on feuillette ces pages avec plaisir.d
« Bien qu'on soit deux moitiés de la société,
Ces deux moitiés pourtant n'ont point d'égalité :
L'une est moitié suprême et l'autre subalterne ;
L'une en tout est soumise à l'autre qui gouverne »
C'est ainsi que au 17e siècle, le vieil Arnolphe, dans la comédie de Molière, L'ECOLE DES FEMMES présentait le rapport entre la gent masculine et la gent féminine dans la société en général et dans le couple en particulier.
On en sourit, bien sûr , mais qu'en est-il de nos jours, dans le monde de la littérature ?
C'est à cette question qu' Alice Zéniter, qui depuis 2010 appartient à la catégorie des gens de lettres réfléchit ici, à trois titres, celui d'auteure, celui de lectrice et celui de chargée d'enseignement universitaire .
Jetant un regard décapant sur la production romanesque classique qui a alimenté ses lectures pendant son adolescence, elle déplore l'image stéréotypée de leurs héroïnes « les personnages féminins que je rencontrais lors de ces lectures étaient des prisonnières, des recluses ou des ballottées par la volonté des forts » et sur l'incapacité des romanciers « à produire des personnages féminins qui soient autre chose que leur propre fantasme »
Difficile alors pour une lectrice actuelle d'en faire des modèles ou de s'identifier à elles .
Même si dans la dernière partie qui porte sur la narratologie, elle adopte un ton plus sérieux, la tonalité générale de ses propos est toujours alerte, souvent incisive.
Son but est d'instaurer une complicité avec la lectrice ( à laquelle semble le plus souvent s'adresser l'ouvrage) et de réveiller sa conscience habituée à des schémas traditionnels .
TOUTE UNE MOITIE DU MONDE : un ouvrage stimulant qui nous invite à repenser nos regards sur les personnages féminins des romans .
Ça aurait pu être un essai, une rêverie, une promenade, une auto-fiction, un livre de bonne femme. Ce n’est rien de tout ça. C’est un livre sur les livres, sur la littérature, à qui il manque "toute une moitié du monde". Pour prendre conscience de cette défaillance - la faiblesse des personnages féminins dans la fiction -, il suffit de soumettre nos films, nos séries, nos romans, au redoutable test de Bechdel:
1- Il doit y avoir deux femmes nommées
2- Ces femmes parlent ensemble
3- Elles parlent d’autre chose que d’un homme
Essayez, c’est radical, même pour les œuvres les plus récentes.
Après avoir publié sept romans, tous salués par la critique, Alice Zeniter avoue ici être lassée par la fiction, incomplète et décevante. En tant que lectrice d’abord, face à ces personnages féminins exclusivement exposés sur le mode de la fascination, de l’attraction, de la possession et de la sexualité. En tant qu’écrivaine ensuite, désespérément soumise au plafond de verre du milieu littéraire. Heureusement, Alice sait s’entourer dans ce livre. Elle convoque Lola Lafon, Virginie Despentes, Julia Kerninon, pour tacler la "parade virile": ces auteurs qui surjouent le mythe du mec qui écrit, qui fume et qui boit, comme Hemingway.
Surtout, elle revient au texte. C’est parfois technique: elle distingue lectant et lisant, elle sonde le paradigme structurant, elle ose l’adverbe "quintessentiellement". Mais loin d’être élitiste, elle questionne ces heures passées au sein de nos fictions, peuplées "de rencontres déraisonnables, de discussions trop longues avec des affreux et des enragées, de traversées de lieux insoupçonnés derrière des portes pourtant familières." Dans la vie, les mots, usés, échouent. Dans les livres, il y a cette idée d’un "agrandissement du monde" qui me touche profondément. Voilà pourquoi j’ai cette rage de lire, cette furieuse envie de souligner les phrases, de prendre en photo les pages, de retenir les mots.
J’ai la sensation que ce livre d’écrivaine et de lectrice a été écrit pour moi, pour nous. Jusqu’aux notes de bas de page, drôles ou énervées, qui viennent fracturer les chapitres et les fendre d’un sourire immense.
Toute une moitié du monde - Alice Zeniter
Un essai, oui ! Mais l’autrice veut exorciser ce mot de ce livre et témoigne davantage d’une promenade. Une promenade où Alice Zeniter veut nous faire découvrir la portée des livres, sa place de lectrice, ainsi que celle d’autrice.
On y retrouve des passages d’auteurs qui ont marqué sa vie, qui l’a inspirée.
Elle fait la critique par des statistiques des prix littéraires comme le combat de ses idées plutôt féministes.
Elle témoigne, ce que nous tous, grands lecteurs, nous aimons découvrir à travers les romans : le lâcher prise et se laisser porter à travers des romans ; aimer, pleurer et être un personnage.
Nourrie par la bibliothèque de sa vie, elle exprime dans ce livre la force de la lecture sur les traits de sa vie.
Très belle écriture et compréhensif pour celles et ceux qui veulent découvrir un essai.
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