Les personnages, tout d'abord, sont attachants, tous à leur manière. A savoir que tous les personnages sont noirs de peau, et que le thème du racisme est omniprésent dans ce livre. On trouve différents points de vue au sein de ce récit. Tout d'abord, celui de Joséphine Linc. Steelson, une...
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Les personnages, tout d'abord, sont attachants, tous à leur manière. A savoir que tous les personnages sont noirs de peau, et que le thème du racisme est omniprésent dans ce livre. On trouve différents points de vue au sein de ce récit. Tout d'abord, celui de Joséphine Linc. Steelson, une vieille femme, une "vieille négresse" comme elle le dit elle-même, mais aussi une jeune maman avec son garçon, Byron. Un homme qui revient d'une plateforme pétrolière est a été quelque peu traumatisé par cette expérience, puis Buckeley, un criminel, entouré de ses "collègues" prisonniers, et un révérend (blanc de peau cette fois) qui se prend pour la main de Dieu. Je les ai tous trouvé touchants, sauf le révérend que j'ai eu envie de tuer à plusieurs reprises et que j'ai détesté au plus haut point. Tout ce petit monde va se croiser à diverses occasions, à plusieurs reprises et nous allons suivre ce périple à leurs côtés.
L'écriture de Laurent Gaudé est très rythmée. Lorsque la "vieille négresse" s'exprime, le paragraphe commence toujours par "Moi, Joséphine Linc. Steelson, négresse depuis presque cent ans" ce qui permet de nous familiariser avec cette femme et avec le récit. Le changement de point de vue apporte également une réelle dynamique à l'histoire. Grâce aux points de vue interne utilisé par quelques uns des personnages, on se met véritablement à leur place, et on vit le cauchemar dans lequel ils sont. Le point de vue omniscient du narrateur nous permet, lui, de mieux comprendre tout ce qui se passe dans la ville, les conséquences de l'ouragan, le passé des personnages.
On trouve également dans ce récit une (légère) critique de la société américaine qui ne cesse de revenir à cette discrimination, ce racisme, où les blancs se pensent supérieurs et où les afro-américains sont laissés pour compte.
« Ils nous discernent mieux maintenant, ils peuvent nous compter et voir qu'il n'y a qu'une seule couleur dans le bus (...) et je vois qu'ils comprennent enfin que tous ceux qu'ils ont laissés derrière eux étaient noirs. Ils ont honte. C'est bien. (...) Qu'ils baissent les yeux. »
Ce livre nous plonge dans une atmosphère palpable, là où tout peut arriver, où les humains sont livrés à eux-même et peuvent sombrer très rapidement dans la folie. On est transporté en Louisiane, au cœur des bayous et de la détresse des gens. Je ne suis pas prête d'oublier cette lecture.
Je vous partage un extrait qui m'a vraiment marquée dans ce récit, et qui reflète, d'après moi, l'une des plus grandes vérités sur cette Terre.
« Les hommes détalent, ils ont tort. Ils devraient rester pour voir que leurs maisons ne sont rien, que leurs villes sont fragiles, que leurs voitures se retournent sous le vent. Ils devraient rester car tout ce qu'ils ont construit va être balayé. Il n'y aura plus d'argent, plus de commerce et d'activité. Nous ne sommes pas à l'échelle de ce qui va venir. Le vent va souffler et il se moque de nous, ne nous sent même pas. Les fleuves déborderont et les arbres craqueront. Une colère qui nous dépasse va venir. C'est bien. Les hommes qui restent et verront cela seront meilleurs que les autres. Nous allons tout perdre. Nous allons nous accrocher à nos pauvres vies comme des insectes à la branche, mais nous serons dans la vérité nue du monde. Le vent ne nous appartient pas. Ni les bayous. Ni la force du Mississippi. Tout cela nous tolère, le plus souvent, mais parfois, comme aujourd'hui, il faut faire face à la colère du monde qui éructe. La nature n'en peut plus de notre présence, de sentir qu'on la perce, la fouille et la salit sans cesse. Elle se tord et se contracte avec rage. Moi, Joséphine Linc. Steelson, pauvre négresse au milieu de la tempête, je sais que la nature va parler. Je vais être minuscule, mais j'ai hâte, car il y a de la noblesse à éprouver son insignifiance, de la noblesse à savoir qu'un coup de vent peut balayer nos vies et ne rien laisser derrière nous, pas même le vague souvenir d'une petite existence. »