Une plume vive, des héros imparfaits et une jolie critique de notre société
" alejandra habitait un appartement minuscule au coeur de buenos aires.
[. ] près de son bureau, elle avait épinglé une phrase d'artaud : " il fallait d'abord avoir envie de vivre. " la chambre était sobrement meublée : le bureau, un lit, quelques livres et un petit tableau noir sur lequel elle ébauchait ses poèmes, à la façon d'un sculpteur, entaillant à petits coups un bloc qu'elle savait receler quelques mots essentiels et précieux. tout son art consistait à parvenir à ce noyau caché au coeur d'une masse complexe de pensées, d'images et d'intuitions, en décomposant un argument poétique afin d'en atteindre le dénominateur fondamental.
elle écrivait des phrases au tableau et puis, jour après jour (ou nuit après nuit de veille), elle effaçait un mot après l'autre, en remplaçait certains, en supprimait d'autres jusqu'à ce que finalement, au prix d un effort physique considérable, elle laissât subsister quelques vers, durs et étincelants comme des diamants, qu'elle copiait alors dans ses carnets de son écriture minuscule et régulière d'écolière.
ecrire, c'est donner un sens à la souffrance, notait-elle dans son journal en novembre 1971. [. ] dans son journal, le 30 octobre 1962, après avoir cité don quichotte (mais ce qui fit le plus plaisir à don quichotte fut le silence merveilleux qui régnait dans toute la maison. "), elle a écrit : ne pas oublier de me suicider. " le 25 septembre 1972, elle s'en est souvenue. " alberto manguel (extrait de la postface).
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