Thème est un inconnu proche comme est proche un souvenir important mais un peu oublié. C'est une présence qui est seule, sans visage ni nom, mais qui soudain peut paraître dans mes livres. Alors il devient comme une ombre qui rôde autour d'un port ou un personnage qui souffre d'amour. C'est un personnage indéfini, il s'adapte à ce que j'attends de lui. Comme une source d'inspiration. Et pourtant ce n'est pas un sujet, il n'a pas d'histoire à raconter. Je me laisse guider par lui sans essayer de trouver un personnage véritable comme ceux des romans.
Je ne peux pas communiquer avec Thème, mais je sais qu'il rôde de tous côtés sans fonction définie. Ne pas avoir le moindre renseignement sur lui, non seulement sur son pays, sa langue, mais encore à qui ou à quoi il sert de témoin, le rend indescriptible. Il est là sans attendre.
Il n'est pas plus un personnage qu'une personne et il est autant le portrait d'un tableau que celui d'un livre. Qu'il soit visible ou invisible, il s'infiltre dans les pages que j'écris non pas toujours comme un intrus, mais comme un frère.
Silvia Baron-Supervielle
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