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Moi, le suprême évoque la figure historique de José Gaspar de Francia, dictateur du Paraguay de 1814 à 1840. Tyran pour les uns, père de la patrie pour les autres, ce despote éclairé influencé par les philosophes français dota son pays d'une agriculture, d'une industrie, d'une législation et d'une armée modernes. Il fut l'artisan de l'émancipation paraguayenne. Mais que le lecteur ne s'attarde pas à trouver ici une biographie romancée ou un roman historique. Ce monument littéraire est un livre polyphonique, où le monologue du Suprême se ramifie, telle une constellation chorale, en de multiples voix : celle du tyran seul avec lui-même ou dictant ses écrits et ses délires mortels à son secrétaire Patino; celle de ses opposants anonymes ou fantomatiques; celle des mythes paraguyens enfouis mais vivants dans l'inconscient collectif. En même temps qu'il restitue la geste libératrice latino-américaine et dénonce la trahison dictatoriale du pouvoir révolutionnaire, ce somptueux roman philosophique est une réflexion rarement égalée sur le langage littéraire. Parce qu'il bouleverse les règles du roman et de l'écriture, Moi, le Suprême demeure, parmi ce que l'on a appelé "les romans de la dictature", un chef-d'oeuvre absolu.
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