C'est la quête de l'ultime, dans des conditions extrêmes pour le corps et l'esprit. Seuls une poignée d'alpinistes sont assez fous pour se hisser à plus de 8 000 mètres en Himalaya, quand il fait jusqu'à - 50 °C et que le vent souffle à 150 km/h. Qu'est-ce qui aimante aux sommets ces « guerriers des glaces » ?
Le sauvetage spectaculaire d'Élisabeth Revol au Nanga Parbat, 8 125 mètres, en janvier 2018, a mis en lumière une discipline méconnue : l'himalayisme hivernal. Qui sont les alpinistes voués à cette quête suprême ? Quelles sont leurs motivations pour affronter des conditions inhumaines ? Quelle est l'histoire de cette pratique extrême de la montagne ?
Spécialistes des faits de société, Émilie Brouze et Bérénice Rocfort-Giovanni ont enquêté sur cet univers insensé. Leur livre s'adresse à ceux que l'engagement de ces conquérants de l'inutile subjugue et interpelle. Elles se sont entretenues avec Krzysztof Wielicki et Leszek Cichy, premiers vainqueurs d'un « 8000 » en hiver, l'Everest, en 1980, au sein d'une expéditionnationale polonaise. Les Polonais sont restés leshéros de l'hiver himalayen jusqu'à la chute du mur de Berlin. Depuis, rares sont les grimpeurs à se risquer en Himalaya durant la saison hostile.
Les drames, en revanche, ont été nombreux. Entre autres, Anatoli Boukreev, Jean-Christophe Lafaille, Tomasz Mackiewicz, trois personnalités tourmentées, ne sont pas revenus. Le témoignage de l'Italien Simone Moro, l'une des figures actuelles de la geste hivernale, est éloquent. Tout comme sont passionnants les échanges des auteures avec Élisabeth Revol et ses sauveteurs, Denis Urubko et Adam Bielecki, inlassables « guerriers des glaces ».
Les deux auteures précisent dans une introduction qu'elles ne sont pas alpinistes, mais journalistes. En janvier 2018, elles découvrent l'incroyable sauvetage d'une française inconnue du grand public qui est en perdition dans l'Himalaya. Elisabeth Revol est sauvée grâce à l'intervention des grimpeurs polonais Adam Bielecki et Denis Urubko, alors que son compagnon de cordée, Tomasz Mackiewicz, ne survit pas à cette expédition sur le Nanga Parbat, l'un des quatorze sommets de plus de huit mille mètres.
Les deux femmes remuent ciel et terre pour rencontrer cette miraculée, qui accepte, alors qu'elles n'y croyaient plus, de les rencontrer.
Les deux journalistes ressortent de cet entretien avec l'envie de tout connaître de cette « facette de l'alpinisme que seuls une poignée d'hommes et de femmes pratiquent », cet himalayisme hivernal où, comme le dit l'un des sauveteurs, « on atteint les limites de la condition humaine », à la hauteur des avions de ligne, par des vents atteignant 150 km/h et des températures plongeant jusqu'à -60°C, et où l'oxygène se fait rare.
Ce n'est pas un hasard si le sauvetage d'Elisabeth Revol a été assuré par des alpinistes polonais qui participaient à une expédition sur le K2, un autre huit mille. Depuis les années soixante dix, la Pologne a vu naître une génération d'himalayistes, « les guerriers de la glace », qui se sont lancés dans un nouveau défi après avoir été absents de la conquête des sommets himalayens en été et des alpins en toute saisons : gravir en hiver les huit mille. En février 1980, le sommet de L'Everest est atteint par Leszek Cichy et Krzystof Wielicki.
Ce qui intéresse surtout les deux auteures, c'est de tenter de comprendre la psyché de ces explorateurs, les motivations qui les poussent à affronter des conditions aussi extrêmes, en toute conscience que la moindre erreur ou défaillance risque d'être fatale.
Pour les lecteurs qui ont des références en la matière, certains noms rappelleront quelques souvenirs, à travers les chapitres évoquant quelques figures et expéditions marquantes de l'alpinisme hivernal.
Un récit impressionnant, qui rend hommage à ces aventuriers de l'extrême, quel que soit l'avis que l'on peut avoir sur l'intérêt de ce que réalisent ces hommes et ces femmes, qui se rapprochent le plus de ceux que Lionel Terray appelait : « les conquérants de l'inutile ».
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