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Les mots pour le dire ; de la haine et de l'insulte en démocratie

Couverture du livre « Les mots pour le dire ; de la haine et de l'insulte en démocratie » de Fabrice Humbert aux éditions Gallimard
  • Date de parution :
  • Editeur : Gallimard
  • EAN : 9782072943430
  • Série : (-)
  • Support : Papier
Résumé:

«Par quelle aberration peut-on penser que la politique consiste à désigner des ennemis alors qu'elle est la définition d'un partage : ce que nous avons en commun, nous individus, à l'intérieur d'une société et comment nous devons l'organiser ?»

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Avis (1)

  • Dans ce “Tract” d’à peine 45 pages, Fabrice Humbert pose un constat décourageant : “Nous sommes pris en étau entre une parole politique dévitalisée, perdue dans les habiletés rhétoriques et les ruses, et un hurlement systématique, dénué de raison, sinon d’habileté démagogique, d’une partie de la...
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    Dans ce “Tract” d’à peine 45 pages, Fabrice Humbert pose un constat décourageant : “Nous sommes pris en étau entre une parole politique dévitalisée, perdue dans les habiletés rhétoriques et les ruses, et un hurlement systématique, dénué de raison, sinon d’habileté démagogique, d’une partie de la société civile. Le piège de cette double parole, c’est qu’elle est intéressée mais sans vraie signification pour une démocratie. Or une société ne peut subsister si elle n’a pas de sens“.

    A partir de là, il formule dix “propositions” dans lesquelles il tente d’expliquer les origines du malaise actuel du débat démocratique, avant de montrer que le dialogue est précisément la condition sine qua non d’une société démocratique.

    Pourquoi une partie de la société civile s’acharne-t-elle à déverser haine et insultes sur tout qui ne partage pas son avis? Pour Fabrice Humbert, cela s’explique, d’une part, par la dévitalisation du langage politique : fondé sur “le rêve d’une parole en acte”, c’est-à-dire sur l’idée que parler suffirait pour régler les problèmes, le langage politique déçoit (ne peut que décevoir), puisque ses mots ne sont/font pas la réalité. Ils sont impuissants, tournent autour du pot (la langue de bois), ne rendent pas compte de la complexité du réel, simplifient, et dans le pire des cas, sont mensongers. Utilisés à tort et à travers, leur sens est galvaudé, dilué, perdu. L’abstraction et la technicité du discours (parler de chiffres et statistiques plutôt que des individus) n’aident pas vraiment. C’est dans cette faille que s’engouffrent les populismes, qui ont beau jeu de dénoncer les manquements du système et de compenser cette dévitalisation en sortant (hurlant) d’autres grands mots, les majuscules, l’emphase et les superlatifs.

    D’autre part, il y a, dans une démocratie, la puissance de l’opinion publique, qui de nos jours s’exprime largement par le biais des réseaux sociaux. Souvent bruyamment, à l’emporte-pièce, dans une cacophonie assourdissante. Il ne suffit pas de parler fort pour être entendu, il faut parler plus fort que le voisin sous peine de ne pas l’être. “Les réseaux révèlent le besoin de chacun d’exprimer son individualité […]. La quête d’égalité qu’on lit partout, égalité sociale, sexuelle, raciale, est une lutte pour la reconnaissance de chacun à exister en lui-même“. Or le rôle de la démocratie et du politique “consiste à harmoniser […] l’affirmation des désirs individuels”. Mais comment harmoniser lorsque l’Autre, forcément différent puisque chacun est unique, est considéré d’emblée comme un ennemi et à ce titre, systématiquement disqualifié, éliminé symboliquement (cf la cancel culture), dans l’outrance et l’hystérie ? Ajoutons à cela que le débat public est un théâtre, avec ce que cela suppose de spectacle, de posture, de rôle à jouer et donc d’illusion. Ajoutons-y aussi que tout discours nuancé devient inaudible dans cette surenchère de violence verbale, et on ne sait plus trop comment s’y prendre pour résoudre cette quadrature du cercle.

    Face à ce déferlement polémique, la clé serait de (ré)admettre le doute. Sauf que personne n’aime l’incertitude, guère rassurante. Mais les affirmations assenées avec aplomb nuisent au dialogue, à force de rhétorique puissante mais creuse, et versent rapidement dans l’arrogance et le dogmatisme. Le doute au contraire est la condition de la liberté de penser, et la bride à l’agressivité verbale. Avec une cerise sur le gâteau : le rétablissement de l’écoute de l’autre.
    Le dialogue et le compromis comme solution/résolution de la haine et de l’insulte dans le débat démocratique, c’est un idéal difficile à atteindre, et l’auteur en est bien conscient : le compromis exige temps, patience, gestion d’intérêts contradictoires, bonne volonté générale et une forme d’empathie. Alors, vœu pieux ? Quoi qu’il en soit, Fabrice Humbert, lucide, termine sur une boutade désabusée : “Ce texte sera annulé. Ce texte n’insulte pas. Ce texte ne hurle pas. Ce texte ne crie pas au scandale. A ce titre, il ne sera ni lu ni pris en compte. C’est sa limite et son éthique“.

    Bon en fait, il y a quand même quelqu’un qui l’aura lu, et pris en compte, moi; mais qui suis-je… Toujours est-il que “Les mots pour le dire…” est un texte dense, riche, intelligent, étourdissant de finesse et de subtilité. Peut-être vain (comme le sous-entend l’auteur) mais indispensable pour qui voudrait prendre un peu de hauteur pour réfléchir posément au monde comme il va (mal).

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