On le sait, Erik Orsenna est d'abord un navigateur et un conteur, avant d'être une plume de président ou un académicien... Il lui est donc tout naturel d'explorer la conjugaison comme un archipel! Trois ans plus tôt, il nous montrait que "La grammaire est une chanson douce", dans une fable...
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On le sait, Erik Orsenna est d'abord un navigateur et un conteur, avant d'être une plume de président ou un académicien... Il lui est donc tout naturel d'explorer la conjugaison comme un archipel! Trois ans plus tôt, il nous montrait que "La grammaire est une chanson douce", dans une fable linguistique qui a eu un immense succès, prouvant combien il est agréable d'entendre parler de la langue française avec poésie et légèreté plutôt que dans le jargon scolaire...
Et c'est donc avec beaucoup de bonheur que nous nous lançons avec Jeanne et de Thomas, ces deux ados égarés dans l'archipel des Mots sous la dictature du président Nécrole, dans la suite de leurs aventures. Lorsque brusquement Thomas disparaît, Jeanne, sauvée par un cartographe, part en planeur à la recherche de son frère. Au fil de ce voyage initiatique, tel le Petit Prince allant de planète en planète, l'adolescente survole le vaste archipel des Conjugaisons.
Chaque mode a donc son île. La plus importante, où règne le principe de réalité, l'indicatif: cela est, a été, sera, c'est assuré. Le conditionnel, Orsenna lui tord le cou, d'entrée de jeu: un mode qui n'exprime rien, ni la réalité ni la non-réalité; il y a l'île des fous, celle de l'impératif, qui ne parlent que par ordre et défense, aboyant sans réfléchir des oukases contradictoires. Et puis l'île du subjonctif. La belle. La merveille. Le mode le plus compliqué, le plus subtil, de ce que peut exprimer un verbe, d'autant qu'il a récupéré les fonctions du vieil optatif grec, le mode du souhait, disparu corps et biens entre Athènes et Rome, et qui résiste encore et toujours à l'envahisseur Nécrole, le dernier pays des rêves, où Thomas a trouvé refuge...
"Au carrefour du doute, de l'attente, du désir, de l'espérance - de l'amour, aussi - le subjonctif, nous explique Orsenna, est ce lieu de tous les possibles que l'on croyait oublié, englouti, et qui ne demande qu'à resurgir pour peu qu'on veuille bien aller l'explorer". "Réclamer le possible, c'est critiquer le réel, le monde tel qu'il est, la pauvreté, les injustices." Et voilà pourquoi le subjonctif est un mode révolutionnaire!
On sent qu'Orsenna, est plus que tout autre chez lui en ce pays des mots, des phrases et des verbes. Et il ose faire ce rêve: "que les enfants ré-apprivoisent leur langue, retrouvent le goût de la découverte et aperçoivent, à travers les mots, le vertige de la liberté." Cette ambition à elle seule devrait suffire à faire de ce livre, en lieu et place des desséchants manuels de grammaire, LA référence de tous les professeurs de français, pour emmener leurs élèves en voyage dans les archipels de la langue française...