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A l'heure où la destruction des forêts suscite les plus vives inquiétudes, souvenons-nous que l'humanité et les arbres ont toujours formé un duo vital. Amoureux des forêts qu'il arpente depuis l'enfance, Dominique Roques évoque avec une lucidité sensible la magie de ses rencontres avec plusieurs grandes espèces d'arbres, tout en mettant en lumière les contradictions d'une économie essentielle à l'humanité.
Car les humains ont grandi parmi les arbres et grâce à eux. Depuis l'invention de la hache, le même paradoxe est à l'oeuvre : en coupant du bois, la population se sédentarise et abat toujours plus d'arbres. De sorte qu'en un peu plus d'un siècle, nous avons coupé la moitié des forêts de la planète. Une accélération mortifère.
Bucheron, sourceur, grand voyageur, à travers le fil conducteur du parfum, omniprésent de la cime des pins aux fumées du charbon de bois, Dominique Roques restitue magistralement le destin de forêts exceptionnelles. Les mythiques cèdres du Liban, qui servirent à ériger le temple de Salomon. Les hêtres d'Europe, symboles de mystère et de danger, abattus pour faire reculer le monde sauvage. Les séquoias géants de Californie, décimés par l'arrivée de la mécanisation, qui firent naître la conscience écologique américaine. Ou encore le gaïac bleu, bois saint du Paraguay, refuge des populations guarani. Autant d'histoires fabuleuses et souvent tragiques.
Tout sépare l'arbre, programmé pour une forme d'éternité, et l'homme, sur terre un court instant. Des Gingko ont survécu à Hiroshima, Tchernobyl est aujourd'hui densément boisé : quoiqu'il leur arrive, coupées, brûlées, les forêts repoussent, tissant inlassablement ce que nous déchirons. Mais en abîmant les arbres, c'est nous-même que nous mettons en péril.
Aussi, à la suite du Giono de L'homme qui plantait des arbres, ce récit d'une écriture magnifique appelle à protéger, restaurer et replanter les forêts sauvages. Si la nature a besoin de nous, nous avons encore plus besoin d'elle. Il y a urgence. Réconcilions-nous avec ce dernier refuge contre le bruit et la fureur des hommes.
L’auteur découvre l’univers de la forêt grâce à son père qui tronçonne des arbres. Il en fera son métier et deviendra bûcheron
« C’est dans une forêt de mélèzes dans le sud de la France que je me suis confronté au métier de bûcheron. »
Il aime les odeurs de la forêt et il va se tourner vers le métier de la production d’essences, puis celui de sourceur d’extraits naturels pour la parfumerie.
Ce qui est intéressant chez l’auteur, c’est qu’il nous raconte la déforestation de forêts prestigieuses comme celle des cèdres du Liban dont il ne reste que quelques vestiges aujourd’hui. Puis c’est la forêt primaire composée de hêtres de chênes et de conifères que les gallo-romains vont exploiter pour son bois.
L’auteur nous parle aussi de ces géants, les séquoias de Californie et c’est impressionnant.
Il évoque aussi les feux destructeurs qui ravagent les forêts.
On sent la passion de l’auteur pour la forêt et les arbres exceptionnels. Le livre se termine sur un constat optimiste, la forêt est capable de se régénérer.
Pour illustrer ce lien millénaire entre l’arbre et l’homme, Dominique Roques nous parle de cette planche de près de deux mètres de long et qui lui sert de table de travail. Cette table, qui a l’aspect d’une pierre très dure, est un morceau de bois silicifié, c’est-à-dire pétrifié, et qui vient de Madagascar.
L’auteur, qui tient sa passion des arbres de son père, parle de l’odeur de la sciure, sa madeleine de Proust, qui évoque son enfance. Pour la première fois, il assistait à la coupe d’un arbre à l’aide d’une tronçonneuse. La chute d’un arbre est toujours impressionnante
« La lenteur impressionnante des premières secondes ou l’arbre commence à basculer, puis les craquements de l’arrachement des dernières fibres liant encore le tronc à la souche sont inoubliables. »
Cette odeur de forêt va le suivre et influencer son parcours professionnel. Après avoir débuté comme bûcheron dans une forêt de mélèzes, il découvre l’art de distiller les essences de la forêt. Il devient sourceur d’extraits naturels pour la parfumerie
« Une autre façon d’entrer dans les forêts, celles des arbres à parfum »
Ses voyages l’ont conduit dans des contrées de forêts mythiques comme celle des cèdres du Liban. Halas ! Les hommes ont anéanti une forêt extraordinaire dont ne subsistent que quelques lambeaux. L’histoire de cette conquête des cèdres qui a débuté avec le roi Gilgamesh qui cherchait l’immortalité, est édifiante et passionnante.
La sylve gallo-romaine subira la même exploitation à outrance tant le besoin de bois est important. Ce qu’on sait moins, c’est que « le roi de France, Philippe VI deviendra le premier lanceur d’alerte à la déforestation de l’ère moderne par son ordonnance d e Brunoy de 1346 ».
L’exploitation de la forêt, c’est aussi la fabrication de charbon de bois à l’ère industrielle.
« Le charbon de bois va mettre la forêt au service du métal »
Et Dominique Roques se fait conteur pour nous raconter cette épopée.
Nouveau voyage, en Californie cette fois, pour admirer ce qui reste de la forêt de sequoias, ces géants débonnaires malheureusement trop exploités. Il faudra attendre l’arrivée en Californie de John Muir, le pionnier des idées de conservation des espèces, pour voir la création du Parc National de Yellowstone.
A Bornéo, la forêt primaire a été détruite et remplacée par des plantations de palmier à huile, une catastrophe écologique. L’auteur parle d’arrêter de couper les forêts en les sanctuarisant :
« Faire des forêts sauvages une forme de sanctuaire pour les mettre radicalement à l’abri de la coupe et de la prédation. »
Au Paraguay, dans la région du Chaco, existe une forêt primaire ou pousse le gaïac, appelé palo Santo, un bois qui fournit des huiles essentielles pour la parfumerie. Mais là aussi, la forêt est en rivalité avec l’élevage qui provoque la déforestation.
Ce tour de quelques forêts emblématiques est passionnant et nous fait prendre conscience de l’urgence à protéger les arbres dans une gestion responsable de la ressource. Connaissant parfaitement son sujet, Dominique Roques a su transmettre au lecteur sa passion pour l’arbre et pour ces forêts extraordinaires à travers le monde ou près de chez nous.
Et, comme il le dit : « … aidons les forêts, devenons des semeurs de beauté. »
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