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Il est temps que l'histoire de la Grande guerre devienne véritablement mondiale. Elle n'est le plus souvent qu'une histoire européenne, à l'exception de l'entrée en guerre des Etats-Unis. L'Amérique latine semble n'y avoir aucune place, comme si elle s'était tenue en marge du conflit. Pourtant l'Argentine et le Brésil ont bien été confrontés à la guerre. Les populations, largement composées d'immigrants européens, se sont senties concernées par l'issue des combats, d'autant que de nombreuses communautés étaient appelées à rejoindre leur patrie en Europe et à prendre les armes. L'impact de la guerre se fit sentir aussi dans le domaine économique et transforma en profondeur les sociétés latino-américaines. Spectatrices à distance du suicide de l'Europe, elles ont été choquées par cet effondrement d'une civilisation qu'elles admiraient. Les intellectuels, jusque-là convaincus de la nécessité d'imiter la culture européenne, s'en sont détournés pour la seconde fois, après les indépendances du début XIXe siècle, et ont commencé à promouvoir d'autres modèles, d'autres idéaux culturels, du panaméricanisme à l'affirmation nationale.
Il n'est pas ici question des sempiternelles histoires de poilus ou des débats sur les résistances à l'effort de guerre. L'Adieu à l'Europe propose une histoire décentrée, depuis cet ailleurs si proche et si lointain qu'est l'Amérique latine. A ce titre, il ne se contente pas de renouveler notre géographie de la guerre, il offre aussi un plaidoyer pour une autre histoire du XXe siècle latino-américain.
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