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La théologie de Saint Paul

Couverture du livre « La théologie de Saint Paul » de Ferdinand Prat aux éditions Beauchesne
  • Date de parution :
  • Editeur : Beauchesne
  • EAN : 9782701000947
  • Série : (-)
  • Support : Papier
Résumé:

La Théologie de saint Paul du Père Prat, que les éditions Beauchesne rééditent, a été pour toute une génération de théologiens et d'exégètes catholiques un livre classique. Depuis sa dernière édition en 1938, les études pauliniennes ont considérablement progressé. Nous aurons à indiquer tout à... Voir plus

La Théologie de saint Paul du Père Prat, que les éditions Beauchesne rééditent, a été pour toute une génération de théologiens et d'exégètes catholiques un livre classique. Depuis sa dernière édition en 1938, les études pauliniennes ont considérablement progressé. Nous aurons à indiquer tout à l'heure quelques-uns des points où des éléments nouveaux sont intervenus et où l'ouvrage demanderait à être corrigé et complété. Mais deux raisons justifient cependant à notre avis sa réédition. La première est qu'en fait l'ouvrage n'a pas été remplacé, dans son objet propre, qui est d'être un exposé d'ensemble, historique dans sa première partie, systématique dans la seconde, de la théologie du docteur des Gentils.
Certes, sur le plan historique, de nombreux commentaires ont été publiés. On en trouvera l'énumération dans les bibliographies de l'Introduction à la Bible de Robert et Feuillet. Je veux rappeler seulement ici les remarquables volumes donnés à la collection Verbum Salutis par le Père Joseph Huby. Par ailleurs, des monographies importantes ont été consacrées à certains thèmes essentiels de la théologie paulinienne. Ainsi en est-il en particulier des ouvrages de Mgr Cerfaux : Le Christ dans la théologie de saint Paul et La Théologie de l'Église suivant saint Paul, de celui de Dom Jacques Dupont sur La Connaissance religieuse dans saint Paul. Mais il s'agit toujours d'aspects particuliers de la théologie paulinienne. Même l'ouvrage de F. Amiot, L'Enseignement de saint Paul, ne recouvre que l'aspect systématique du livre du Père Prat. Il reste donc qu'aucun ouvrage paru depuis ne représente un exposé vraiment complet.
Ceci serait peu de chose, si l'ouvrage apparaissait périmé dans son ensemble. Il faudrait alors le remplacer, non le rééditer. Mais justement le livre du Père Prat n'apparaît aucunement périmé dans ses aspects fondamentaux. Chose curieuse, les progrès de la Paulus-Forschung ont plut6t confirmé la substance de ses conclusions qu'ils ne les ont infirmées. Autant le livre du Père Prat est en opposition avec les interprétations dont il est contemporain, celles de Dibelius ou de Schweitzer, autant il se trouve substantiellement d'accord avec Munck ou Percy.
Ceci tient je pense à deux qualités maîtresses de notre auteur. D'une part, son ouvrage est fondé sur une solide. étude philologique. Les appendices de son livre sont à cet égard fort instructifs. Certes, il n'a pu bénéficier des remarquables analyses du Lexique de Kittel. Mais une longue familiarité avec le grec classique, une sérieuse connaissance de la langue des Septante donnent à ses analyses une base scientifique qui manque souvent à de brillantes et éphémères théories contemporaines, Par ailleurs, une théologie ferme et ouverte à la fois accorde la pensée du Père Prat à la foi même de Paul et le met à l'abri des modes philosophiques qui rendent aujourd'hui si caduques les interprétations de Sabatier, de Schweitzer ou de Bultmann.
Ceci dit, il importe de montrer cependant les points sur lesquels l'ouvrage du Père Prat doit être considéré comme appelant des critiques ou des compliments. En ce qui concerne le contexte historique, les perspectives ont besoin d'être complétées et confirmées plus que corrigées, Le problème essentiel ici est celui de la situation du paulinisme dans l'ensemble du christianisme primitif. Le Père Prat n'a fait en ce sens aucune concession à l'école de Tubingue, L'un des premiers il a bien vu que les oppositions rencontrées par Paul ne venaient pas du judéo-christianisme de Jérusalem, mais du nationalisme juif et de son influence sur les judéochrétiens. Ici, il faudrait seulement compléter et étayer la position du Père Prat, en citant les travaux de S. G. F. Brandon, de Bo Reicke, du Père Gaechter, de Johannes Munck. Contre la pression constante des milieux juifs, Paul a lutté passionnément pour libérer l'Église de l'appartenance sociologique à la communauté juive. Ceci demanderait d'être plus franchement encore souligné que ne l'a fait le Père Prat.
Plus importante est la question des sources de la théologie de Paul.
Certes, le Père Prat a eu raison de marquer que les deux sources principales sont la révélation du chemin de Damas et la tradition apostolique. Mais ce message nouveau, Paul l'a exprimé à travers des catégories reçues de son milieu. Or, au moment où le Père Prat a publié son livre, la connaissance du judaïsme contemporain du Christ était encore très rudimentaire. La critique des documents rabbiniques, encore imparfaite, rendait leur utilisation bien incertaine. Les manuscrits de Qumrân n'avaient pas encore été découverts. L'étude du gnosticisme n'avait pas encore trouvé son assiette. L'hellénisme de l'époque n'avait encore donné lieu qu'à des études partielles. Or, dans tous ces domaines, les découvertes archéologiques et la critique littéraire ont amené des progrès immenses depuis vingt ans. Le contexte de la pensée paulinienne nous est donc aujourd'hui beaucoup mieux connu.
Dans cette perspective, le livre du Père Prat demanderait des compléments importants. L'usage de l'Ancien Testament par Paul a été étudié par Earle Ellis [Paul's Use of the Old Testament, Londres, 1957] Sa parenté avec le judaïsme rabbinique a été précisée par W. D. Davies [Paul and Rabbinic Judaism, Londres, 1955]. Plus précisément encore, la découverte des manuscrits de Qumrân éclaire certains aspects importants de la théologie paulinienne, en particulier sa doctrine du péché et de la justification, Les travaux d'H. Schlier montrent ses contacts avec la gnose juive, c'est-à-dire avec les spéculations apocalyptiques [Christus und die Kirche im Epheserbriej, Tubingue, 1923]. Le Père Prat avait bien vu, contre Knox en particulier, que la pensée de Paul restait foncièrement sémitique, Mais nous connaissons beaucoup mieux maintenant le milieu à partir duquel elle s'est élaborée.
Un autre point est plus gênant. Le Père Prat interprète souvent la pensée de Paul en fonction des systématisations théologiques de son temps, Certes, nous ne lui reprocherons pas de faire de la théologie. C'est au contraire un grand mérite et sa supériorité sur des études récentes qui restent trop purement philologiques. Mais encore faut-il ne pas projeter sur la pensée de Paul des perspectives qui lui sont étrangères, Sur ce point, le Père Stanislas Lyonnet a montré que le Père Prat a séparé « réconciliation » et « justification » dans l'action rédemptrice du Christ, conformément aux traités de théologie de son temps, mais certainement pas selon la pensée même de Paul 3. De même la doctrine de la prédestination, dans Romains, [La valeur sotériologique de la résurrection, Gregorianum 39 (1958)], est interprétée en fonction des discussions entre molinistes et thomistes sur le salut éternel individuel, alors que chez Paul, selon l'esprit des apocalyptiques, il s'agit du rôle historique des individus et des collectivités.
Ajoutons enfin que le Père Prat avait un tempérament assez vif. La première édition de son livre comportait de nombreuses polémiques. Sagement lui-même en a élagué la majeure partie. Elles portaient d'ailleurs souvent sur des positions qui se sont évanouies d'elles-mêmes, Il reste que ce qui en subsiste est souvent encore de trop. Les sorties contre « le germanisme » rappellent un peu trop le climat de la génération bleu horizon et ne paraissent plus justifiées ni par des raisons politiques, ni par des raisons scientifiques. Mais ceci, qui confère au livre un certain charme d'archaïsme, reste superficiel, Alors que tant d'ouvrages sur Paul, contemporains de celui du Père Prat, sont aujourd'hui périmés, on peut dire que les progrès de la science ont apporté sur bien des points des confirmations aux vues auxquelles sa solide érudition, son sens théologique et simplement son bon sens l'avaient amené. Jean DANIÉLOU.
La Théologie de saint Paul du Père Prat, que les éditions Beauchesne rééditent, a été pour toute une génération de théologiens et d'exégètes catholiques un livre classique. Depuis sa dernière édition en 1938, les études pauliniennes ont considérablement progressé. Nous aurons à indiquer tout à l'heure quelques-uns des points où des éléments nouveaux sont intervenus et où l'ouvrage demanderait à être corrigé et complété. Mais deux raisons justifient cependant à notre avis sa réédition. La première est qu'en fait l'ouvrage n'a pas été remplacé, dans son objet propre, qui est d'être un exposé d'ensemble, historique dans sa première partie, systématique dans la seconde, de la théologie du docteur des Gentils.
Certes, sur le plan historique, de nombreux commentaires ont été publiés. On en trouvera l'énumération dans les bibliographies de l'Introduction à la Bible de Robert et Feuillet. Je veux rappeler seulement ici les remarquables volumes donnés à la collection Verbum Salutis par le Père Joseph Huby. Par ailleurs, des monographies importantes ont été consacrées à certains thèmes essentiels de la théologie paulinienne. Ainsi en est-il en particulier des ouvrages de Mgr Cerfaux : Le Christ dans la théologie de saint Paul et La Théologie de l'Église suivant saint Paul, de celui de Dom Jacques Dupont sur La Connaissance religieuse dans saint Paul. Mais il s'agit toujours d'aspects particuliers de la théologie paulinienne. Même l'ouvrage de F. Amiot, L'Enseignement de saint Paul, ne recouvre que l'aspect systématique du livre du Père Prat. Il reste donc qu'aucun ouvrage paru depuis ne représente un exposé vraiment complet.
Ceci serait peu de chose, si l'ouvrage apparaissait périmé dans son ensemble. Il faudrait alors le remplacer, non le rééditer. Mais justement le livre du Père Prat n'apparaît aucunement périmé dans ses aspects fondamentaux. Chose curieuse, les progrès de la Paulus-Forschung ont plut6t confirmé la substance de ses conclusions qu'ils ne les ont infirmées. Autant le livre du Père Prat est en opposition avec les interprétations dont il est contemporain, celles de Dibelius ou de Schweitzer, autant il se trouve substantiellement d'accord avec Munck ou Percy.
Ceci tient je pense à deux qualités maîtresses de notre auteur. D'une part, son ouvrage est fondé sur une solide. étude philologique. Les appendices de son livre sont à cet égard fort instructifs. Certes, il n'a pu bénéficier des remarquables analyses du Lexique de Kittel. Mais une longue familiarité avec le grec classique, une sérieuse connaissance de la langue des Septante donnent à ses analyses une base scientifique qui manque souvent à de brillantes et éphémères théories contemporaines, Par ailleurs, une théologie ferme et ouverte à la fois accorde la pensée du Père Prat à la foi même de Paul et le met à l'abri des modes philosophiques qui rendent aujourd'hui si caduques les interprétations de Sabatier, de Schweitzer ou de Bultmann.
Ceci dit, il importe de montrer cependant les points sur lesquels l'ouvrage du Père Prat doit être considéré comme appelant des critiques ou des compliments. En ce qui concerne le contexte historique, les perspectives ont besoin d'être complétées et confirmées plus que corrigées, Le problème essentiel ici est celui de la situation du paulinisme dans l'ensemble du christianisme primitif. Le Père Prat n'a fait en ce sens aucune concession à l'école de Tubingue, L'un des premiers il a bien vu que les oppositions rencontrées par Paul ne venaient pas du judéo-christianisme de Jérusalem, mais du nationalisme juif et de son influence sur les judéochrétiens. Ici, il faudrait seulement compléter et étayer la position du Père Prat, en citant les travaux de S. G. F. Brandon, de Bo Reicke, du Père Gaechter, de Johannes Munck. Contre la pression constante des milieux juifs, Paul a lutté passionnément pour libérer l'Église de l'appartenance sociologique à la communauté juive. Ceci demanderait d'être plus franchement encore souligné que ne l'a fait le Père Prat.
Plus importante est la question des sources de la théologie de Paul.
Certes, le Père Prat a eu raison de marquer que les deux sources principales sont la révélation du chemin de Damas et la tradition apostolique. Mais ce message nouveau, Paul l'a exprimé à travers des catégories reçues de son milieu. Or, au moment où le Père Prat a publié son livre, la connaissance du judaïsme contemporain du Christ était encore très rudimentaire. La critique des documents rabbiniques, encore imparfaite, rendait leur utilisation bien incertaine. Les manuscrits de Qumrân n'avaient pas encore été découverts. L'étude du gnosticisme n'avait pas encore trouvé son assiette. L'hellénisme de l'époque n'avait encore donné lieu qu'à des études partielles. Or, dans tous ces domaines, les découvertes archéologiques et la critique littéraire ont amené des progrès immenses depuis vingt ans. Le contexte de la pensée paulinienne nous est donc aujourd'hui beaucoup mieux connu.
Dans cette perspective, le livre du Père Prat demanderait des compléments importants. L'usage de l'Ancien Testament par Paul a été étudié par Earle Ellis [Paul's Use of the Old Testament, Londres, 1957] Sa parenté avec le judaïsme rabbinique a été précisée par W. D. Davies [Paul and Rabbinic Judaism, Londres, 1955]. Plus précisément encore, la découverte des manuscrits de Qumrân éclaire certains aspects importants de la théologie paulinienne, en particulier sa doctrine du péché et de la justification, Les travaux d'H. Schlier montrent ses contacts avec la gnose juive, c'est-à-dire avec les spéculations apocalyptiques [Christus und die Kirche im Epheserbriej, Tubingue, 1923]. Le Père Prat avait bien vu, contre Knox en particulier, que la pensée de Paul restait foncièrement sémitique, Mais nous connaissons beaucoup mieux maintenant le milieu à partir duquel elle s'est élaborée.
Un autre point est plus gênant. Le Père Prat interprète souvent la pensée de Paul en fonction des systématisations théologiques de son temps, Certes, nous ne lui reprocherons pas de faire de la théologie. C'est au contraire un grand mérite et sa supériorité sur des études récentes qui restent trop purement philologiques. Mais encore faut-il ne pas projeter sur la pensée de Paul des perspectives qui lui sont étrangères, Sur ce point, le Père Stanislas Lyonnet a montré que le Père Prat a séparé « réconciliation » et « justification » dans l'action rédemptrice du Christ, conformément aux traités de théologie de son temps, mais certainement pas selon la pensée même de Paul 3. De même la doctrine de la prédestination, dans Romains, [La valeur sotériologique de la résurrection, Gregorianum 39 (1958)], est interprétée en fonction des discussions entre molinistes et thomistes sur le salut éternel individuel, alors que chez Paul, selon l'esprit des apocalyptiques, il s'agit du rôle historique des individus et des collectivités.
Ajoutons enfin que le Père Prat avait un tempérament assez vif. La première édition de son livre comportait de nombreuses polémiques. Sagement lui-même en a élagué la majeure partie. Elles portaient d'ailleurs souvent sur des positions qui se sont évanouies d'elles-mêmes, Il reste que ce qui en subsiste est souvent encore de trop. Les sorties contre « le germanisme » rappellent un peu trop le climat de la génération bleu horizon et ne paraissent plus justifiées ni par des raisons politiques, ni par des raisons scientifiques. Mais ceci, qui confère au livre un certain charme d'archaïsme, reste superficiel, Alors que tant d'ouvrages sur Paul, contemporains de celui du Père Prat, sont aujourd'hui périmés, on peut dire que les progrès de la science ont apporté sur bien des points des confirmations aux vues auxquelles sa solide érudition, son sens théologique et simplement son bon sens l'avaient amené. Jean DANIÉLOU.

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