Il est quand même tard pour appeler, je me rabats sur un SMS. Je dis à Nadia que je viens d'apprendre pour Alexandre et que je suis stupéfait, c'est le mot que j'emploie, il ne convient peut-être pas très bien mais j'ai du mal à trouver une formule adaptée. S'il était mort ou s'il avait subi un accident, ça viendrait facilement. On sait comment s'adresser à l'entourage des victimes, on sait quoi dire à ceux qui vont mal, à ceux qui souffrent. Mais qu'est-ce qu'on écrit à la femme d'un assassin ?
Ma chronique : S'agit-il d'un "coup de foudre" ou d'une étincelle aveuglante un soir d'orage ? Les deux peuvent ruiner des vies. J'ai beaucoup aimé la plume de Pierric Bailly dans cette histoire d'amour contrarié avec son lot d'illusions, de mensonges et de solitude. Roman d'amour et de montagnes.
L'auteur se définit comme écrivain de l'émotionnel, de l'intime. Il ne traite pas les sujets brûlants de notre époque. Il nous parle de vies simples dans cette nature du Haut-Jura où l'on peut apercevoir le Mont-Blanc . Il nous invite à une contemplation paisible face à ces grands espaces de forêts de hêtres et d'épicéas où courent chamois et lynx.
John ( Alias Julien) la quarantaine, est un berger heureux dans ses montagnes, il aime ses brebis, ses chiens. Il vit l'été dans un chalet d'alpage près du col de la Faucille et l'hiver il travaille dans des stations de ski proches des Rousses, d'où il admire le Léman.
Un amour fusionnel le lie à son grand-père avec qui , dès l'enfance, il se promenait par tous les temps sur des sentiers difficilement praticables entourés des hautes forêts de sapins. C'est ce même grand-père qui lui a fait aimer la puissance et les couleurs changeantes des orages.
Tout est paisible dans la vie de John..
Sauf qu'un matin il apprend par le journal local qu'Alexandre, un ami de lycée, est incarcéré pour le meurtre d'un jeune chasseur.. Comment cela est-il possible ? Alexandre est un garçon doux, un "intello au physique de déménageur", vétérinaire, défenseur de la cause animale .
C'était un ami d'études, brillant qu'il admirait et jalousait aussi, jusqu'à l'imiter !
Il tente d'en apprendre plus sur ce drame, se rapproche de Nadia, l'épouse d'Alexandre. Sa rencontre avec Nadia bouleverse sa vie.
Les filets de la passion lui tombent dessus, chamboulent les projets d'une vie avec Héloïse sa compagne du moment.
Éperdument amoureux, il veut tout partager avec Nadia. Il assiste aux multiples rebondissements du procès d'Alexandre et éprouve pour ce dernier toutes sortes de sentiments contradictoires, admiration ? pitié ?
Les mensonges si présents lui gâchent sa vie .
Est-ce que le réconfort auprès de ses brebis et de ses chiens et la beauté des orages de montagne lui éviteront les souffrances qu'entraîne la passion ?
Pierric Bailly est un auteur à découvrir si ce n'est déjà fait. Certains le comparent au grand Jim Harrison, ne serait-ce que pour sa sensibilité face à la nature " où gisent les histoires ".
Décidément, qu’est-ce que j’aime les romans de Pierric Bailly… Là franchement, c’est le cri du coeur ! Il y a un ton dans ses textes, quelque chose qui sonne juste, vrai, authentique, un truc auquel tu crois, des personnages que t’as pas du tout envie de quitter parce que tu t’y attaches incroyablement. Il y a une intelligence, une sensibilité, une poésie sidérantes… Et puis, t’es transbahuté ailleurs… Pas un ailleurs exotique genre cocotiers et mer turquoise mais un ailleurs Haut-Jura. Ouais, pas loin, c’est jamais loin le Haut-Jura, mais comme t’y connais rien à la montagne, les mots de Bailly, c’est immédiatement le dépaysement. T’y es dans ces paysages mais t’y es VRAIMENT, tu les sens, tu les vois, tu les respires, tu les traverses, tu sens la terre, le ciel, l’eau. Faut être du coin pour décrire comme ça, faut vivre là-bas. Et tu vois, là, c’est cadeau, on se régale de tout ça, du chalet d’alpage, des histoires de lynx, des patous ... c’est pas croyable. Du petit-lait. De la beauté. Mais attention, c’est pas idyllique, t’auras pas forcément envie de devenir berger. Non. Tu vas voir, il y a de la distance, de l’humour et de la belle galère.
Et puis, l’intrigue… Comment dire ? Tu sens le truc venir, tu sais pas de quel côté la mouise va surgir … Alors t’attends, ça se précise, ça vient… Mais comme t’as eu le temps de t’attacher au personnage, t’as envie de le prévenir, de lui dire qu’il est en train de se foutre dans le pétrin. Toi, t’es à fond dans l’empathie. Comme il est sympa John/Julien (oui il a deux prénoms) et que c’est un bon gars, il voit rien, il donne tout, il y va. Et tu trembles pour lui. Parce que c’est un peu ton pote et que t’aimerais pas qu’il lui arrive un truc. Ah là là, qu’est-ce que c’est bien toute cette tension qui arrive, ce malaise qui pointe et tu sens que ça va péter quelque part. Parce que c’est ça la vie, tu te crois sur des rails, pépère, tu vois rien venir et paf, tu te prends un truc magistral dans la tête et tu vas devoir faire avec. Longtemps.
Et puis, Bailly, c’est de l’humain, avec des personnages pas simples, des relations complexes, des situations inattendues, des scènes surprenantes (c’est là que tu te dis que c’est un vrai auteur)… T’es loin des clichés débiles et des romans tout plats dans l’air du temps. On respire ! Bailly, franchement, tu te régales, tu ne vis plus que pour le roman qui t’attend le soir, tu ne penses plus qu’au narrateur et tu te demandes comment il va se sortir du pétrin dans lequel il s’est mis. Et tu retrouves ta montagne (oui « TA »), tes paysages, tu commences à connaître le nom des arbres, des pentes et des bêtes. Tu t’y crois un peu.
Bailly, c’est le bonheur.
LIRE AU LIT le blog
Décor: Le Haut-Jura. Trois personnages masculins, deux personnages féminins.
Julien, le narrateur, jeune berger solitaire, taiseux, misanthrope. Héloïse, sa compagne. Alexandre, jeune homme brillant, amitié lycéenne de Julien, perdu de vue depuis plusieurs années. Nadia sa compagne. John, grand-père de Julien, son mentor:
" J'essayais de composer avec ces deux figures à priori antagonistes, le vieux guide (John) et le nouveau maître à penser (Alexandre). Elles ne me semblaient pas si difficiles à associer. Elles s'entendaient assez bien."
" John était un homme généreux et cabossé, un homme brutal et attentionné, un homme imparfait. Alexandre (ou cette version détournée, cet avatar que je m'étais fabriqué pour mon propre usage) lui, c'était l'homme parfait. Alexandre m'adoucissait; John me réveillait."
Et puis Alexandre, "l'homme parfait" va commettre un acte brutal, irréparable qui va bouleverser cet équilibre fragile. Et enfin, il y a l'attente de la foudre, la foudre libératrice.
https://leslivresdejoelle.blogspot.com/2023/08/la-foudre-de-pierric-bailly.html
Julien, que tout le monde dans la vallée appelle John, est un berger proche de la quarantaine, un taiseux qui aime vivre seul avec ses brebis et ses chiens dans un chalet perdu à 1500 m d'altitude dans le Haut-Jura. Sa vie c'est la montagne, son chalet et ses brebis... et Héloïse qu'il retrouve dans la vallée depuis dix ans quand la saison d'alpage se termine. Ils projettent de s'installer à la Réunion où Héloïse a obtenu un poste d'enseignante, ils ont envie de vivre autre chose, de casser la routine.
Un jour, John a un choc en découvrant dans un ancien journal qu'Alexandre Perrin, son ami d'internat au lycée perdu de vue depuis vingt ans, a tué un chasseur à coup de planche près de Lyon, il ne peut pas imaginer son ancien ami en tueur. Vétérinaire très engagé pour le bien-être animal, passionné pour les animaux depuis son plus jeune âge, Alexandre a tué un de ses voisins, un jeune chasseur de vingt ans suite à une bagarre qui a mal tourné.
Alors qu'Alexandre est en détention provisoire depuis deux ans, John va prendre contact avec Nadia, la femme de son ancien ami, avec qui il était également au lycée mais dont il ne garde qu'un lointain souvenir. Il veut en savoir plus, comprendre ce qui s'est passé et proposer son aide à Nadia. Il va se retrouver entraîné dans une histoire passionnelle qui va bouleverser sa vie.
Une histoire d'amour contrarié avec les montagnes du Haut-Jura pour décor. On retrouve dans ce roman tout l'univers de Pierric Bailly, son amour de la montagne, du Jura, il nous offre, en début de roman de très belles pages sur la vie de berger, sur la relation de John avec son grand-père, son guide.
John va se remémorer ses années de jeunesse, sa fascination pour Alexandre, " plus à l'aise, plus cultivé, plus drôle, plus charmeur", il va se souvenir de l'aigreur et de la jalousie qu'il a éprouvées vis à vis d'Alexandre, de leur rivalité avant qu'il ne devienne son modèle, son maître à penser.
Il va vivre son histoire d'amour avec Nadia d'autant plus intensément qu'elle est fragile avec la libération prochaine d'Alexandre, une histoire d'amour où Alexandre, son éternel rival, est omniprésent " j'ai pris sa place. Comme s'il était mort et que Nadia s'était reconstruite avec un autre. Sauf qu'il n'est pas mort.", obsédé par ses souvenirs " ils existent en moi, je les convoque , je les alimente, je vis avec."
Un roman sur les circonstances qui peuvent faire basculer une vie, une histoire humaine très douce, pleine de pudeur, sans aucun jugement sur le comportement des différents protagonistes, une histoire émouvante, écrite d'une plume limpide et fluide.
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