Après avoir été condamné injustement en 1894, dégradé et déporté sur l'île du Diable, le capitaine Dreyfus était réhabilité en 1906, il y a tout juste cent ans.
Entre ces deux dates, plusieurs tentatives de révision de son procès avaient échoué, et Zola, qui en 1898 avait lancé dans L'Aurore son célèbre " J'accuse ", avait lui-même été condamné pour diffamation et contraint à l'exil pour échapper à la prison. Si l'affaire Dreyfus a déchiré la France pendant plus d'un siècle, c'est qu'elle révélait des clivages aussi profonds que ceux apparus lors la Révolution française. Certains auteurs l'ont même assimilée à une sorte de guerre civile.
Parmi les intellectuels qui se mobilisèrent massivement, Joseph Reinach (1856-1921), homme politique proche de Gambetta, entreprit ce qui allait devenir avec les années la première grande histoire de l'Affaire.
Rédacteur en chef de La République française, député siégeant sur les bancs de la gauche et historien, il prend très tôt la défense de Dreyfus en dénonçant notamment les faux que le colonel Henry (qui devait se suicider en 1898) avait glissés dans le dossier. Cette somme a commencé à paraître en 1901 aux Éditions de la Revue Blanche, l'organe des peintres nabis et des poètes symbolistes. Elle devait s'achever dix ans plus tard, après la réhabilitation de Dreyfus à laquelle elle a largement contribué.
Oeuvre militante, oeuvre d'un témoin, oeuvre d'un historien qui a pu interroger presque tous les acteurs du drame, le travail de Reinach reste irremplaçable et se lit comme une histoire policière.
Joseph Reinach a disposé d'une documentation unique. Il a non seulement connu les protagonistes de l'Affaire, il en a été l'un des acteurs. C'est pourquoi, cent ans après la réhabilitation, cet ouvrage, complété depuis par de nombreuses publications, garde toute sa valeur. Jean-Denis Bredin affirme dans son avant-propos que ce livre demeure indispensable. Hervé Duchêne, professeur d'histoire ancienne à l'université de Bourgogne (Dijon), éclaire quant à lui dans une préface la genèse de cet ouvrage, grâce à des papiers inédits de la famille Reinach.
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