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Equatoria

Couverture du livre « Equatoria » de Patrick Deville aux éditions Points
  • Date de parution :
  • Editeur : Points
  • EAN : 9782757834817
  • Série : (-)
  • Support : Poche
Résumé:

De São Tomé à Zanzibar, un éternel voyageur nous emporte dans son errance africaine, sur les traces du légendaire Savorgnan de Brazza, le découvreur de fleuves. Comme lui, il arpente le continent et sillonne les eaux de l'Ogooué. Au cours de sa traversée, il consigne les vies de Livingstone,... Voir plus

De São Tomé à Zanzibar, un éternel voyageur nous emporte dans son errance africaine, sur les traces du légendaire Savorgnan de Brazza, le découvreur de fleuves. Comme lui, il arpente le continent et sillonne les eaux de l'Ogooué. Au cours de sa traversée, il consigne les vies de Livingstone, Stanley, Emin Pacha ou Albert Schweitzer, attentif à l'incongru comme à la beauté du monde.

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Avis (1)

  • Patrick Deville embarque le lecteur sur les rives du Congo, fleuve long de 4500 kms, sur les pas de Pierre Savorgnan de Brazza, capitaine au long cours, qui a ouvert la voie à la colonisation française.

    « Sur le Congo glissent des bouquets de jacinthes d’eau qui tourbillonnent lentement comme...
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    Patrick Deville embarque le lecteur sur les rives du Congo, fleuve long de 4500 kms, sur les pas de Pierre Savorgnan de Brazza, capitaine au long cours, qui a ouvert la voie à la colonisation française.

    « Sur le Congo glissent des bouquets de jacinthes d’eau qui tourbillonnent lentement comme gerbes pour les noyés. Elles vont à la dérive depuis Kisangani peut-être ou Bangui sur l’Oubangui, aux berges de la Sangha, de l’Alima, de la Likouala-aux-Herbes. »

    Un gigantesque mausolée au coût extravagant a été érigé à Brazzaville, contenant la dépouille de l’explorateur franco-italien qui a dû être exhumé d’Alger, ville où il s’était retiré en fin de vie et où il était enterré.

    « Pendant la guerre qui a ravagé le Congo-Brazzaville en 97, le gouvernement français a laissé tomber Pascal Lissouba, trop proche des pétroliers américains, et soutenu, auprès des Angolais et des Cubains, l’ancien marxiste Denis Sassou Nguesso. C’est à lui qu’on doit l’idée curieuse d’ériger un mausolée à Brazza. »

    Patrick Deville va, comme il le fait dans tous ses livres, nous faire rencontrer beaucoup de monde et surtout des explorateurs comme David Livingstone, Henry Morton Stanley pour les plus connus d’entre ceux qui ont arpenté l’Afrique Équatoriale.

    Stanley a pour mission de rapatrier le très cultivé Emin Pacha, gouverneur de la province d' Equatoria ; l’expédition est périlleuse sur ce fleuve qui traverse une jungle touffue et inconnue.

    « Les malles sont acheminées au Caire, les hommes voyagent sur différents paquebots. (…) On se retrouve à Zanzibar où Stanley négocie avec Tippu Tip, et recrute 620 hommes d’escorte. (…) On gagne Matadi puis le Stanley Pool. Des vapeurs remontent le fleuve vers le nord et les chutes, les Stanley Falls où Tippu Tip s’installe avec ses hommes et prend le commandement du poste. (…) Personne n’a jamais traversé cette forêt. Personne ne sait à quel endroit elle laisse place aux collines et à la prairie. Les survivants ne reverront l’herbe et la lumière du jour que le 5 décembre. C’est l’hécatombe. Beaucoup meurent de faim ou sous la pluie des flèches empoisonnées. »

    Malade, fiévreux, assommé par la morphine, Stanley retrouvera Emin pacha, en pleine santé et habillé propre et de belle élégance. Comble du comble, Emin Pacha offre des vêtements neufs à ces Anglais loqueteux et « prétendra plus tard être venu au secours de ses sauveteurs » ! Alors que « Stanley est en route depuis un an et demi pour secourir cet homme et les populations de la province. »

    Je retrouverai le souvenir de cette expédition en lisant « Le cœur des ténèbres » de Joseph Conrad qui, sous le nom de Marlow va naviguer sur le Congo à bord du steamer ‘Le roi des Belges’ avec beaucoup de casse matérielle et de perte d’hommes pour aller chercher Kurtz (en fait Georges Antoine Klein, Français engagé comme agent commercial ) en détresse au fin fond d’une forêt ténébreuse sur territoire encore inconnu à l’époque. Le dénommé Klein (Kurtz) décédera sur le chemin du retour à bord du bateau en septembre 1890.

    « (…) c’est au même moment que ces deux vapeurs (…) le ‘Courbet’ et ‘Le roi des Belges’, emportent l’un Brazza et l’autre Conrad. Les deux marins font route vers l’amont. De concert jusqu’au confluent de l’Oubangui. »

    Au fil des pages, P. Deville va se faire entrecroiser multitudes de rois, sultans, négriers, trafiquants d’armes, d’or et d’ivoire tel l’effrayant Tippu Tip et des écrivains tels Verne, Loti, et Conrad. Les dates s’entrechoquent dans de nombreux aller et retours. Il y a tant à dire et Patrick Deville est passionné et empressé de nous livrer cette histoire africaine s’étalant sur plus d’un siècle et demi. L’auteur ne mégote pas sur des informations dont il estime que les détails sont nécessaires à notre compréhension. Et ils le sont, dignes d’intérêt ! Je tourne les pages comme on lit un roman d’aventures sauf que dans ce récit, ce n’est pas de la fiction mais la réalité de faits qui se sont vraiment déroulés dans cette grande partie du monde.

    Nous rencontrerons le docteur Schweitzer et son pélican Parsifal à Lambaréné au Gabon. Nous irons sur l’île Sao Tomé e Principe et sa politique marxiste. On y verra l’épave d’un char soviétique.

    « Le tank est toujours à l’endroit où il a stationné la dernière fois, à la fin des années 80. Tout ce qui pouvait être démonté et recyclé a disparu, y compris le canon et la tourelle. Les chenilles sont devenues des séchoirs à linge. Une vieille chienne dont les mamelles trainent dans la poussière dort à l’ombre. Une poule y couve ses œufs. Il a enfin trouvé une utilisation de parasol, ce matériel arrivé d’URSS jusqu’ici pour ne rien protéger, peut-être tirer quelques obus vers la jungle, afin de former les artilleurs santoméens et d’effrayer les singes, idole aussi énigmatique dans son parcours que les statues de l’île de Pâques, achevant de se décomposer au milieu des amaryllis et des lantanas, des roses-de-porcelaine et des becs-de-perroquet multicolores. »

    Nous ferons connaissance de nombreux politiciens dont Jonas Savimbi en Angola. Dans le cadre de la révolution mondiale, nous rencontrerons le Che sous des allures inhabituelles. Nous irons aux grands lacs et connaîtrons les dessous de l’histoire coloniale entre Allemands, Français, Anglais et Belges. Nous verrons les grandes chutes d’eau et les Stanley Pools. Nous irons à Zanzibar et son fameux marché aux esclaves tenu par des sultans impitoyables.

    « Les captifs entravés grimpaient un sentier et s’entassaient dans ces fosses rectangulaires, d’une quinzaine de mètres de long et trois ou quatre de large. Quelques nuits plus tard, un boutre les chargeait pour l’Asie ou l’Arabie. »

    Zanzibar convolera avec le Tanganyika (où Che Guevara a vécu) et sera créé le nouvel Etat de Tanzanie qui fera fortune avec le commerce du clou de girofle.

    L’auteur sait à merveille tresser 150 ans d’Histoire avec son propre voyage dans un monde africain contemporain. Un gigantesque ‘Monopoly’ sur damier noir et blanc.

    Quand je lis Patrick Deville, je ne peux m’empêcher de l’imaginer à sa table de travail croulant sous la documentation dont il démêle l’imbroglio et en essore l’essentiel dans des carnets de notes pour en restituer un condensé vivant, vivace, énergique, caustique et érudit au bout de sa plume talentueuse. L’homme est un globe-trotteur cultivé et passionné d’Histoire. A chaque fin de ses livres, je me dis « Bon sang, quel boulot ! Quelle générosité ! » Une vraie douche de culture, d’Histoire, de géographie, d’art, d’actualités. Au-delà de la documentation, l’auteur sait transmettre le vécu de ses propres voyages et son goût à voyager.

    « A une demi-heure de route des chutes de Poubara, la capitale du Haut-Ogooué s’est aujourd’hui répandue sur les pentes de plusieurs collines, de part et d’autre du lit de la Mpassa que franchit un pont métallique. Le palais d’Omar Bongo est équipé d’une mosquée aux dômes verdâtres. Plus loin, une statue de lui-même en bronze montre de la main l’horizon et le chemin du Congo. Nous nous installons sur la terrasse en bois pourri de La Savane au bord de la rivière, dont les eaux cuivrées coulent au milieu d’une végétation obscure. Son lit est ici large d’une trentaine de mètres. En fin d’après-midi, les pêcheurs débarquent de leurs pirogues des poissons de variétés et de dimensions diverses, tous traversés de la même cordelette d’une ouïe vers la bouche, et dont le patron de La Savane, qui les soupèse à bout de bras, discute le prix. Le lendemain matin, nous reprenons la route. A la sortie de Franceville, plusieurs villages de Pygmées mijotent au soleil dans des baraques en tôle. ‘Ça va en boîte et ça boit du whisky, plaisante Franklin, qui ne semble pas les porter dans son cœur. C’est des Pygmées haut de gamme, conclut-il’ »

    On comprend aussi, au fil des multiples guerres et massacres, sous le règne de dictatures successives et de politiciens basculant d’un pouvoir extrémiste à l’autre, que par vagues, les populations fuient la région pour la toute bête raison de la survie…

    S’agissant d’une commande d’éditeur, composée de 8 volumes (le 7eme sort à la mi-août 2019) avec des titres finissant en « A » et couvrant un siècle et demi à nos jours, sur des petites traces françaises qui font la grande Histoire, son témoignage géopolitique a le même squelette mais il est un des rares conteurs qui sait prendre le lecteur par la main et l’emmener avec lui tout au long de son récit sans le lâcher. (Seuls Proust et Mathias Enard me font cet effet). On a la sensation de voyager avec lui et, l’entendre en chemin, nous parler d’Histoire et de géographie, est réjouissant sans compter toutes ses petites anecdotes et ses rencontres avec untel et surtout unetelle. Toutefois, je n’ai pas la prétention de tout retenir car le livre fourmille d’informations minutieuses et ce qui nous est donné à lire est peut-être un peu trop conséquent… mais on ne va pas s’en plaindre ! Le tout est de ne pas s’égarer…

    Un plaisir de lecture élégante, vivante, vitaminée et nourrissante parsemée d’humour et de poésie !

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