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Claire

Couverture du livre « Claire » de Andreas Rosseel aux éditions Persee
  • Date de parution :
  • Editeur : Persee
  • EAN : 9782823105629
  • Série : (-)
  • Support : Papier
Résumé:

Ta mère était très stricte, elle l'est encore toujours d'ailleurs, et elle m'avait ordonné de te donner ton biberon pile à l'heure. Mais souvent tu avais faim avant l'heure et alors tu commençais à agiter les bras et les jambes, et finalement à pleurer. D'abord il y avait tes lèvres et ta... Voir plus

Ta mère était très stricte, elle l'est encore toujours d'ailleurs, et elle m'avait ordonné de te donner ton biberon pile à l'heure. Mais souvent tu avais faim avant l'heure et alors tu commençais à agiter les bras et les jambes, et finalement à pleurer. D'abord il y avait tes lèvres et ta bouche, puis tes yeux et finalement toute ta petite frimousse qui pleurait. Et alors je te prenais dans mes bras et je mis le bout de mon index contre tes lèvres. Pour te taquiner, je mettais mon doigt contre le coin de ta bouche et tu bougeais la tête et tes lèvres cherchaient mon doigt, et dès qu'elles l'avaient trouvé elle s'ouvrait pour le sucer goulûment. Et c'est bizarre, mais dès que tu avais le bout de mon doigt dans ta bouche, tu étais satisfaite, calmée, heureuse. Et tu suçais, suçais, avec conviction et application, sérieuse comme si ta vie était en question. Mais bien sûr qu'il n'y avait rien qui sortait de mon doigt. Mais tu étais contente, tu ne demandais pas plus. Et parfois tu ouvrais les yeux en tétant, et tu me regardais très sérieusement comme si tu te demandais s'il était normal que le lait ne venait pas. Et souvent, en te regardant me regarder avec tes yeux noisettes en suçant mon doigt, j'avais les larmes aux yeux et quelques fois, je pleurais même sans savoir pourquoi. Maintenant, je me demande si c'était de bonheur de te voir si contente en suçant mon doigt, ou de tristesse en te voyant si petite, frêle et vulnérable, abandonnée, obligée de te contenter du bout de mon index au lieu du sein maternel.Et alors j'ai juré solennellement, pendant que les larmes coulaient sur mes joues, si jamais je devais avoir un bébé plus tard, que pour rien au monde je l'abandonnerais, et que je lui donnerais le sein et le nourrirais moi-même aussi longtemps que je pouvais.

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