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Au zénith

Couverture du livre « Au zénith » de Thu-Huong Duong aux éditions Sabine Wespieser
Résumé:

Duong Thu Huong a travaillé à ce roman pendant plus de dix ans. Elle le dédie à l'ami qui lui a révélé le secret bouleversant qu'elle y dévoile, et à " tous les innocents qui sont morts dans ce silence noir ". Son ami, parce qu'il en savait trop, a été lâchement assassiné par le régime... Voir plus

Duong Thu Huong a travaillé à ce roman pendant plus de dix ans. Elle le dédie à l'ami qui lui a révélé le secret bouleversant qu'elle y dévoile, et à " tous les innocents qui sont morts dans ce silence noir ". Son ami, parce qu'il en savait trop, a été lâchement assassiné par le régime communiste en place au Vietnam, et c'est un monument à sa mémoire que construit l'écrivain. Voilà pourquoi, de ce livre, elle dit qu'il est le plus important de sa vie. Le héros qu'elle met en scène, de par la fatalité qui s'abat sur lui et son entourage, rejoint dans sa force tragique et l'absurdité de son destin les grandes figures de Boris Pasternak, d'Alexandre Soljenitsyne, voire de George Orwell. Et ce héros, on le comprend dès les premières pages du livre bien que son nom ne soit jamais écrit - Duong Thu Huong l'appelle " le président " -, n'est autre que Ho Chi Minh, l'artisan de l'indépendance du Vietnam et le père spirituel de la nation, figure tutélaire intouchable dans son pays.
Le président est réveillé par un cri déchirant au fond de la vallée : un jeune garçon pleure la mort de son père, qui vient de tomber d'une falaise. Ce cri ramène l'homme âgé et solitaire qu'il est devenu à ses propres interrogations : où est le fils qu'on lui a arraché encore enfant ? Pleurerait-il la mort d'un père qu'il n'a pas connu ? Pourquoi, alors qu'il avait le pouvoir, le président a-t-il livré la femme qu'il aimait à ses anciens compagnons de combat ? Comment se retrouve-t-il, à la fin de sa vie, en pleine guerre contre les Américains, sur cette montagne isolée, avec pour seuls compagnons des soldats qui le surveillent et deux bonzesses de la pagode voisine ?
Le secret que révèle Duong Thu Huong dans son livre est l'histoire déchirante d'un homme dont on a sacrifié la vie. Au début des années cinquante, alors qu'il avait déjà passé la soixantaine, le président tombe éperdument amoureux d'une jeune montagnarde, rencontrée au hasard d'une promenade. Avec Xuan, il fonde une famille qu'il installe à Hanoi. Mais il n'est pas un homme ordinaire, il est le père de la nation, et quand il souhaite officialiser son union, la clique au pouvoir, dont il a favorisé l'ascension, lui fait valoir qu'il doit rester sur son piédestal. Le président cède. Et de ce moment, sa vie bascule. Xuan finira par être exécutée, ses enfants sont cachés par des proches pour survivre, et le pouvoir échappe au chef de la nation : cachés derrière le symbole de pureté et d'indépendance qu'il est devenu, ses anciens amis conquièrent par tous les moyens gloire, puissance et richesse.
Pour donner la mesure de ce drame intime et politique, l'écrivain déploie une construction romanesque époustouflante : elle mène de front quatre intrigues, qui toutes révèlent une facette de la tragédie dont le président est le protagoniste malgré lui.
De nombreux chapitres se déroulent dans son lieu d'exil : entre souvenirs (les scènes de sa jeunesse à Paris sont magnifiques, sa rencontre avec Xuan inspirée), remords et visions, il tente de démêler les fils de son destin et de ses contradictions.
On suit également le parcours de son plus fidèle compagnon, Vu, le seul qui tienne encore tête au pouvoir en place : c'est Vu qui a adopté et caché le fils du président, c'est son frère qui a recueilli sa fille. Dans son propre foyer, se joue, à travers la figure de sa femme, une ancienne révolutionnaire pure et dure comme lui, devenue complice des exactions du régime, toute la geste des idéaux trahis et du pouvoir qui corrompt.
Parenthèse bucolique dans le livre, Duong Thu Huong consacre un long développement au paysan mort dans l'accident que décrit la scène initiale. Le vieux Quang, lui, a réussi à imposer à sa communauté du Village des bûcherons la jeune femme dont il est tombé amoureux. Ce roman dans le roman est comme un contrepoint à l'intrigue principale et donne l'occasion d'une plongée étonnante de vérité dans une société villageoise elle aussi rongée par la jalousie et tous les instincts primaires, mais où la vérité des sentiments finit par s'imposer.
Dernier point de vue sur la tragédie : celui de An, le beau-frère de Xuan, la jeune épouse sacrifiée. Il a été témoin de la cruauté du régime, il est parvenu à fuir alors que sa propre femme était assassinée elle aussi, et il ne survit que pour se venger. Étonnante trajectoire d'homme fou de douleur, tout entier tendu sur son objectif.
Le roman est admirable par sa construction, par la puissance d'évocation de la nature, des paysages, des scènes de combat dans la jungle, par la profondeur psychologique des personnages, qui tous semblent proches et familiers. L'écrivain, comme dans toute son oeuvre, fait également preuve d'une compassion qui la hisse au niveau des plus grands : aucun jugement sur cet homme, le vainqueur de Dien Bien Phu en 1954, devenu une marionnette aux mains du régime, mais une tentative de comprendre un destin d'autant plus tragique qu'il s'est joué d'un être bien réel et maître du pouvoir.
Duong Thu Huong, héraut des idéaux bafoués que le président a portés jusqu'au bout, écrit aussi un très grand roman politique.

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Avis (4)

  • Magistral et ambitieux, ce roman évoque Ho Chi Minh au soir de sa vie et dresse un bilan amer sur sa vie d’homme privé et politique alors que son œuvre, la révolution communiste, n’a pas tenu ses promesses et laisse le pays et son peuple totalement exsangues.
    La figure tutélaire du Vietnam,...
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    Magistral et ambitieux, ce roman évoque Ho Chi Minh au soir de sa vie et dresse un bilan amer sur sa vie d’homme privé et politique alors que son œuvre, la révolution communiste, n’a pas tenu ses promesses et laisse le pays et son peuple totalement exsangues.
    La figure tutélaire du Vietnam, réduite à l’état de marionnette, gardée comme un prisonnier, faible et malade, se penche sur son passé, sa jeunesse parisienne, ses erreurs, sur cette femme qu’il a aimée mais n’a pas su protéger, ce fils qui lui a été arraché… Parallèlement, Duong Thu Huong développe trois autres histoires qui s’entremêlent à celle du Président et mettent en évidence la corruption d’un régime idéaliste, les idéaux trahis, les reniements et la culture du mensonge érigée en doctrine par les anciens héros de la Révolution.
    Dans un style léger et poétique qui met en exergue la beauté d’un pays et sa tradition paysanne, cette ancienne dissidente, assignée à résidence surveillée au Vietnam jusqu’en 2006, rend hommage aux victimes de la Révolution.

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  • Bouleversant, d'une beauté à couper le souffle.

    Bouleversant, d'une beauté à couper le souffle.

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  • Après la lecture de ce pur chef d’œuvre on reste groggy par ce monument (près de 800 pages). L'écriture est sublime et permet une véritable immersion dans cet envoutant Vietnam. Ce roman est à la frontière du récit historique et de l'essai philosophique avec ce constat terrible. Comment l'homme...
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    Après la lecture de ce pur chef d’œuvre on reste groggy par ce monument (près de 800 pages). L'écriture est sublime et permet une véritable immersion dans cet envoutant Vietnam. Ce roman est à la frontière du récit historique et de l'essai philosophique avec ce constat terrible. Comment l'homme réussit inévitablement à transformer l'or des plus beaux idéaux de liberté de fraternité en plomb avec les pires bassesses d’égoïsme de vénalité, de totalitarisme?
    Incontestablement cet auteure n'a pas la notoriété et le succès commercial qu'elle mériterait.

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  • Terre des Oublis se lisait facilement. Là, il faut s'accrocher un peu pour ne pas le refermer. Mais ce serait tellement dommage. L'intrigue narrative est exemplaire. Et l'ambiance, une nouvelle fois.

    Terre des Oublis se lisait facilement. Là, il faut s'accrocher un peu pour ne pas le refermer. Mais ce serait tellement dommage. L'intrigue narrative est exemplaire. Et l'ambiance, une nouvelle fois.

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