« - Je ne vous accuse de rien, monsieur Delon, mais vous tenez entre les mains la raison de votre kidnapping. Êtes-vous d'accord pour que je vous rafraîchisse la mémoire? - On m'a déjà fait ce coup-là des dizaines de fois figurez-vous, mais allez-y, puisque nous y sommes. Je vais reprendre un peu de vin. Cela me permettra de survivreà ce que vous avez à me raconter. Il tenait cette phrase du Guépard. Luchino Visconti l'avait placée dans la bouche de Burt Lancaster. Delon s'en était rappelé à propos pour feindre le détachement. Il vidala bouteille de pomerol dans le verre ballon et se mit en position pour écouter Kaizuo.» Avec cette comédie à suspense, Benjamin Berton fait plus que confirmer ses talents de conteur et son humour fantasque. Il dresse le portrait tout en nuance du dernier grand acteur français et prouve que seule la fiction pouvait raconter l'homme derrière le mythe Alain Delon. Benjamin Berton, trente-quatre ans, a reçu le Goncourt du premier roman pour Sauvageons. Il a également publié, chez Gallimard, Classe affaires, Pirates et Foudres de guerre.
Un matin très tôt, alors qu’il quitte son domicile incognito pour s’offrir une traversée de Paris en vélo, la star, Alain Delon, est enlevée. Alain Delon, revenu de tout, qui ne comprend plus ses enfants adolescents mais mène une lutte sans merci contre la vieillesse, se réveille au fin fond de la Creuse, entre les mains de ses fans, un couple d’étudiants japonais. Ses ravisseurs, passionnés par le cinéma français et particulièrement les films ou l’acteur vieillissant a joué, attendent de lui une chose très particulière qu’il a pour habitude de refuser systématiquement : Un test ADN prouvant qu’il est bien le père biologique de Kaisuo. Les soupçons du jeune homme sont étayés par la couleur bleue de ses yeux, identique à celle de l’acteur, et par la liaison fugace de la star avec la mère de Kaisuo.
Tetsuko, la jeune japonaise, se laisse charmer par l’affection de la star tandis que Kaisuo joue au dur qu’il n’est pas. Mais, pour mener à bien leur projet, le couple devra affronter une voisine curieuse, un homme des bois, une vache amoureuse et, au final, le père du garçon qui ne s’en laisse pas conter. Tout cela va se terminer en apothéose et se conclure de manière fort inattendue.
Sous une fausse apparence de document sérieux mâtiné de solides références sur la culture japonaise et la filmographie d’Alain Delon, ce roman nous entraîne dans des chemins de traverse bordés de rebondissements farfelus. L’intrigue, cocasse et jouissive, laisse entrevoir une part de rêve et de tendresse. Des rapports ambigus s’installent dans ce huis-clos entre les jeunes japonais et leur victime ; laquelle vit cette aventure comme un rôle de cinéma. Il y a, d’un côté le vieil acteur égocentrique et, de l’autre le séducteur qui toujours cherche à plaire avec des regards et des sourires de cinéma.
Le roman, tout du long, joue sur les contrastes, celui entre le projet déjanté de ces deux jeunes idéalistes et les motivations des habitants du village, entre la culture japonaise et celle de la France profonde. L’auteur, qui tire les fils avec humour, confronte la star à De Gaulle et Brialy. Le mythe du grand acteur, revu par l’auteur qui mélange subtilement anecdotes réelles et pensées fictives, est à la fois drolatique et attendrissant. Car Benjamin Berton a évité, avec talent, l’écueil de la caricature et nous livre des personnages attachants et émouvants dans leur drôlerie.
Ce roman pastiche le genre du polar avec un humour subtil qui n’en est pas moins d’une efficacité étonnante. On se laisse embarquer dans cette histoire extravagante avec beaucoup de plaisir.
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