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De l'importance des premières phrases des romans...

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  • Je me rends compte à force de lire que la première phrase d’un roman est assez essentielle, elle nous donne la petite musique du livre. Dès ce début on peut quasiment deviner si le livre sera bien ou non. Parfois c’est une petite phrase mystérieuse et ronde comme un galet qui nous donne envie d’en savoir plus ou bien, en quelques mots elle introduit le(s) personnage(s), plante le décor. Et c’est comme le rideau rouge s’ouvrant sur une scène de théâtre. D’autres fois la première phrase est comme un voile que l’on déchire, une vérité éclairée crûment et cruellement comme la première phrase de « la honte » d’Annie Ernaux.

    Je me suis amusée à chercher quelques premières phrases piochées dans des romans que j’ai beaucoup aimés pour voir ce que ça donne. Je trouve que la magie opère, on a envie de lire la deuxième phrase et la troisième….

    Et vous ? Quelles sont vos premières phrases ?


    « Adrien traversa étourdi, le court boulevard de la Mère de Dieu, qui à Braïla conduit de l’église du même nom au Jardin public. »

    Kyra Kyralina, Panaït Istrati

    « C’est par un jour morne de ceux dont l’hiver, comme à dessein, semble vouloir gratifier prioritairement les capitales des petits Etats arriéré, que parvint le courrier diplomatique. »

    Le dossier H, Ismaël Kadaré


    « Lorsque, à seize ans, le jeune Karl Rossmann, que ses pauvres parents envoyaient en exil parce qu’une bonne l’avait séduit et rendu père, entra dans le port de New York sur le bateau déjà plus lent, la statue de la Liberté, qu’il observait depuis longtemps, lui apparut dans un sursaut de lumière.»

    L’Amérique, Kafka


    « Quand il se réveillait dans les bois dans l’obscurité et le froid de la nuit il tendait la main pour toucher l’enfant qui dormait à ses côtés »

    La route, Cormac Mac Carty


    « Mon père a voulu tuer ma mère un Dimanche de juin, au début de l’après-midi »

    La honte, Annie Ernaux

    « Le berceau balance au-dessus d’un abîme, et le sens commun nous apprend que notre existence n’est que la brève lumière d’une fente entre deux éternités de ténèbres »

    Autres rivages, Vladimir Nabokov
  • - Alors, ça va être la guerre Mame Jacob ?
    - Mon dieu, fit Madame Jacob en hochant sa tête grise, ne parlez pas de la guerre. J'ai déjà vu celle de 70.


    "Pain de soldat" de Henry Poulaille.
  • Nina Bouraoui est à l'honneur ces derniers temps,

    Alors je vous propose Sophie tout en saluant Jean au passage (conteur émérite) la première phrase de "la voyageuse interdite" et vous laisse apprécier comment elle réussit en quelques mots à nous emporter dans son histoire.

    Amitiés
    JM

    "Ce matin, le soleil est plus haut. Hautain je dirais. Juché sur un trône invisible, il déverse son énergie dans ma rue qui se détache orgueilleusement du reste de la ville. Épicentre de l'aventure, c'est ici que tout se passe pour cette femme cachée derrière sa fenêtre, pour cet épicier rougeaud assis sur un tabouret, pour cet homme guettant un rideau clos, pour ces petits et petites qui courent dans un rectangle bien délimité par des bâtisses sombres et anguleuses."
  • Merci Jean et Jean-Michel pour votre contribution. Effectivement ça donne envi d'en lire plus... Ces premières phrases de la voyeuse" (que je n'ai pas lu) me font penser par l'ambiance, au film d'Hitchcock "Vertigo" .
  • Bonjour Sophie,

    Tout à fait d'accord avec vous sur l'importance des premières phrases d'un livre. D'ailleurs, avant d'en choisir un, tout de suite après avoir lu le résumé, je lis les premières lignes...

    "On fait tous des erreurs. Tout le temps. En général, des trucs pas graves, comme oublier de rappeler quelqu'un, de mettre de l'argent dans l'horodateur ou d'acheter du lait au supermarché. Mais parfois, pas souvent heureusement, on commet une erreur. Le genre d'erreur qui peut vous coûter la vie."
    A deux pas de la mort, Peter James.

    "Nous allons errant, musardant, pressés ou distraits, ne regardant jamais la vieille dame en noir qui est accroupie à l'horizon, mais elle ne nous quitte pas des yeux. Soudain, la voilà si proche que nous ne pouvons plus l'ignorer. Nous tentons de ralentir le pas, et, terrifiés, nous découvrons que nous ne sommes pas maîtres du temps, il nous pousse par derrière, nous trébuchons, haletants, désespérés, nous cherchons quelque appui, il faut se raccrocher, résister, mais déjà la vague est sur nous et nous emporte hurlant vers le silence".
    Récit de la dernière année, Jacqueline Harpman.

    "J'avais dix-huit ans quand Gauvain m'est entré dans le cœur pour la vie, sans que nous le sachions, ni lui, ni moi. Oui, cela a commencé par le cœur ou ce que je prenais pour le cœur à cette époque et qui n'était encore que la peau".
    Les vaisseaux du cœur, Benoîte Groult.

    "C'est une solitude.
    Comme une lune trop pleine, trop blême, dans l'encadrement d'une fenêtre.
    Je la regarde en face.
    J'ai peur, si je me retourne, qu'elle me tire dans le dos, une menace."
    La Reine des abeilles, Dorothée Letessier

    Bonne journée, Nina
  • Merci Nina, cela donne vraiment envie de savoir la suite. J'aime bien la vision de la "dame en noir".
    Bises et Amitiés
    JM
  • Il y a encore quelques jours, je m'en suis voulu de ne pas avoir lu les premières lignes d'un livre, acheté d'après la quatrième de couverture. Par chance, il ne dépassait pas les 150 pages. Une autre édition précisait bien "écriture saccadée, syncopée". Au delà de l'histoire, le début permet également de se rendre compte si on accroche ou pas au style de l'écrivain.
  • Merci Teo et Wahiba, ça donne très envi de lire Dante.
  • Bonjour Sophie,

    J'ai envie de partager la première phrase de Confiteor, de Cabré, un texte étonnant...

    "Ce n'est qu'hier soir, alors que je marchais dans les rues trempées de Vallcarca, que j'ai compris que naître dans cette famille avait été une erreur impardonnable."
  • Tout est dans la première phrase !!!!
    Amitiés à Olivier et merci "Sophiecé" pour cette discussion très intéressante.

    Bonne journée
    JM

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