Suivre tes traces, toi le poète de la rue !
L’écriture de Sylvie Germain est juste magnifique, elle donne une vision de la richesse de cette langue si difficile à apprendre et si merveilleuse à utiliser.
Ce livre raconte l’amitié entre un gamin, mal aimé, livré à lui-même, avec un artiste de...
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Suivre tes traces, toi le poète de la rue !
L’écriture de Sylvie Germain est juste magnifique, elle donne une vision de la richesse de cette langue si difficile à apprendre et si merveilleuse à utiliser.
Ce livre raconte l’amitié entre un gamin, mal aimé, livré à lui-même, avec un artiste de rue roumain, libre et d’une fantaisie qui montre l’expérience d’un vécu tragique.
Le gamin c’est Nathan, 9 ans et le tendre Gavril qui a des yeux fascinants, couleur de pièces de monnaie « bronze doré, presque orangé » et qui avec rien fait son miel. Gavril c’est la fantaisie et la sagesse, une philosophie de vie.
Nathan a la langue qui fourche, pas habitué à ce qu’on lui prête attention sauf pour se moquer, il va trouver un ami.
« Ce débit haletant l’épuisait, sa voix s’essoufflait, et bientôt s’amuïssait, il restait bouche entrouverte, les yeux embués, l’air ahuri. »
C’était dans les années 80.
En septembre 2015, Nathan est de passage à Paris, pour son travail, il est sorti de son hôtel, sans but juste pour s’aérer, mais surpris par une forte averse, il se réfugie sous un abri bus, son regard est attiré par des affiches collées. Une en particulier l’hypnotise, un avis de recherche pour un octogénaire qui s’est enfui de l’hôpital où il séjournait.
Ce visage il ne l’a jamais oublié, mais que fait-il là, affiché à tous vents, alors que Gavril est censé être mort 25 ans plus tôt ?
Pour Nathan, cette photo est un choc. Il va rouvrir la parenthèse enchantée qui a duré 8 ans dans sa vie.
Avec des aller-retour entre passé et présent, l’auteur nous fait assister à la naissance d’un homme.
Nathan va enquêter, pourquoi lui a-ton menti ? Dans quel but ?
« C’est drôle, je réalise à l’instant que j’ai quasiment le même âge aujourd’hui que Gavril quand je l’ai rencontré. J’aurai bientôt quarante-quatre ans, il en avait à peine quarante-cinq. Il me semblait alors si vieux du haut de mes neuf ans. Le plus vieux des deux, en fait, c’était moi. »
Nathan va nous dévoiler le mystère de la vie de Gavril, Roumain aux origines métissées, allemandes et tsiganes, dont la famille a subi les persécutions.
Pour Nathan, il devient urgent d’aller en Roumanie, il a besoin de s’imprégner de ce pays dont Gavril vantait la beauté, ses paysages, ses églises en bois, ses monastères, son pays ancien et sauvage.
Nous allons, par la magie de cette écriture, marcher dans les pas de Gavril et assister à la mue de Nathan, car comme souvent dans les livres de Sylvie Germain, il n’est jamais trop tard pour désirer la vie et rien d’autre.
Un livre qui vous interroge, vous interpelle, vous fascine.
Y a-t-il un âge pour naître ?
L’auteur nous montre la richesse des rencontres insolites, celles qui se font sans préjugés, et qui développe une philosophie sans laquelle l’existence serait terne.
L’importance des mots, ce fait naturellement entre l’enfant bègue qui a peur de lui-même et cet homme venu d’ailleurs qui en fait sa richesse, qui montre la beauté de la poésie, de la fantaisie, de l’imaginaire, il est celui qui voit plus loin.
Vraiment une histoire qui m’a profondément bouleversée, j’ai cette impression d’avoir rencontré ce duo, et ces deux êtres vont laisser des traces.
Il y a des écrivains qui sont sur notre route pour nous enrichir, Sylvie Germain, en fait partie.
©Chantal Lafon
https://jai2motsavousdire.wordpress.com/2022/07/18/le-vent-reprend-ses-tours/